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InfosDiffusionsCastingRĂ©sumĂ©Philippe Etchebest se rend Ă  Bellegarde, une ville dans laquelle HĂ©lĂšne et Guy se sont lancĂ©s dans l'hĂŽtellerie par passion. VoilĂ  dix ans qu'ils ont acquis un Ă©tablissement, mais leur rĂȘve s'est vite transformĂ© en cauchemar des prix trop Ă©levĂ©s, un manque de visibilitĂ© et trop peu de contact avec les gens de la rĂ©gion ont contribuĂ© Ă  faire pĂ©ricliter leur affaire. HĂ©lĂšne vit quasiment cachĂ©e dans son hĂŽtel et ne sait plus quoi faire pour ramener des clients. Et la personnalitĂ© d'HĂ©lĂšne ne va pas simplifier la tĂąche de Philippe... Heureusement, une jeune Ă©quipe est en place pour que les choses changent et, ensemble, ils feront tout pour ramener du monde dans l'Ă©tablissementGenreTĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©AnnĂ©e de sortie2014AvecPhilippe EtchebestInfos supplĂ©mentaires—Avis des internautes 1Vous avez aimĂ© ce programme ? ï»żPourla premiĂšre fois, Philippe Etchebest va partir en mission pour aider le gĂ©rant d'un hĂŽtel en difficultĂ©. Sa tĂąche sera particuliĂšrement difficile. Qu'il s'agisse de l'accueil, du mĂ©nage, des services ou des prestations, les problĂšmes ne vont pas manquer. C'est Ă  Aix-les-Bains, ville thermale, qu'un hĂŽtel 3 Ă©toiles a fait appel Ă  Philippe Etchebest. Cette bĂątisse historique Episode 01 Titre L'Angler's LodgeTitre original Angler's LodgeAnnĂ©e de production 2013Pays France Genre DurĂ©e 140 min Synopsis de l'Ă©pisode 1 de la saison 3 Gordon Ramsay est Ă  Island Park dans l'Idaho. Dave et Dede dirigent L'Angler's Lodge, un hĂŽtel-restaurant familial. C'est Dave qui a tout construit... Bande-annonce Vous regardez Cauchemar Ă  l'hĂŽtel. Votre bande-annonce dĂ©marrera dans quelques secondes. Episode 02 Titre Le Vienna Restaurant & Historic InnTitre original Vienna InnAnnĂ©e de production 2013Pays France Genre DurĂ©e 140 min Synopsis de l'Ă©pisode 2 de la saison 3 Gordon Ramsay est Ă  Southbridge, dans le Massachusetts, pour tenter de sauver le Vienna Restaurant & Inn, un hĂŽtel-restaurant achetĂ© en 2000 par Jo... Bande-annonce Vous regardez Cauchemar Ă  l'hĂŽtel. Votre bande-annonce dĂ©marrera dans quelques secondes. Episode 05 Titre Le Lake View HotelTitre original Lakeview HotelAnnĂ©e de production 2013Pays France Genre DurĂ©e 140 min Synopsis de l'Ă©pisode 5 de la saison 3 Gordon Ramsay se rend Ă  Chelan dans l'État de Washington pour tenter de sauver le Lake View Hotel. Les propriĂ©taires, Brent et Afni Macdonald, sont... Bande-annonce Vous regardez Cauchemar Ă  l'hĂŽtel. Votre bande-annonce dĂ©marrera dans quelques secondes. Episode 06 Titre Le Brick HotelTitre original Brick HotelAnnĂ©e de production 2013Pays France Genre DurĂ©e 140 min Synopsis de l'Ă©pisode 6 de la saison 3 Gordon Ramsay se rend Ă  Newtown, en Pennsylvanie, pour sauver le Brick Hotel. Verindar Kaur et son fils CJ ont rachetĂ© l'Ă©tablissement en 2006, pen... Bande-annonce Vous regardez Cauchemar Ă  l'hĂŽtel. Votre bande-annonce dĂ©marrera dans quelques secondes. Episode 07 Titre Le Beachfront Inn and InletTitre original The Beachfront Inn and InletAnnĂ©e de production 2014Pays France Genre DurĂ©e 140 min Synopsis de l'Ă©pisode 7 de la saison 3 Gordon Ramsay se dĂ©place Ă  Fort Pierce. C'est ici que se trouve le Beachfront Inn, un Ă©tablissement ouvert en 2012 par Brian Paul. Avant, Brian gĂ©r... Bande-annonce Vous regardez Cauchemar Ă  l'hĂŽtel. Votre bande-annonce dĂ©marrera dans quelques secondes. Episode 08 Titre Le Landoll's Mohican CastleTitre original The Landoll's Mohican CastleAnnĂ©e de production 2013Pays France , Etats-Unis Genre DurĂ©e 140 min Synopsis de l'Ă©pisode 8 de la saison 3 Gordon Ramsay intervient au Landoll's Mohican Castle », un chĂąteau au coeur de l'Ohio tenu par Marta Landoll et son fils Jimmy. AprĂšs avoir vendu... Bande-annonce Vous regardez Cauchemar Ă  l'hĂŽtel. Votre bande-annonce dĂ©marrera dans quelques secondes.
CauchemarĂ  l'hĂŽtel. 2013 508 membres 1 saison 2 Ă©pisodes. Cauchemar Ă  l'hĂŽtel est une Ă©mission de tĂ©lĂ©vision française adaptĂ©e de l’émission amĂ©ricaine Hotel Hell diffusĂ©e sur Fox depuis le 13 aoĂ»t 2012. Elle met en scĂšne le chef-cuisinier Philippe Etchebest.
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See other formats Digitized by Google Digitized by Google Digitized by Google MONTMARTRE Cuciit. — lmp. M. Loisxoa, Paul* Dcrosi et C, rue du Buc-d'AsniĂšres, li. Digitized bĂż Google L’ABBESSE D E MONTMARTRE ROMAN HISTORIQUE p a n HENRI AUGU & GULLAUD n LES ASSASSINS DU ROI E. DENTU, EDITEUR LIBRAIRE UK J,A SOCIÉTÉ DES DE LETTRES PALAIS-ROYAL, 17-19, GALERIE D’ORLÉAYS L’ABBESSE D E MONTMARTRE DEUXIÈME PARTIE LES GRANDS CONSPIRATEURS I LA FOIRE DE SAINT-GERMAIN. Nous sommes en 1602, au mois de fĂ©vrier. La cĂ©lĂšbre foire de Saint-Germain est dans tout son Ă©clat, dans tout son ourvari. C’est un vacarme Ă  ne pas s’entendre, un tohubohu Ă©tourdissant. Tout fourmille, tout frĂ©tille, s’ébat et crie. Ici, le marchand s’égosille Ă  appeler ses chalands ; lĂ , en se disputant, on joue aux quilles et au tourniquet ; ailleurs, des bateleurs, des jongleurs, des acrobates provoquent les applaudissements du populaire. Des charlatans prĂ©conisent leur orviĂ©tan et leur poudre “ ’ i Digitized by Googl 2 L’ABBESSE DE MONTMARTRE de perlimpinpin, ou arrachent les dents Ă  quelques ba- dauds. Plus loin, on montre des chiens et des singes savants. Pendant longtemps, pour ces derniers, on avait perçu, au passage du Petit-ChĂątelet, quatre deniers de droit d’entrĂ©e, ce dont les jongleurs purent se dispenser dans la suite, en faisant gambader leurs singes devant le pĂ©ager. De lĂ  est venu le proverbe Payer en monnaye de singe. Aux cabarets de la foire on boit et on chante. De mignards cordeliers et prescheurs, des abbĂ©s musquĂ©s, comme il y en avait alors, vont d’une loge Ă  l’autre, riant et secouant leurs mouchoirs frisĂ©s. Puis ce sont des Ă©co- liers turbulents ou des pages faisant mille niches aux pai- sibles bourgeois. On voit aussi circuler des groupes avinĂ©s, composĂ©s pĂȘle- mĂȘle de lansquenets, de laquais et de pĂšres frapparts, dodelinant de la tĂȘte et barytonant, » comme eĂ»t dit feu le plaisant Rabelais. Tout Paris s’est donnĂ© rendez-vous au faubourg Saint- Germain. Henri IV et sa cour n’ont eu garde de ne pas venir s’é- jouir au grand Ă©battement. Le BĂ©arnais aimait Ă  voir l’allĂ©- gresse populaire. , Mais voici encore nos vieilles connaissances, les com- mĂšres que nous avons vues deviser, Ă  Montmartre, sur la procession de Saint-Denis . C’est Jehanne la Jocette, Mar- the lĂ  LouvĂšte et dame Perronnelle la Bidaude. Jean GuillĂȘ, le quĂ©reur de pardons, n’y a pas manquĂ© non plus ; il les accompagne. Seulement le diseĂčr de chapelets avait prospĂ©rĂ© on le devinait Ă  ses chausses et Ă  son pour- point de drap neuf, et surtout Ă  sa volumineuse montre-hor- I6ge, suspendue au cou. L’usage de ces montres s’établit Ă  Paris sons le rĂšgne de Henri IV. — Jamais, disait la Jocette, la foire Saint-Germain ne fut aussi belle, n’est-ce pas, pĂšre Guille t Digitized by Goo E’ ABBESSE DE MONTMARTRE 3 — Elle est redevenue ce qu’elle Ă©tait avant la Ligue, rĂ©- pondit le quĂ©reur de pardons. — Est-ce un mal ? demanda la LouvĂšte. — C’est un vrai lieu de perdition, dame Marthe. Ou y perd son argent, sa raison et la vie parfois. Hier encore, m’a-t-on dit, des Ă©coliers mutinĂ©s se sont pris de querelle avec des laquais. Plusieurs furent tuĂ©s, et l’un de ces der- niers coupa les deux oreilles Ă  un clerc de la Basoche çt les lui mit dans sa pochette. . — Quelle horreur ! Mais pourquoi y venez-vous doue , saint homme? — C’est que... c’est que, dit le cafard ligueur assez Ăšm- barrassĂ©, dame Jocette l’a voulu, et je... — Taisez-vous, Jean Guille, interrompit Jehanne qui, grĂące aux poulardes et autres friandises de son Ă©choppe, dont elle le bourrait, avait conquis sur le vieux garçon, de- venu riche, une influence presque... lĂ©gitime. Taisez-vous! vous ne vous faisiez dĂ©jĂ  pas tant tirer l’oreille. — Et puis, fit observer Perronnelle, voyez tous ces rĂ©vĂ©- rends pĂšres ils ne se montrent nullement scandalisĂ©s. — De plus, ajouta la LouvĂšte, cette foire fait gagner maint teston et escu soleil Ă  tous ces cabaretiers, comĂ©diens, jouailliers, marchands de toiles, de draps, menus nĂ©goces et autres affiquets. — C’est pourtant vrai, pĂšre Guille. Parce que vous avez arrondi votre sac, en faisant des priĂšres et momeries pour les autres, il ne faut pas condamner ce qui peut garnir l’es- carcelle de tant de pauvres gens vendant marchandise plus profitable. — La LouvĂšte ! vous sentez l’hĂ©rĂ©sie.,. — Mais non le roussi. On ne brĂ»le plus les hĂ©rĂ©tiques... heureusement. Notre bon roi Henri a mis ordre Ă  cela. — Il devrait bien aussi mettre ordre Ă  votre langue. — PĂšre Guille ! dit Jehanne , vous plairait-il de nous ra- Digitized by Google 4 L’ABBESSE DE MONTMARTRE conter, vous qui savez tant de choses, l’histoire de cette foire Saint-Germain. — Volontiers. AprĂšs les troubles sous Charles VI et Charles VII, l’abbĂ© et les religieux de Saint-Germain-des- PrĂ©s, qui avaient Ă©prouvĂ© de grandes pertes, obtinrent du roi Louis XI, comme dĂ©dommagement, le droit d’établir une foire franche en ce lieu, oĂč s’élevait autrefois l’hĂŽtel de Navarre. — LĂ  ! vous voyez bien. Ce sont les moines de Saint- Germain qui ont créé ce que vous appeliez un lieu de per- dition. — La durĂ©e de la foire, poursuivit sans se dĂ©concerter Jean Guille, Ă©tait d’abord de huit jours. Elle se continua ensuite pendant tout le carnaval et une grande partie du carĂȘme, pour ne finir qu’aux Rameaux. — En plein carĂȘme ! fit encore remarquer la LouvĂšte. Preuve que nos rois et nos moines n’y regardaient pas de si prĂšs. — On construisit, continua le ligueur, cent quarante loges en 1486, qui furent plus tard, en 1511, rĂ©tablies soli- dement par l’abbĂ© Guillaume Briçonnet. Elles firent l’ad- miration de la cour et de la ville. Vous les avez lĂ  devant vous, ces belles constructions en charpente, Ă  la suite les unes des autres, au bout desquelles se trouve le Champ crottĂ©, pour la vente des bestiaux. — On entend d’ici beugler les bƓufs. — MalgrĂ© la parade qui vient de commencer Ă  la loge des Gelosi, s’écria la Jocelte. Ah I Voyez donc les belles dames italiennes et leurs compagnons sur les trĂ©teaux! — Et Ă  cĂŽtĂ©, ajouta le pĂšre Guille, Ă  la loge des comĂ©- diens français, voilĂ  le pitre qui prĂ©lude sur le tabourin. — Mais le roi et sa cour ne sont-ils pas chez les comĂ©- diens, Ă  entendre une farce ? on nous le disait tout Ă  l’heure. — Le BĂ©arnais y Ă©coute la Farce joyeuse de Toanon. L’ABBESSE DE MONTMARTRE — La reine y est-elle? — Elle s’est gardĂ©e d’accompagner le BĂ©arnais cette fois, comme il y a huit jours Ă  l’hĂŽtel de Bourgogne elle savait que la marquise de Verneuil avait Ă©tĂ© invitĂ©e. — Mademoiselle Henriette d’Entragues ! — La seconde reine. Marie de MĂ©dicis en est jalouse, et il y a de quoi. — Le roi n’avait-il point promis le mariage Ă  la mar- quise, aprĂšs la mort de cette pauvre Gabrielle empoi- sonnĂ©e ? — Il le lui avait promis par Ă©crit, malgrĂ© Rosny. Les Italiens, rĂ©unis sur les trĂ©teaux, devant leurs loges, avaient commencĂ© leur ampoulĂ© boniment, avec force mu- sique de flĂ»tes et de cimballes, et Ă  grand renfort de grosse caisse. A leur cĂŽtĂ©, pour faire concurrence, quelques-uns des co- mĂ©diens français, tandis que l’on finissait la reprĂ©sentation dans l’intĂ©rieur par Mirtil , bergerie d’Abradan, entrepre- naient une grosse farce sur leurs trĂ©teaux Ă  eux, afin d’atti- rer les Parisiens. Tout cela faisait un tintamarre discordant de cris et de sons Ă  se boucher les oreilles. Mais cette cacophonie, loin de chasser les promeneurs, les badauds, comme dĂ©jĂ  Ra- belais avait nommĂ© nos pĂšres, les faisait accourir de toutes parts. Nos commĂšres entraĂźnĂšrent maĂźtre Guille, pour jouir de la double parade. Aux Italiens, oĂč l’on jouait la pantomime, se voyaient le Milanais Scaramouche, gourmand, paresseux et menteur, c’est-Ă -dire le Pierrot enfarinĂ© de nos jours ; je VĂ©nitien Pantaleone ; l’Arlequin bergamesque, toujours vainqueur de son infortunĂ© rival; le Polichinelle napolitain el signor Pulcinella ou le mauvais sujet. A ces types du mime italien, s’étaient joints des per- sonnages indigĂšnes le malheureux et beau LĂ©andre; le Digitized by 6 L’ABBESSE DE MONTMARTRE pĂšre Cassandre, toujours conspuĂ© et battu, et la charmante et lĂ©gĂšre Colombine. A la loge des comĂ©diens français, qui, ce jour-lĂ , repre- naient leurs jeux, suspendus pendant une semaine par suite des prĂ©tentions des MaĂźtres ou ConfrĂšres de la Passion , lesquels avaient invoquĂ© leurs privilĂšges, on admirait sur- tout les comĂ©diens Legrand, Gros-Guillaume et Gauthier- Garguille. Le premier, sous le nom de Turlupin d’oĂč tur- lupiner et turlupinade, prĂ©ludait alors, sur les trĂ©teaux fo- rains, Ă  ses succĂšs futurs de l’hĂŽtel de Bourgogne, berceau du ThĂ©atre-Français. AsescĂŽtĂ©s, on applaudissait aussi PĂšre La Rancune, le rai- sonneur ; Ragotin, qui remplissait en robe de chambre les grands rĂŽles, les Ajax et les Agamemnon ; le superbe Floridor, l’amoureux; la tendre Isabelle, qui faisait les jeunes princesses, et la belle ElĂ©onore dans ses rĂŽles de co- quette. BientĂŽt la grosse farce, avec les bouffonneries de Gau- thier-Garguille et les robineries de Turlupin, l’emporta, chez les descendants des Gaulois, sur la pantomime italienne, et les maniĂšres plus affĂ©tĂ©es d'el signor Pulcinella et de sa compagnie. Nos commĂšres s’étaient rapprochĂ©es de la loge des Fran- çais, et n’avaient plus d’oreilles que pour les turlupinades. La farce qui servait de boniment Ă©tait fort plaisante et provoquait de fous rires. Gros-Guillaume remplissait le rĂŽle d’un lansquenet alle- mand, malheureux dans son mĂ©nage. Sa femme Gretchen , le trompait avec le beau Floridor, et Turlupin se gaudissait de lui avec' force grimaces et joberies. Dans la foĂŒle, on se dĂ©sopilait la rate. Un seul des spectateurs ne riait point. Il regardait et Ă©coutait, Ă  quelques pas de Jean Guille et de ces dames ; les mains derriĂšre le dos, fronçant de plus Digitized by GoogI L’ABBESSE DE MONTMARTRE T en plus ses sourcils gris, il grommelait de temps en temps des paroles inintelligibles. Cet homme Ă©tait arrivĂ© Ă  la foire d’un pas lourd, consb- dĂ©rant tout avec flegme, mais paraissant nĂ©anmoins cher- cher quelqu’un. Sa tournure, sa corpulence et sa mise avaient fait sourire maint Parisien. Devant la baraque des comĂ©diens français, l’accoutrement et la physionomie de Gros-Guillaume l’avaient frappĂ©, et il s’était arrĂȘtĂ©. — Diens ! diens ! s’était-il dit, c’ĂȘdre un bays, ça... un Landsknecht!... Et il me ressemble un beu. Effectivement, Gros-Guillaume, le cĂ©lĂšbre farceur, Ă©tait un franc ivrogne, bourgeonnĂ©, gros, gras et ventru. Il n’ap- paraissait jamais sur la scĂšne que garrottĂ© de deux ceintures, l’une au-dessous du nombril, et l’autre sur la poitrine. Ces deux ceintures, disent les chroniqueurs du temps, le met- taient en tel Ă©tat, qu’on l’eĂ»t pris pour un tonneau. Une cruelle maladie dont il Ă©tait atteint, le venait quelquefois attaquer si rapidement au milieu de son rĂŽle, qu’il en jetait des larmes ; et ces traits de douleur, imprimĂ©s sur son vi- sage, faisaient souvent partie de la farce. Quant au personnage qui s’était arrĂȘtĂ© devant la loge, et qui trouvait qu’il y avait quelque ressemblance entre lui et le lansquenet Gros-Guillaume, sa ventrositĂ© et son habille- ment Ă©taient encore plus remarquables que ceux de l’ancien boulanger Robert GuĂ©rin, c’est-Ă -dire de Gros-Guillaume. C’était ce qu’on pouvait appeler un vrai bedon, aussi membru et fort de carrure que haut de taille. Sa rouge trogne sans barbe, aux joues bouffies et au tri- ple menton qui Ă©crasait son rabat, Ă©tait encadrĂ©e par une chevelure fauve et inculte sur laquelle avait peine Ă  tenir un petit casque Ă  plume de coq. Sur son gambesou de peau Ă©tait passĂ©e une cuirasse mĂ©diane, et ses chausses, Ă©gale- ment de peau, s’enfonçaient dans de larges houseaux de cuir, garnis -d'Ă©perons. Digitized by Google 8 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Une formidable Ă©pĂ©e Ă  poignĂ©e monstrueuse, qui devait dater de l’époque de Philippe- Auguste, Ă©tait attachĂ©e Ă  un baudrier derriĂšre le dos ; la pointe en louchait presque les talons, tandis que la poignĂ©e atteignait l’épaule. D’épais gants de daim complĂ©taient ce costume d’un hobereau de province ou d’un capitaine d'aventuriers. Gros-Guillaume, dans son rĂŽle de lansquenet d’outre- Rhin, venait de surprendre le galant Floridor contant fleu- rette Ă  sa femme, et l’appelant sa chĂšre Gretchen. — DerTeufel! marmotta le gĂ©ant pansu. Il l’avre abbelĂ© engore Gretchen... C’ĂȘtre le nom de mongoguine de femme Est-ce qu’ils gonnaĂźtraient mes malheurs de mĂ©nache ?.. Ah ! mein Gott ! LĂ -dessus, il poussa un soupir Ă  Ă©corner un bƓuf. Le lansquenet Gros-Guillaume, de son cĂŽtĂ©, Ă©tait entrĂ© dans une grande colĂšre, criant, menaçant, gesticulant et ba- ragouinant l’allemand. — Der Teufel! rognonna de plus belle l’homme aux chausses de peau. Che grois gu’il me gontrefait celui-lĂ !... Egudons... ia, Ă©gudons! Floridor se sauve Ă  l’autre bout des trĂ©teaux, et le lans- quenet le poursuit. Survient le rousseau Turlupin, qui se glisse en rampant devant l’Allemand et le fait tomber le nez contre terre. Les rires Ă©clatĂšrent tout autour de notre gros spectateur. — Est-ce gu’ils rient de moi ? se demanda celui-ci en re- gardant Ă  la ronde. O ho ! nus allons voir un beu. Et d’un coup d’épaule, il fit passer sa grande Ă©pĂ©e en avant. Le lansquenet s’était relevĂ©, aidĂ© par le facĂ©tieux Turlu- pin, qui l’époussetait et le consolait de sa mĂ©saventure avec une commisĂ©ration ironique. L’Allemand se tenait le nez en hurlant. Pendant ce temps, le beau Floridor avait rejoint Gretchen et l’embrassait. Voyant cela, toute sa colĂšre revenait au mari, qui, en ba- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 9 ragouinant de plus belle, voulut s’élancer sur le godelu- reau. Mais Turlupin le retint brusquement par la casaque. Le lansquenet se retourne furieux, mais voit Turlupin qui paraĂźt niaisement occupĂ© Ă  attraper des mouches. Il veut se prĂ©cipiter de nouveau; il se sent retenu encore, fait volte-face et aperçoit toujours le niquedouille gobant des mouches. Cette scĂšne se renouvelle plusieurs fois, au milieu de l’hUaritĂ© gĂ©nĂ©rale. — Tarteiffle! s’écrie enfin le lansquenet en francisant le jurement tudesque, et il veut assĂ©ner Ă  Turlupin un gros coup de poing, que celui-ci esquive, mais qui, donnĂ© dans le vide, fait perdre l’équilibre au pauvre mari. Nouvelle scĂšne de condolĂ©ance jouĂ©e un instant par Tur- lupin. Mais le lansquenet, entendant un gros baiser appliquĂ© sur la joue de Gretchen, bondit sur le groupe amoureux, qui s’efface, et le malheureux fait une troisiĂšme culbute dont s’ébouffent tous les assistants. Cette farce, comme on voit, Ă©tait bien dans les mƓurs de l’époque. — Ah ! der Teufel ! s’écria enfin tout haut, de sa voix la plus grosse, l’homme Ă  la cuirasse. Ça ne se bassera pas comme ça, Donner und Hagel ! Il avait dĂ©jĂ  tirĂ© son Ă©norme Ă©pĂ©e et, bousculant ceux qui se tenaient devant lui, il cherchait Ă  fendre la foule pour courir vers les trĂ©teaux et venger son compatriote le lans- quenet, ou plutĂŽt son propre honneur, qu’il croyait attaquĂ© par cette scĂšne bouffonne. Mais on l’entoure, vingt bras s’avancent et le retiennent. Furieux, il veut jouer de son Ă©pĂ©e. On le dĂ©sarme, non sans peine, toutefois. Il pousse des jurements si sonores qu’on les eĂ»t dit passĂ©s par un porte-voix, et adresse en al- lemand des malĂ©dictions sans nombre Ă  la perfide Gret- chen. La coquette ElĂ©onore, frappĂ©e d’une terreur rĂ©elle Ă  la vue Digitized by Google 10 * L'ABBESSE DE MONTMARTRE le cet autre Allemand, un vrai Allemand, qui voulait, l’épĂ©e Ă  la main, la punir, elle, son Floridor et le complice Turlu- pin, s’était enfuie dans l’intĂ©rieur de la baraque, en jetant les hauts cris; tandis que le lansquenet, ou plutĂŽt l’inoffen- sif Gros-Guillaume, demeurait lĂ  la bouche bĂ©ante, et ne comprenait point ce secours inappelĂ© qui lui venait si in- tempestivement. Les cris d’ÉlĂ©onore Gretchen avaient fait lever toutes les tĂȘtes dans la loge. Le roi lui-mĂȘme, qui avait ri comme un bossu Ă  la Farce joyeuse de Toanon,e t qui Ă©coutait maintenant tout attendri, les vers d’Abradan, cĂ©lĂ©brant les amours pastorales dans sa bergerie de Mirtil, le roi lui-mĂȘme s’était retournĂ©. Il ne faut nullement s’étonner que Henri IV et sa cour se soient plu Ă  assister Ă  une reprĂ©sentation dans ce théùtre forain. Nos pĂšres Ă©taient faciles Ă  contenter, et les piĂšces que l’on jouait Ă  l’hĂŽtel de Bourgogne ne valaient pas mieux que celles de la foire. Les farces et les sotties formaient encore en grande partie le rĂ©pertoire du futur Théùtre-Fran- çais, bien que Hardy se fĂ»t engagĂ© Ă  fournir six tragĂ©dies par an; mais quelles tragĂ©dies! S’étant enquis de la cause du tumulte devant la loge et de la frayeur de la coquette ElĂ©onore, Ă  laquelle il ne dĂ©dai- gna pas de sourire, ce qui fit froncer les sourcils Ă  la mar- quise de Verneuil, assise Ă  ses cĂŽtĂ©s, le roi se tourna vers sa suite — Monsieur de Fontaine et vous, Castaignac, dit-il, allez donc voir quel est l’auteur de pareille algarade... Vous ar- rĂȘterez ce malotru qui ose interrompre le spectacle donnĂ© pour l’amusement de mon bon peuple. Marcel et le Gascon sortirent et aperçurent le ventripo- tent Allemand se dĂ©battant au milieu de la foule. — HĂ©, milladious! s’écria Castaignac, j’ai dĂ©jĂ  vu quel- que part cette tĂȘte de SilĂšne et cette grosse panse. — Que vois-je? disait en mĂȘme temps Marcel. Mes yeux Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 11 ne me trompent-ils pas ? Est-ce bien lui ?... Lui , Ă  Paris , — Qui donc, monsieur de Fontaine ? — Mon brave et cher maĂźtre, le capitaine Gargantua ! Notre jeune homme fendit la foule, suivi du Gascon, et voulut sauter au cou de l’énorme personnage, qu’à la vue de l’uniforme de l’officier des gardes les bourgeois avaient lĂąchĂ©. Mais le reĂźtre, ne reconnaissant pas d’abord son ancien Ă©lĂšve, et croyant qu’on voulait lui mettre la main au collet pour l’arrĂȘter, repoussa Marcel en laissant Ă©chapper un formidable juron. — Mais c’est moi, mon bon capitaine, lui dit l’officier. — Gui vus ? — Marcel, que vous fĂźtes tant sauter et ferrailler Ă  Us- son. — Ah! meiti Gott!... s’écria Gargantua, dont le visage passa subitement du rouge cramoisi Ă  une pĂąleur relative... je... je... me sens dut trĂŽle. Il en Ă©tait effectivement tout saisi, le gros reĂźtre; il ou- vrait de grands yeux, frappait sur sa cuirasse et semblait suffoquer de joie. Enfin il ouvrit ses bras, Marcel s’y jeta, et Gargantua fail- lit l’étouffer en le serrant contre sa poitrine bardĂ©e de fer. — Mais gue vus ĂȘtes donc choli comme ça, et crand!... bas gros burdant... c’est bas gomme moi, dit le capitaine d’une voix aussi flĂ»tĂ©e que possible, aprĂšs avoir Ă©cartĂ© de lui le jeune homme, comme pour bien l’admirer. — Par quel hasard ĂȘtes-vous Ă  Paris, mon cher capitaine ? demanda Marcel. — Oh ! ce n’ĂȘdre bas un hasard du tut. Che venais t’a- pord bur le roi... et buis bur vus, mon bedit ami. — Le roi ? — la, ia , che le cherche. Us m’ont tit gomme ça au Louvre, qu’il ĂȘdre Ă  cette foire avec vus. Digitized by Google 15 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — En effet, il est lĂ -dedans Ă  Ă©couter la fin de la reprĂ©- sentation. — En ce gas nous avons le demps de poire un bedit cup... gar, voyez-vus, ça m’avoir tonnĂ© pien soif de vus voir et de vus embrasser gomme ça... Le goeur, il m’avre dournĂ©, der Teufel!... Denez! voilĂ  un gabaret. — Merci. Le roi pourrait sortir pendant ce temps. Et que voulez-vous Ă  Sa MajestĂ© ? — Lui tonner cette lettre de madame Marquerite. C’est drĂšs-bressĂ© et drĂšs-imbordant ! — Une lettre de la reine Marguerite ! Donnez ! je vais la remettre. Demeurez en compagnie de M. de Castaignac. — Du Casgon ! Diens ! che le regonnais maindenant. — EnchantĂ©, capitaine, interrompit le cadet tandis que Marcel entrait dans la loge avec la lettre. HĂ© ! moi aussi, cadĂ©dis, je me disais que votre bonne figure ne m’était point inconnue. Vous n’avez point maigri, mon brave. — C’est la vĂ©ridĂ©. La nurridure, il ĂȘtre apondante Ă  la burg t’Usson, et le vin bas mauvais... Ah! ch’yavre eu mon gondent... Mais vus n’avez bas encraissĂ©, vus! Les cham- bes, il ĂȘdre gomme des Ă©jalas de vigne. — Que voulez-vous, mon cher? C’est la guerre... — Oh ! la querre, il ĂȘtre une pien driste chose. Ch’aime mieux la baix, lieber Gott! et y ĂȘdre pien dranguille tevant une ponne dable. — Mais vous aviez de la barbe autrefois, capitaine? — Che ne tis pas, mais che suis tevenu un homme hon- nĂȘde et baisible... et puis, matame Marguerite, une ponne maĂźdresse! il m’avre tit que che ressemblais Ă  un borc- Ă©bic. — Pourtant, capitaine, puisque vous ĂȘtes devenu d’une humeur si douce, aprĂšs avoir Ă©tĂ© tant batailleur, pourquoi ce casque, cette armure et cette gigantesque Ă©pĂ©e ? — Oh ! bur la rute seulement. Ch’avre fini bar truver ça Ă  la salle d’armes d’Usson, mais bas sans beine. Digitized by Googl L’ABBESSE DE MONTMARTRE 13 — Je le crois, avec votre corpulence. — Le gasque est un beu bedit. Dut est maindenant drop bedit bur moi, mĂȘme les vidregomes. Quand je beux, che pois au donneau dans les auperches. — Cela ne fait pas l’affaire du cabaretier. — Dant bis ! A un villacbe on m’a jerjĂ© guerelle bur ça. Ils avre voulu domber sur moi, gui suis si bon et si baisi- ble. — Et, vous vous ĂȘtes laissĂ© rosser ? — Ch’avre griĂ© un beu. — HĂ©! milladious, je m’en souviens vous avez une voix de tonnerre. — N’est-ce bas ?... Mais chavre dapĂ© aussi avec mon schwert. — Vous vous ĂȘtes rebiffĂ© ? — Oh! beu de chose ! Ch’avre fendu la dĂȘte Ă  un, gupĂ© le pras Ă  un autre, et le reste... ' — Le reste s’est sauvĂ© ? — la, ia. Ils s’ĂȘdre gĂąchĂ© dans un crenier, oĂč ch’avre mis le feu. — Quel paisible homme vous faites! — Mais che m’en ĂȘdre pien rebendi, mossiĂ© de Gastai- gnac. — A la bonne heure ! — Dans un gouvent du voisinache, chavre briĂ© le bon Tieu, allez ! — A l’église ? — Dans la gave, avec le bĂšre cellĂ©rier... un pien prave homme ! Il m’avre menĂ© lĂ , bur me convesser. Ch’aimais au- dant ça. — Et vous vous confessĂątes si bien l’un Ă  l’autre, je gage, qu’on vous trouva dans une sainte extase, couchĂ©s devant une futaille ? ’ — la, ia. Il me tisait gomme ça, le bĂšre, que son vin ĂȘdre bĂ©ni. Digitized by Google U L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Ah çk! pourquoi avez-vous quittĂ© Usson? Le roi, si je ne me trompe, vous y donnait Ă  protĂ©ger la reine Mar- guerite. — C’est vrai, mais elle m’a tit gomme ça Va brĂ©venir le roi qu’il brenne carde Ă  sa gouronne !» Et ça m’a dĂ©citĂ© un si pon roi qui m’a fait mancher un chur un feau tout entier!... Bensez donc un beu! — Quelle bombance! je m’en souviens, cadĂ©dis! Tout le veau y passa. — Et buis ch’avais dant envie de voir mon bedit ami Marcel. — Dont vous avez fait l’éducation militaire. — la, iar, et que ch’avre bien bleurĂ© guandil est bardi... Bendant huit chours, ch’avrc noyĂ© mon jagrin. — Pas dans l’eau, je gage. — Matame Marguerite m’avait gonflĂ© la glĂ© de la gave. — Alors vous ne protĂ©giez plus la reine ? — Une pieuponne maĂźdresse ! Elle m’a menacĂ© de me faire bendre, quand ch’ai vulu rebrendre le gommandement dans la burg. — C’est qu’elle s’était bien trouvĂ©e de votre semaine de sĂ©jour Ă  la cave. — Faut groire... la, ia. — Et vous avez cĂ©dĂ© ? — Tame! elle m’a tonnĂ© Ă  choisir endre ĂȘtre bendu et les clĂ©s du cellier et de la gave. — Et vous avez prĂ©fĂ©rĂ© celles-ci. — Moi, che veux bas ĂȘdre bendu, der Teufell — Je sais cela, milladious! Or çà, narrez-moi donc un peu pourquoi. — Oh! c’ĂȘdre un bedit hisdoire de mon bays de Brande- bourg. Mais che ne beux bas la gonder ça me fexe drop. Des cris enthousiastes venaient d’éclater dans la foule — Vive le roi ! vive notre bon Henri ! » Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTHE 15 C’était effectivement le roi, suivi de sa cour, qui sortait de la comĂ©die. — OĂč est-il, le capitaine ? demandait le BĂ©arnais, tenant Ă  la main la lettre que Marcel lui avait remise. — BrĂ©sent ! fit Gargantua en s’avançant. — Yentre-saint-gris ! te voilĂ  avec une bedaine plus grosse que mon cousin de Mayenne. Tu arrives d’Usson? — Et bien gondent bur voir mon bedit ami Marcel. — Mais ta consigne ? — Ma gonsigne! c’est vrai... Tame! la reine Marguerite, elle m’a tit gomme ça Va brĂ©venir... » — Allons! tranquillise-toi, tu ne seras encore pas pendu cette fois. Je te pardonne en faveur du bon avis que tu m’apportes... L’excellente crĂ©ature, tout de mĂȘme que cette Margot! Le roi se tourna vers Rosny — Savez-vous ce qu’elle me mande? dit-il. Tenez, li- sez! Rosny prit la missive, et la parcourut en fronçant ses Ă©pais Sourcils. — C’est trĂšs-grave, en effet, fit observer le surintendant des finances. Marguerite signalait au roi une conspiration formidable ourdie entre le dĂ©pravĂ© comte d’Auvergne, fils de Marie Touchet, et le remuant duc de Bouillon, et dans laquelle trempait de nouveau le marĂ©chal de Biron, Ă  qui Henri avait pourtant pardonnĂ© une premiĂšre fois, aprĂšs la guerre de Savoie. Elle avait eu vent de cette conspiration par les propos de plusieurs seigneurs auvergnats, Saint-HĂ©rem, Canillac et NĂ©restan, qu’on avait tentĂ©s. Elle ne pouvait donner des renseignements plus prĂ©cis sur cette affaire, disait-elle, mais sĂ»rement l’Espagne et le duc savoyard devaient y ĂȘtre pour quelque chose, et elle Digitized by Google 16 ‱ L’ABBESSE DE MONTMARTRE ' avait pensĂ© qu’il Ă©tait de son devoir d’ancienne Ă©pouse et de loyale sujette d’avertir le roi. — Ventre-saint-gris ! dit encore le BĂ©arnais Ă  Rosny en reprenant la lettre, ma grosse Margot est toujours la mĂȘme mauvaise tĂȘte, mais bon cƓurl — Sire! il faut prendre des mesures, insinua le ministre. — Sans doute il s’agit de saisir les fils. — Faire arrĂȘter le marĂ©chal est essentiel. — Ne brusquons pas ! Je le verrai d’abord rien ne presse. Croient-ils que la France se donnera si facilement Ă  eux ? Je ne pense pas, du reste, que le comte d’Auvergne, le frĂšre de ma mie, ait donnĂ© lĂ -dedans. Ayant jetĂ© les yeux sur la marquise de Verneuil, qui pa- raissait s’impatienter de ce long colloque, bien qu’elle fĂ»t entourĂ©e d’une foule de courtisans empressĂ©s, il fit un signe de la main au reĂźtre. — Capitaine Gargantua, merci! lui dit-il. Retournez Ă  Usson, pour y bien soigner cette bedaine comme par le passĂ©. — Ah ! che ne tis pas on manche pien, et on poit pien Ă  Usson, che ne m’en blains bas. Mais c’est Ă©cal che my ennuie. — Pourquoi donc ? — A gause de mon bedit Marcel, que ch’aime dant. Main- denant que che l’ai revu, che ne voudrais blus le guitter. Et buis, lĂ -pas, Ă  Usson... — Qu’y a-t-il Ă  Usson ? — On me tit duchurs que che serai bendu. — C’est Marguerite qui te menace de la sorte ? — la, guand che veux exĂ©guder la gonsigne gue vus savez. — Ah ! oui... la nuit, comme dans le temps. — Guand che grie drop fort. — C’est que tu as un fier gosier... Oui, oui, je com- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 17 prends. Ventre-saint-gris! Margot sera la meme jusqu’à son dernier soupir. — Comme vous, Sire! fit tout bas le grondeur Rosny. Le BĂ©arnais se mit Ă  rire au nez de son ministre, puis cria Ă  sa suite ‱ — Messieurs, allons faire la partie chez maĂźtre Jonas!... Rosny, vous me prĂȘterez votre bourse. LĂ -dessus, le roi se dirigea vers une des acadĂ©mies de jeux, Ă©tablies Ă  la foire, oĂč il joua aux cartes pendant plus d’une heure, au grand chagrin de son trĂ©sorier. On se livrait, Ă  cette foire, Ă  un jeu effrĂ©nĂ©, et il fallait que ceux qui tenaient les acadĂ©mies de jeux fissent de grands profils, puisque l’Estoile rapporte que maĂźtre Jonas payait, pour la loge qu’il occcupait, un loyer de 1,400 li- vres pendant quinze jours. Le Parlement finit par dĂ©fendre de jouer Ă  la foire Saint- Germain, tant aux caries et aux dĂ©s, qu’aux quilles et aux tourniquets. Un jour, Henri IV y avait perdu sept cents Ă©cus, en jouant Ă  trois dĂ©s avec monsieur de Villars. Comme on l’a vu par ce qui prĂ©cĂšde, de grands change- ments avaient eu lieu depuis les Ă©vĂ©nements racontĂ©s dans notre deuxiĂšme partie. Il y avait nombre d’annĂ©es que Henri IV Ă©tait sĂ©parĂ© de fait de Marguerite de Valois, sa femme, dont la conduite avait motivĂ© et justifiait assez encore cet Ă©loignement. Cependant il lui fallait un hĂ©ritier, et l’on sait qu’aprĂšs l’entrevue avec Marie de Beauviliiers Ă  l’église de Mont- martre, il s’était dĂ©cidĂ© Ă  poursuivre activement son divorce Ă  la cour de Rome. Le roi devint libre, Marguerite ayant du reste donnĂ© son consentement. Mais quelle serait la nouvelle reine? C’était lĂ  la question. Gabrielle d’EstrĂ©es fut Ă  la veille de s’asseoir sur le trĂŽne. Il 2 Digitized by Googl 18 L'ABBESSE DE MONTMARTRE Elle avait intĂ©ressĂ© tout un parti Ă  son Ă©lĂ©vation pro- chaine Mayenne, Chiverny, Sillery, le lĂ©gat mĂŽme Ă©taient pour elle. MalgrĂ© Rosny, malgrĂ© de Thou, malgrĂ© son engagement pris envers l’abbesse, Henri allait peut-ĂȘtre cĂ©der Ă  ses secrets penchants, et renoncer pour Gabrielle Ă  l’alliance offerte par les MĂ©dicis. Une catastrophe dĂ©cida tout. Le jeudi-saint 8 avril 1599 la favorite, dĂźnant dans la maison de Zamet, se trouva mal, aprĂšs avoir goĂ»tĂ© d’une orange ; elle accoucha le lendemain d’un enfant mort, et expira au bout de trente-six heures d’affreuses convulsions. On pensa toujours qu’elle avait Ă©tĂ© empoisonnĂ©e. Le dĂ©sespoir de Henri fut grand, mais court. Bien qu’il Ă©crivĂźt Ă  sa sƓur Catherine La racine de mon amour est morte, elle ne rejettera plus 1 , » il s’éprit bientĂŽt d’une nouvelle beautĂ©, avec tous ses entraĂźnements d’autrefois. Le cƓur du BĂ©arnais Ă©tait aussi inflammable Ă  quarante- six ans qu’à vingt. Il est vrai que l’intrigue Ă©tait habilement prĂ©parĂ©e de- puis quelque temps, comme on sait, par deux ou trois courtisans que nous avons nommĂ©s; car cette beautĂ© nou- velle n’était autre que Henriette d’Entragues, femme ambi- tieuse et adroite s’il en fut. Elle commença par se faire donner trois cent mille livres, que Rosny compta en beaux Ă©cus sonnants, non sans’ re- chigner, ainsi que le marquisat de Verneuil. Mais, toujours maĂźtresse d’elle-mĂȘme et rusĂ©e en diable, elle ne cĂ©da dĂ©finitivement qu’aprĂšs avoir obtenu de l’a- inoureux BĂ©arnais une promesse de mariage par Ă©crit. Il devait l’épouser, si elle avait un enfant. Rosny, qui eut la promesse en main, la dĂ©chira Ă  Fon- tainebleau. Le roi prit la peine de la refaire, et la remit Ă  la marquise, Heureusement que le roi devint encore libre cette fois, par un accident imprĂ©vu. / Digitized by Google L’ABBESSE DÉ MONTMARTRE 19 Le tonnerre Ă©tant tombĂ© dans la chambre d’Henriette d’Entragnes, de frayeur la marquise accoucha avant terme, elle aussi, d’un enfant mort. Le mariage fut alors dĂ©cidĂ© avec Marie de MĂ©dicis, niĂšce du grand-duc de Toscane et du pape. Les noces furent cĂ©lĂ©brĂ©es Ă  Lyon le 40 dĂ©cembre 1600, et neuf mois aprĂšs naquit un dauphin qui devait ĂȘtre Louis XIH. La marquise de Verneuil conçut de ce mariage un pro- fond ressentiment, dont nous verrons bientĂŽt les effets. Toutefois, comme le BĂ©arnais, qui avait Ă©pousĂ© la reine sans amour, n’avait cessĂ© d’adresser ses protestations au cƓur hautain de Henriette d’Entragues, celle-ci s’était en apparence montrĂ©e consolĂ©e. Étant de nature dominatrice, elle avait consenti Ă  ĂȘtre la favorite en titre du roi, afin d’avoir sa cour, et aussi pour humilier celle qu’elle prĂ©tendait lui avoir volĂ© le trĂŽne ; aussi usait-elle de son pouvoir en plein scandale. Quelque chose servait, il est vrai, d’excuse au roi. La reine, jalouse et bigote, de beautĂ© commune et d’es- prit vulgaire, entourĂ©e d’intrigants florentins ou, qui pis est, de galants suspects, parmi lesquels se distinguait Concini, n’avait rien qui pĂ»t retenir un mari peu fidĂšle, et, par ses brouilleries et ses façons mausades, ne rame- nait pas Henri. Les MĂ©moires de Sully sont pleins des confidences du roi et des hardis conseils, des rĂ©solutions dĂ©cisives, prises et entravĂ©es sans cesse, pour dĂ©barrasser la cour de la double influence des intrigantes politiques et des aventuriers ultramontains. Mais d’autres dangers pressaient davantage et parvenaient Ă  en distraire. Quoi qu’il en fĂ»t, Henriette d’Entragues Ă©tait installĂ©e dans un des appartements du Louvre. Les deux femmes s’étaient retrouvĂ©es enceintes Ă  la fois. La marquise disait Ă  qui voulait l’entendre, que c’était elle qui devrait ĂȘtre la reine, et non cette grosse banquiĂšre. » Digitized by Google L'ABBESSE DE' MONTMARTRE 20 Ges aigres paroles revenaient Ă  Marie de MĂ©dicis, qui s’en vengeait en faisant au roi des querelles furieuses. Le Louvre Ă©tait un enfer. Quant aux autres principaux Ă©vĂ©nements qui eurent lieu pendant la pĂ©riode que nous avons dĂ» laisser de cĂŽtĂ© pour ne point trop allonger notre rĂ©cit, voici peut-ĂȘtre, attablĂ©s devant un des cabarets de la foire, deux hommes qui nous en instruiront. Ces deux hommes s’entretiennent avec un certain mys- tĂšre, tout en buvant bouteille, et lorsque le roi et sa cour avaient passĂ© devant eux pour se rendre au jeu de maĂźtre Jonas, ils avaient jetĂ© sur le BĂ©arnais un regard oblique, en prononçant tout bas le nom de Biron. L’un est Laffin, l’autre ReuazĂ© dit Fin-Kobin. — Vous le voyez, M. de Laffln, disait ce dernier; il est plus ingambe et plus puissant que jamais. — Un vrai roi, vive Dieu ! Quel dommage qu’il paye si mal ses serviteurs ! Je quitterais volontiers le petit Savoyard et Biron, pour ĂȘtre des siens... Biron, surtout ah ! l’iras- cible et orgueilleux personnage! — Je vous suivrai, si vous changez de maĂźtre, mon gentilhomme. — Il est vrai que tout s’est renouĂ© Ă  merveille, et que, si l’on rĂ©ussit cette fois, j’aurai cinquante mille livres du duc Charles-Emmanuel, et un rĂ©giment du marĂ©chal. Chauffons donc, maĂźtre RenazĂ© ! — Mais si M. de Biron fait encore comme l’an passĂ©, au cloĂźtre des Cordeliers Ă  Lyon ? — Oui, il avoua au roi qu’il avait recherchĂ© en mariage une des filles du duc, et conçu de mauvaises intentions contre son service, par rancune du refus de la citadelle de Bourg aprĂšs la guerre de Savoie, oĂč le BĂ©arnais fut si promptement vainqueur. U implora son pardon, avec marques de grande repentanee. — Mais il ne dit pas tout. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 21 — Le moins qu’il put. Il se garda surtout de faire con- naĂźtre le mauvais dessein qu’il avait eu au fort de Sainte- Catherine. — OĂč il devait amener le roi sous l’arquebuse de ce lansquenet roux, Claude le Lorrain... — Qu’en compagnie de plusieurs chenapans 'j’ai em- bauchĂ© dans le temps, et qui est au service du Savoyard... Mais le marĂ©chal est pins que jamais dans la conspiration, avec d’autres que le rusĂ© Charles-Emmanuel, pendant son sĂ©jour Ă  Paris, avant la guerre, avait choyĂ©s, flattĂ©s et ga- gnĂ©s Ă  ses vues. — Qui sont toujours celles de l’Espagnol. — Le comte de FuentĂšs, gouverneur du Milanais, se tient prĂȘt. Il a avec lui les jĂ©suites, qui, du reste, ont si bien endoctrinĂ© Biron, qu’on ne voit plus celui-ci que disant le chapelet. — Si pourtant le comte savait que les jĂ©suites tiennent sĂ©questrĂ©e sa fille, pour avoir un jour sa fortune! Nous avons conduit la poulette au monastĂšre de Sainte -Agathe, Ă  Novare. — La jeune Alice ! je m’en souviens. Un jour, Ă  Turin, frĂšre Gilles m’a confiĂ© que cette jeune fille Ă©tait aimĂ©e d’un brave officier des gardes, M. de Fontaine, que je connais... Est-elle encore Ă  Novare ? — Je le pense, monsieur de Laffin, d’autant plus qu’il n’y a pas plus de six semaines, j’y ai vu le rĂ©vĂ©rend pĂšre Daubigny. — Chut ! maĂźtre RenazĂ©, on s’attable Ă  nos cĂŽtĂ©s. — Tudieu ! quelle bedaine et quel souffle !... On dirait un taureau. Deux personnes venaient effectivement de prendre place Ă  une table voisine. L’une d’elles, en s’asseyant, avait fait craquer le banc. Quant Ă  l’autre, Laffin la reconnut aussitĂŽt. — Monsieur de Fontaine ! s’écria ce dernier en se levant Digitized by Google 82 L’ABBESSE DE MONTMABTRE pour aller serrer la main Ă  Marcel. Que je suis aise de revoir un si bon et gĂ©nĂ©reux gentilhomme ! — Pour faire plaisir Ă  ce brave capitaine, mon digne maĂźtre Ăšs armes, je viens un peu m’humecter les lĂšvres. — Moi, tonna le reltre, en frappant sur la cuirasse qui recouvrait son vaste abdomen, che poirai au moins teux bintes... der Teufel! ch’avre soif. Et, de fait, le cabaretier ayant apportĂ© deux brocs au ventre rebondi, Gargantua, sans se donner la peine de verser dans un gobelet, prit le vase aux cercles de cuivre et but Ă  mĂȘme longuement. Le petit bleu s’ingurgitait dans son large Ɠsophage avec un glouglou guttural qui se mĂȘlait au bruyant renĂąclement du nez, seule voie respiratoire en disponibilitĂ© pendant cette absorption bachique. — Ah ! mein Golt ! se mit Ă  dire ensuite Gargantua, avec un dĂ©lectable soupir. Gue cela fait dupien ! — Cet argenteuil vous plaĂźt donc, capitaine ? demanda Marcel, heureux de la sastisfaction que tĂ©moignait son cher professeur. — Ça ne vaut bas mon bedit chanturge d’Usson , mais ça beut se poire dut de mĂȘme. — EnchantĂ© alors, puisque vous ne retournez pas en Auvergne. — Ah ! la ponne nouvelle que vous m’avez abbordĂ©e lĂ ! — Le roi s’est rendu Ă  vos vƓux et Ă  ma priĂšre. Au fait, m’a-t-il dit, puisqu’il est devenu inutile Ă  Usson, malgrĂ© son rude gosier, qu’il demeure Ă  Paris avec vous, Marcel. D’ailleurs, Margot l’y rejoindra peut-ĂȘtre nous aviserons Ă  cela. » Laffin avait profitĂ© de ces paroles Ă©changĂ©es entre Marcel et Gargantua , pour souffler Ă  l’oreille de son com- pagnon — Il m’est venu une idĂ©e. Buvez, amusez un peu ce gros biberon, tenez-lui tĂȘte si vous pouvez. J’ai Ă  causer avec l’officier. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTE 23 Le gentilhomme bourguignon s’assit alors aux cĂŽtĂ©s du jeune homme, tandis que Fin-Robin se mit Ă  choquer son gobelet contre le deuxiĂšme broc plein, sur lequel dĂ©jĂ  Gargantua avait portĂ© une main empressĂ©e. II LA PETITE HISTOIRE DU CAPITAINE GARGANTUA. — Monsieur de Fontaine, dit Laffin, vous ne paraissez guĂšre avoir avancĂ© en grade, depuis que vous m’avez fait rendre Ă  la libertĂ© sur la butte Montmartre. — Le roi a daignĂ© promettre l’an dernier, mais... — Mais promettre et tenir sont deux... surtout chez le BĂ©arnais. — Ne dites point de mal de Sa MajestĂ©, monsieur de Laffin. — Qui ne s’en plaint pourtant pas ? On entend chaque jour ses Gascons crier contre la ladrerie de celui qu’ils ont servi avec tant de dĂ©vouement. — Ces messieurs sont toujours Ă  quĂ©mander. — Et le roi fait sans cesse la sourde oreille... Voyons, convenez-en Henri IV n’est prodigue qu’envers ses maĂź- tresses. — HĂ©las ! fit Marcel avec un soupir. Laffin fut trompĂ© par cette exclamation. Il pensa que secrĂštement le jeune officier Ă©tait mĂ©content, comme tant d'autres, et qu’il lui serait facile de le gagner Ă  la cause qu’il servait. Ce qui avait seul fait soupirer l’ancien confident de Digitized by Google 24 L' ABBESSE DE MONTMARTRE Henri, c’était la faveur scandaleuse dont jouissait en ce moment Henriette d’Entragues. Quoique souvent, au regard haineux que lui lançait la vindicative marquise, il eĂ»t pu comprendre qu’elle n’avait point oubliĂ© l’indiffĂ©rence du jeune homme Ă  son Ă©gard, il prenait peu de souci de l’influence qu’elle pouvait exer- cer sur le roi en ce qui le concernait personnellement. Ce qui l’inquiĂ©tait par-dessus tout, c’étaient les consĂ©- quences. morales et politiques que pouvait avoir la fatale passion du monarque. En effet, cette liaison n’élait-ellc pas capable de nuire aux grands desseins conçus, desseins dont le BĂ©arnais depuis quelque temps ne lui parlait plus, paraissant, au contraire, lui battre froid par moments ? Laffin s’apprĂȘtait Ă  profiler du mĂ©contentement qu’il sup- posait Ă  Marcel. Que risquait-il du reste en faisant des ou- vertures Ă  celui-ci ? Il connaissait la loyautĂ© chevaleresque du jeune homme. Cependant, pour plus de sĂ»retĂ©, et dans le cas oĂč ses propositions ne fussent point agréées, il crut devoir prĂ©a- lablement s’assurer de la discrĂ©tion de l’officier des gardes. Se rapprochant encore davantage de celui qu’il voua’>it tenter, Laffin lui dit — Me baillez-vous votre parole d’honneur, monsieur de Fontaine, que vous ne rĂ©pĂ©terez rien de ce que je vais vous confier? — Je n’engage jamais ma parole lĂ©gĂšrement, monsieur de Laffin. — Mais si, en revanche, je vous apprenais une chose qui, de votre oreille, irait droit h. votre cƓur ? — Que voulez-vous dire ? — Que je pourrais vous donner des nouvelles de certaine demoiselle, qui fut enlevĂ©e de Paris en 1598. Marcel bondit sur son siĂšge, et saisissant vivement la Digitized by L’ABBESSE DE MONTMARTRE ar, » main du gentilhomme, s’écria avec un tremblement dans la voix — D’Alice L... Oh! parlez, monsieur de Laffin... OĂč est-elle? — Votre parole d’honneur, monsieur, que vous ne rĂ©vĂ©- lerez jamais rien de ce que je me sens disposĂ© Ă  vous apprendre, dans l’intĂ©rĂȘt mĂȘme de votre fortune, qui pourra devenir plus briilaute , et cela plus rapidement qu’au service du roi. — Dites oĂč est Alice ? rĂ©pĂ©ta le jeune homme, qui ne songeait plus qu’à la charmante orpheline, pour laquelle son amour n’avait fait que croĂźtre depuis qu’on l’avait sĂ©- parĂ©e de loi. conduite ? — Ainsi, vous me promettez le secret ? — Sur l’honneur, je vous le promets ; mais de grĂące, qu’a-t-on fait de cette malheureuse jeune fille, ma fiancĂ©e? — Écoutez d’abord ce que j’ai Ă  vous faire connaĂźtre et Ă  vous proposer. — Parlez, monsieur de Laffin ! — Monsieur le marĂ©chal de Biron et monsieur de Tu- renne, duc de Bouillon, sont les plus grands personnages du royaume. — AssurĂ©ment, grĂące au roi, qui combla d’honneurs surtout le premier. — Le marĂ©chal ne se dit pourtant pas satisfait. — Comment! on l’a fait marĂ©chal, duc et pair, et gou- verneur de Bourgogne, une des plus belles provinces ! Que peut-il demander encore ? — Il prĂ©tend que le BĂ©arnais lui doit sa couronne, et que le roi est ingrat envers lui. — Que lui faut-il donc ? — Une souverainetĂ©. — Ah ! une couronne ? — Une souverainetĂ© qui lui permette de mieux traiter et rĂ©compenser ses amis, que ne le fait le BĂ©arnais. 2 . Digilized by Google 56 L’ABBESSE DE MONTMÀBTKE — Continuez, monsieur de Lafftn, dit Marcel, qui com- mençait Ă  prendre un vif intĂ©rĂȘt aux confidences du gen-* tithomme. dĂ©fendre. — Mieux vaut s’éloigner sans combattre, et mettre la frontiĂšre entre les jĂ©suites et vous. — Vous ne nous suivez donc pas Ă  Paris, l’ami ? — Ah ! je le voudrais de tout mon cƓur, mais je ne le puis. — Pourquoi ? — Pour deux raisons. La premiĂšre, il me faut la taire ; je n’ai jamais pu, dans mes voyages, aller que jusqu’à Dijon, parce que monsieur de Biron y est. — Vous vous occupez de politique ? — J’espĂšre ne plus avoir Ă  m’en mĂȘler dĂ©sormais le pĂšre Daubigny est mort. Et si vous pouvez obtenir du roi Henri IV un sauf-conduit pour moi, je retournerai Ă  Paris. — Vous l’aurez je vous dois bien cela. Et l’autre rai- son ? — Pour le moment, je ne dois pas quitlter le pays. Si je fuyais, les jĂ©suites me soupçonneraient... — De quoi ? — Oubliez-vous qui je viens de frapper ? — C’est juste. Mais ils ne pourront vous poursuivre jusqu’en France, Ă©tant bannis par le Parlement. — Ils y ont toujours des affidĂ©s... BientĂŽt, d’ailleurs, ils comptent y rentrer. — Impossible 1 le roi ne commettra point cette faute. FrĂšre Gilles haussa les Ă©paules. — Remontons ! dit-il ensuite. Vos compagnons vous attendent. Moi, je vous accompagnerai jusqu’à Verceil. Il se pencha vers le jeune homme, pour lui souffler ces mots Ă  l’oreille — Chemin faisant, je vous dirai ce qui s’est passĂ© Ă  Gand, Digitized by Google K M 0 NT M A H T B F, 13'! quelques hanaps bleins, bur oublier mes bedits jacrins... la, ia, c’est ça. Et en attendant la chute du jour, le digne capitaine se mit Ă  vider plusieurs brocs, de la valeur au moins d’un rubbio environ six pintes. Ce nouvel exploit bachique n’eut pour effet que de donner un peu plus de vermillon au nez de notre reĂźtre, et de stimuler son humeur batailleuse. — Donner ound Hagel! se dit-il, le chour est drop long. Che veux rendrer dans Durin... Ils ne me mancheront bas, der Teufel !... Groient-ils que ch’avre beur, moi, Karkan- toua?... T’ailleurs, gomme me l’avre regommandĂ© mon liedit Marcel, che me diendrai bien troit sur ma cheval. AussitĂŽt dit, aussitĂŽt fait. Il jeta au cabaratier deux lire pour son rubbio, remonta Ă  cheval et prit le chemin de Turin. ‱ Il eut soin, toutefois, en se tenant bien droit en selle, d’enfiler les petites rues pour se rendre chez monsieur de Vie. Malheureusement pour lui, comme il traversait la con- trade {contrĂ©e ou quartier la plus populeuse de la ville, que, dans sa naĂŻvetĂ©, il avait prise Ă  cause de ses rues Ă©troites, son nerf olfactif, quoique assez peu dĂ©licat, fut chatouillĂ© agrĂ©ablement par un fumet de boudins et de grillades s’échappant d’une osteriaccia. En mĂȘme temps il entendit des cris de dĂ©tresse qui le firent sourire. — Oh ! oh ! se dit-il, on due un gochon tans cette au- perche... Ah ! mein Gott! che me sens de l’abbĂ©dit. Le rĂ©gal Ă©tait tentateur en diable. D’ailleurs, le dĂźner Ă©tait dĂ©jĂ  si loin! Marcel avait garni l’escarcelle du reĂźtre de ire et d’écus-soleil, et Gargantua tenait plus Ă  son ventre qu’à sa bourse. Il attacha son cheval Ă  l’anneau ad hoc, et fit gravement son entrĂ©e dans l 'osteriaccia. n 9. Digitized by Google iu I/ABBESSE DE MONTMARTRE C’était une grande salle, avec une haute cheminĂ©e. Ort y salait les quartiers d’un porc dĂ©jĂ  tuĂ©, on faisait de la charcuterie et du boudin, et sur le gril crĂ©pitaient les car- bonnades. Par la porte du fond, Gargantua voyait, en outre, flamber un autre malheureux, compagnon de saint Antoine. Enfin, l’on saignait plus loin un troisiĂšme vĂȘtu de soie. — Ponchur! dute la compagnie! tonna de sa grosse voix le capitaine Gargantua. Ch’arrife pien, chĂš grois. — Qu’y a-t-il Ă  votre service, signore? demanda le maĂźtre . de 1 ’osteriaccia. — Dut ce gue vus vudrez, bourvu gu’il y en avre beau- gup... Ch’avre drĂšs pon abbĂ©dit, moi. — Je n’ai pas de peine Ă  le croire, signore! repartit l’homme en mesurant des yeux la panse reboridie du visi- teur. — Et che pois pien aussi; merci, prave homme! — Je le suppose, rĂ©pondit l’hĂŽtelier Ă  l’aspect de la rouge trogne... Seulement, il y a un malheur. — Un malheur! A h oui, un ledit malheur burlegochĂŽn ces bauvres pĂštes n’aiment bas ça. — Non, pour vous, signore ! — Bur moi ? Oh ! vus vulez rire che ne suis pas un gochon, moi ! — Vous ne comprenez point. Je veux dire que... — Oh! ch’avre de l’archent bur bayer, s’écria Gargan- tua en s'attablant sans façon. Denez! voilĂ  un bedit plat dĂ« budins dout guits tonnez-moi ça — Cher sig7iore, nous avons une noce, et c’est le plat de prĂ©dilection du pĂšre de la mariĂ©e. — Ah !... Eh pien ! bassez-moi ces criplettes. — Ces criblettes sont la friandise des jeunes Ă©poux. — Et cette crosse Ă©chinĂ©e endrelartĂ©e? — Elle est pour le signore podestĂ . La moutarde commença Ă  monter au nez de notrĂ« reĂźtre. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONT MAKTRE 135 — Donne r ound Hagel! s’écria-t-il, boussez-moi alors cette assiedde de gouennes. — Buono Dio! c’est le mets favori du signore curato curĂ©. Pour le coup, la patience de Gargantua Ă©tait Ă©puisĂ©e. Il se leva en vocifĂ©rant — Der Teufel ! ils ne mancheront burdant bas un gochon dut entier gomme moi. — Comine vous ! dit l’aubergiste en riant. — HĂ©! oui, gomme moi... Ch’avre pien manchĂ©un feau. Et il y a engore teux autres godions dans la gour. — Tout est pour la noce, qui est nombreuse. — Et ces champons aussi ? Addrabbez-moi un de ces champons ! Gargantua venait d’apercevoir toute une rangĂ©e de jam- bons pendus au plafond. — C’est que, signore , reprit le eabaretier, la salle est retenue, et je 11e puis vous servir, malgrĂ© toute ma bonne volontĂ©. La noce va venir... ‱ ‱ — Ah ! du m’ennuies, doi, aupercbiste de malheur ! Che veux ce champon-lĂ . Il montrait le plus gros. — Impossible, signore! — Ah! du 11e veux bas inĂš fendre don champon? Eh pien, je le brends. A ces mots, Gargantua monta sur une chaise, dĂ©crocha la piĂšce convoitĂ©e; puis, sans se prĂ©occuper du reste, sans songer Ă  payer, courut Ă  son cheval, se mit en selle et s’éloigna tranquillement, en marmottant der Teufel ! et en mordant dans son jambon. Mais cela ne faisait nullement l’affaire du eabaretier, qui, aprĂšs le premier moment de surprise, cria Au voleur! en se jetant Ă  la poursuite de l’audacieux larron. Les passants firent chorus, et Gargantua crut prudent d’éperonuer son cheval. Mais des sbires, attirĂ©s d’une rue Digitized by Google L’A BB ESSE DÉ MONTMARTRE iu» voisine par ces clameurs multipliĂ©es, barrĂšrent le passage au reĂźtre. Celui-ci voulut alors tirer son schwert sa gourmandise le perdit. Le jambon, qu’il ne voulait point lĂącher, le gĂȘna dans ses mouvements, et les hommes de police se rendirent maĂź- tres de lui et le dĂ©sarmĂšrent. MalgrĂ© ses jurons, il fut con- duit Ă  la maison de justice, situĂ©e sur la place du Castello. LĂ , devant le giudice juge, Gargantua se calma enfin, offrit de payer le jambon qu’il disait n’avoir pris que parce* qu’il avait faim et qu’on refusait de le servir. Il se rĂ©clama ensuite de la protection de l’envoyĂ© français, M. de Vie, pour qu’on le lĂąchĂąt, et montra la lettre de Marcel. On allait le rendre Ă  la libertĂ©, lorsqu’un homme qui s’était enquis dans la foule de ce qui venait d’arriver, et qui, dans la description qu’on lui avait faite du voleur, avait reconnu le personnage arrĂȘtĂ©, se prĂ©senta devant le juge. Cet homme n’était autre que le lansquenet Claude le Lorrain, revenu Ă  Turin. — C’est ce reĂźtre qui a tuĂ© le frĂšre Basilio! dit-il au juge. Cette dĂ©nonciation donna Ă  l’affaire une tout autre tour- nure. Gargantua eut beau invoquer le patronage de M. de Vie; on lui rĂ©pondit qu’il s’agissait d’un crime, que la question se viderait peut-ĂȘtre entre le duc et l’envoyĂ©, mais qu’en attendant on lui ferait son procĂšs. En consĂ©quence, les sbires lui attachĂšrent les menottes, et remplacĂšrent les petites cordes dont ils l’avaient liĂ© par de plus grosses et bien solides. Ainsi fagotĂ©, le reĂźtre fut conduit Ă  la vieille prison sĂ©natoriale. Ayant levĂ© la tĂȘte au moment d’y entrer, le malheureux Brandebourgeois aperçut un appareil qui lui fit pousser un soupir navrant. Digitized by Google L’ABBESSE DE 51 ON TH A R T U E 137 — La bodenee ! murmura-t-il, et il se souvint de la prĂ©- diction de la vieille sorciĂšre. Un frisson parcourut ses membres, quand il vit Ă  quel- que distance le lansquenet qui ricanait, en le regardant, la main sous le menton et la langue tendue. — Ah Ăź der Teufel ! Ce fut sa derniĂšre protestation. Il se soumit dĂšs lors Ă  son malheureux destin, et rĂ©pon- dit d’un air assez rĂ©signĂ© au juge qui vint le voir plusieurs fois dans son cachot. Quinze jours se passĂšrent pour l’infortunĂ© Gargantua, Dieu sait comment. A l’affreuse perspective de se voir pendu, s’ Ă©taient jointes les non moins cruelles privations de la prison, auxquelles surfont devait ĂȘtre sensible son bon et solide estomac, Il avait eu beau allĂ©guer au juge que l’homme tuĂ© par lui voulait frapper M. de Fontaine d’un perfide coup de stylet; en vain s’était-il rĂ©clamĂ© de l’envoyĂ© français, rien n’y fit. La procĂ©dure avait marchĂ© son train. Toutefois, on lui avait Ă©pargnĂ© la question, puisqu’il ne niait pas son crime. En ce temps-lĂ , il n’y avait pas de dĂ©bats judiciaires publics, et une fois l’information terminĂ©e, les juges pro- nonçaient la peine Ă  huis clos, hors de la prĂ©sence du coupable. Celui-ci n’apprenait son sort que la veille de l’exĂ©cution. Un commis greffier avait assistĂ© le juge dans ses inter- rogatoires. Mais le jour oĂč la sentence fut rendue, le si- gnore Matteo Ruffio, c’est-Ă -dire le greffier en chef ou cancellerie, rĂ©solut d’aller en personne annoncer au capi- taine Gargantua qu’il allait subir la peine de la corde. Il avait ses motifs pour cela, le prudent et vaniteux maĂźtre Ruffio! On sait qu’il joignait Ă  ses diverses fonctions celle de carne fice, ou bourreau. Digitized by Google 138 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Donc, la nuit venue, le signore Matteo se rendit Ă  la pri- son sĂ©natoriale. Le carceriere ou geĂŽlier, en l’apercevant, salua son in- specteur en chef, en lui souhaitant le bonsoir. Mais en sa- luant, il faillit trĂ©bucher. — Accidente ! lui dit Matteo, vous voilĂ  encore dans les vignes du Signore , maestro Nicolo! — HĂ©! rĂ©pondit l’avinĂ© carceriere, ze... ze... n’ai pour- tant bu qu’un demi -rubbio... Les nuits sont froides, si- gnore, et ça... ça... rĂ©chauffe. — Ze le sais bien, per Cristo ! mais il vaut mieux faire comme moi et se couvrir d’un ample mantello, avec un bon cappucio. — Et vous ĂŻtous rendez auprĂšs de ce pauvre diavolo, si- gnore ? — Mais oui, pour le prĂ©parer Ă  aller en l’autre monde aussi Ă llegramente que possible. — Ze vais... vais vous conduire. — HĂ© ! vous ne pouvez plus ni parler ni marcher, mon bon carceriere ! Donnez-moi les clefs. — Les... les voilĂ , dit le geĂŽlier, qui ne demandait pas mieux que de rester dans la geĂŽle, auprĂšs de son brasero , oĂč le charbon Ă©tait allumĂ©. Vous... vous connaissez la pri- gione oscura ? — bene, bene, la derniĂšre porte, n’est-ce pas? — La... la plus solide, signore ! Matteo Ruffio, muni de la lanterne du geĂŽlier, se rendit au cachot oĂč gĂ©missait le malheureux reĂźtre. 11 ouvrit la porte avec le moins de bruit possible, le doux carnefice ! Il ne voulait point agacer les nerfs du pauvre condamnĂ©. — Buona sera ! bonsoir, caro amico ! dit-il de sa plus mielleuse voix, en entrant et en accrochant sa lanterne Ă  un clou. Les clefs, il eut soin de les attacher Ă  sa ceinture, Ă  cĂŽtĂ© de son stylet. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 13 » — Ah!... ah! lieber Gott! se mit Ă  geindre Gargantua, couchĂ© sur la paille, dans un coin. — Corne State comment allez-vous, mon trĂšs-zer? — Ah!... ah! fit encore l’infortunĂ© capitaine, sans lever la tĂȘte. Matteo s’approcha du triste Brandebourgeois. ' — Povero!... povero capitano ! murmura-t-il en con- templant un instant le captif. HĂ©las ! le rĂ©gime de la prison avait produit son effet dĂ©- sastreux... Gargantua Ă©tait mĂ©connaissable. Son rĂ©jouissant embon- point avait disparu presque complĂštement. Ses joues flas- ques, son ventre absent, ses mollets tibulant dans ses trop larges houseaux, la ceinture de ses haut-de-chausses re- tombant, lĂąche et disgracieuse, sur ses hanches dĂ©plora- blement amaigries tout tĂ©moignait de l’abstinence forcĂ©e qu’on lui avait fait subir. — Quel dommaze, ne put s’empĂȘcher de dire encore le sigrwre Ruffio, ce devait ĂȘtre oune bien bel homme ! La persistance de cette figure noire Ă  l’inspecter de la sdrte, commença Ă  impatienter un peu notre reĂźtre. — Ah çà ! qu’a-t-il Ă  paraquouiner gomme ça ! mur- mura-t-il en se retournant vers la muraille. Les autres me guestionnaient au moins. — Oui, dommaze ! poursuivit Matteo. D’oune haute sta- tura, comme il est, avec le bel embonpoint qu’il avait, m’a-t-on dit, et sa carnagione rosea , bien fleurie, il aurait si bien figurĂ© au zibet!... Quel onore pour moi!... Dom- maze ! grand dommaze ! — Avez-vous pientĂŽt vini fos maniĂšres, l’homme noir? demanda enfin Gargantua de sa plus grosse voix, en se mettant sur son sĂ©ant et en regardant fixement l’importun personnage. Un bruit de fers retentissant avait accompagnĂ© ce mouvement. Les rayons de la lanterne donnĂšrent alors en plein sur Digitized by Google L’ABBESSE DK MONTMARTRE lio la figure osseuse du Brandebourgeois, dont la barbe n’avait guĂšre eu le temps de pousser depuis Paris. A l’aspect de ce visage rĂ©duit par le jeĂ»ne Ă  ses dimen- sions normales, et en entendant cette voix de stentor, le signore Matteo Ruffio ne fit qu’un bond jusqu’à la porte. — Accidente! s’écria-t-il. Qu’est-ce que ze vois? Qu’esl- ce que z’entends? — Eh pien! abrĂšs? hurla le reitre. M’avez-vus assez dĂ©- visachĂ© gomme ça, der Teufel ! — C’est loui ! — Gui... lui? demanda Gargantua. Che ne vus gonnais bas, moi, et che ne veux bas vus gonnaĂźtre. L’instinctive frayeur qui avait saisi de prime abord le Maltais, se changea bientĂŽt en une joie diabolique, qu’il ne put rĂ©primer. — Il sera pendu, per Cristo ! s’écria-t-il en frappant ses mains l’une contre l’autre. Et pendu par moi ! — Bendu ! fit Gargantua en retombant avec dĂ©sespoir sur sa couche de paille. Bendu ! — HĂ© ! oui, mon trĂšs-cer, pendu dommatina, demain matin, au soleil levant. % - — Mais che ne veux bas ĂȘdre bendu, moi! tĂ©moigna en se lamentant le reĂźtre dĂ©sespĂ©rĂ©... Ah! Gretchen!... Gret- chen, mon bauvre femme... bardon! bardon, mon Gret- chen ! Matteo se rapprocha du condamnĂ©, mais avec prĂ©caution, en posant lentement un pied devant l’autre, et en s’assu- rant, au moyen de la lanterne qu’il avait dĂ©crochĂ©e, si Gar- gantua Ă©tait bien attachĂ©. Le malheureux avait aux pieds une chaĂźne fixĂ©e Ă  un an- neau de la muraille. Un autre anneau, Ă  une hauteur de plus de six pieds, retenait une deuxiĂšme chaĂźne qui abou- tissait Ă  un carcan ceignant le cou du prisonnier. Le Maltais/ complĂštement rassurĂ©, avait repris son sou- rire le plus agrĂ©able, son regard le plus bĂ©nin. Digitized by Google L’ABBESSE JE MONTMARTRE I il — Mon trĂšs-cer et lieber Fritz Grobschelm ! lui dit-il de sa voix redevenue caressante. — Hein! fit Gargantua en Ă©carquillant les yeux. VoilĂ  gu’il m’abbĂšle du nom de mon bays ! — Ne me reconnaissez-vous pas, caro amico ? En mĂȘme temps le Maltais Ă©levait la lanterne au niveau de son visage moitiĂ© hyĂšne, moitiĂ© renard. — Der Teufel ! s’exclama le trop brutal mari de Gret- chen. Gu’est-ce que c’est gue ça? Un retenant! — Comme il vous plaira, carissimo! — Ah ! mais non, che ne veux bas de ça, moi !... Vus ĂȘdre mort, et vus devez resder mort... Ce n’ùdre bas de cheu, ça ! — Je suis ressuscitĂ©, mon bon. — On ne toit bas ressuscider. C’est dĂ©vendu. — Oune piscatore m’a repĂȘchĂ© dans les eaux de la SprĂ©e et m’a rappelĂ© Ă  la vie... Ah! z’en souis bien aise, mon cer. — C’est divĂ©rent alors. Eh pien? dant mieux bur vus. — Pour vous plutĂŽt, amico mio! — Bur moi ! gombrends bas. — C’est pourtant facile, puisque c’est moi qui dois vous pendre, carissimo. — Ah ! Der Teufel ! — Voyons ! il s’azit d’ĂȘtre ensemble comme oune bonne paire d’amis. Vous n’aurez nullement Ă  vous en repentir, ze vous le zure. Ze n’ai plus pour vous le moindre ressen- timent fi donc ! la haine est oune zose indigne d’oune galant homme. Soyons donc amis! — Mais che veux pien, moi ! s’écria le bon Allemand, qui, dans sa candeur, croyait que le Maltais avait abjurĂ© toute rancune comme lui. Aussi reprit-il, de l’air d’un homme qui ne demande qu’à causer tranquillement, mais du passĂ© et du prĂ©sent Digitized by Googl L’A H HESS K DE MONTMARTRE 142 seulement, le futur l’inquiĂ©tant un peu, et pour cause Y — Ah çàl rnossiĂ© l’Italien, vus en avre fait de pelles dans le demps chez le margraf de Brandebourg. Ch’avre su ça, en guittant le pays. Vus avre volĂ© le crostiainant delagou- ronne. — Z’aime tant les bizoux, et ce diamant avait de si ça- toyants rayons. — Ah ! vous aimez les pichoux ! Diens ! c’est gomme moi. — Ze les aime plus que zamais. Z’en raffole. Aussi... — Aussi? — Ce beau diamant ne me quitte plus. Tenez 1 le voici... Le Maltais avait sorti de son sein un petit sac de cuir, d’oĂč il tira un parangon de la plus belle eau, qu’il fit res- plendir avec amour sous les rayons de la lanterne. — Ah! que c’est tonc choli, ça! dit le reĂźtre avec une joie enfantine. — N’est-ce pas, mon zer? Le marchese actuel du Bran- debourg, le petit-fils de celui que z’ai servi, donnerait ze ne sais quoi pour le ravoir, m’a-i-on dit. Il en parle tou- zours. — Vraiment? — Il s’appelle Sigismond, et son grand-pĂšre, en mourant, lui a fait zurer de ne rien nĂ©glizer pour rentrer dans sa possession et punir celui qui l’a pris. Z’ai su cela par oune voyazeur. — Ne craignez-vous bas gu’on vus dĂ©guvre? — Ze ne portais pas le nom de Huffio, alors, rĂ©pondit le Maltais en remettant le prĂ©cieux sachet, avec le diamant, sous sou pourpoint noir ; z’avais pris celui d’Angelo Uneste, pour inspirer de la confiance... Mais il se fait tard, mon zer, et il est temps que ze vous parle de l’obzet intĂ©ressant qui m’a amenĂ© vers vous, bien que votre compagnie me soit des plus agrĂ©ables. Le signore Matteo avait pris un ton encore plus cĂąlin qu’avant, et Gargantua rĂ©pondit Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE i-u — Vus ĂȘdes pien honnĂȘte, mossiĂ©... gomment vus abbe- lez-vus lĂ©cha? — Matteo Ruffio, pour vous servir, le carnefice de mon- signore le dura. — Gu’est-ce gue c’est gue ça? - C’est comme qui dirait le bourreau, ne vous dĂ©plaise ! — Gomment ! mais ça ne me blaĂźt pas du tut. — C’est pourtant moi qui dois vous pendre, mon trĂšs* zer. — Ah ! Der Teufel! mais che ne voutrais bas ĂȘtre bendu, moi. Che vus l’aidĂ©chĂ  tit. — Pourtant il le faut, caro amico! , — Burquoi ça? Che n’en vois bas du tut la nĂ©cessitĂ©. — Parce que vous ĂȘtes condamnĂ©... Allons ! soumettez- vous volentierik lazose, et surtout sans ostinazione et sans colĂšre, bien au contraire... — Gomment ! au gontraire... — HĂ© ! ze Sais bien qu’on a touzours pour cette cĂ©rĂ©- monie si auguste oune antipatia invincibile mais il faut se faire oune raison et s’y prĂȘter de bonne grĂące, et alors cela va tout seul, souvent gratamente, fort agrĂ©ablement. — Mais che ne suis bas te cet avis-lĂ . — Vous verrez, cer amico. Sonzez du reste, carissimo, qu’il y aura lĂ  oune compagnie nombreuse et zoisie... Mon- nignore le duca, peut-ĂȘtre. — Gu’est-ce gue ça me fait, Ă  moi? t — Mais cela doit vous faire beaucoup et flatter votre amour-propre oune si grand personnaze!... Per conse- quenze, mon cer, si vous voulez que tout aille bien, aggra- ziamente et senza dolore , sans la moindre douleur, comme aussi avec onore pour yous et pour moi, il faut vous lais- ser faire. — C’est pon Ă  tire, ça ; mais on n’aime bas se laisser faire gomme ça, der Teufel ! Digitized by Google Ui L’ABBESSE ÜE MONTMARTRE — Oh ! pas de ces vilains zurements surtout ! Si vous sa- viez comme cela fait mal pour les spectatori. — Mais che m’en mogue bas mal de vos speddadori. Ch’aime pien mieux gu’il n’y ait bersonne che me sau- verais. — Vous sauver! Ah! santa madonna! mais vous feriez manquer l’ezĂ©cution. — Ça m’irait choliment... la, ia. — No, carissimo! Croyez-en votre ami bien sincĂšre si vous ne vous y prĂȘtez pas, non-seulement le spectacle sera gĂątĂ© dinetto, mais encore vous vous montrerez vilmente, lĂąchement, et vergognosamente, honteusement... — Ah! c’est vrai, der Teufel , et ch’avre duchurs Ă©dĂ© prafe. — In oltre, de plus, vous souffririez molto piĂč, affreu- sement, et vous feriez la plus brutta, la plus laide grimace, les contorsions les plus burlesques... — Che ne veux bas, moi; non, che ne veux bas. — Per consequenze, mon trĂšs-cer, lasciate vous faire. Allez mĂȘme au-devant de mes petits services, et prĂȘtez- vous y destramente, adroitement. — Mais gomment gu’il faudra faire ? demanda Gargantua, qui commençait Ă  se rendre aux raisons spĂ©cieuses du Maltais. — La zose est des plus faciles, et si vous vouliez me promettre d’ĂȘtre bien tranquille, je vous montrerais en per- sonne comment il faudra vous y prendre, pour que cela se fasse le plus facilmente. — Che veux pien, buisqu’il n’y a blus d’autre esboir, vnein liber Gott! dit le retire avec un soupir Ă©touffĂ©. Le signore Matteo Ruffio posa sa lanterne Ă  terre et se dĂ©barrassa de son manteau. Puis il dĂ©tacha de sa ceinture une longue et solide corde, dont il passa le bout par l’an- neau, Ă  hauteur d’homme, auquel Ă©tait tĂźxĂ©e la chaĂźne du collier de fer du condamnĂ©. Digitized by Google LABBESSE DK MONTMARTRE tiĂą Les deux extrĂ©mitĂ©s pendaient presque Ă  terre. Puis le Maltais, toujours avec son sourire gracieux et ses mouvements mignards, se plaça le dos contre la muraille. Il prit une des extrĂ©mitĂ©s de la corde, et, aussi agilement qu’adroitement, y pratiqua un nƓud coulant. Gargantua, accroupi sur la paille, regardait de son air simple et naĂŻf. VIII KIIITE ET POURSUITE, BALLES ET BOULETS. — Vous voyez, mon cer, ce nodo conente, dit le com- plaisant bourreau, en ouvrant le nƓud coulant avec scs dix doigts Ă©tendus, qui dĂ©jĂ  s’agitaient d’aise. Le seul simulacre d’une pendaison transportait de bon- heur notre ingĂ©nieux carnefice, amoureux de son art. — Admirez, carissimo, reprit-il. Cela zoue et glisse tout seul. — la, ia... Che le vois pien, der Teufel! — Ora , maintenant, supposez que vous soyez devant moi et que ze vous invite doucement, en passant ainsi le nodo conente sous votre visaze, Ă  avancer le menton. — Prrr ! fit Gargantua, ch’en avre la chair de boule. — Santa madonna gardez-vous, mon trĂšs-zer, de faire ce vilain movimento ! . .. Il faut, al contrario, avec oune air heureux et satisfait, yracioso mĂȘme et piano, mettre la tĂȘte en avant... pouis demeurer immobile, sans le moindre gesto qui pourrait dĂ©ranger ce zarmant nodo conente. Digitized by Google ut; L'ABBESSE DE MONTMARTRE — C’est pon Ă  tire çà, mais... Qu’est-ce que vus ferez ensuite ? — Le reste me regarde, amico mio , et vous allez voir. — Voyons, der Teufel ! — Oune fois que le nodo sera bien placĂ©, ze commence par prendre l’autre bout de la corda, ze tire d’abord ada- dio... bien adagio, pour ne pas vous effaroucer, carissimo. — Karisimo, karisimo! marmotta le retire. Chusgu’à brĂ©sent, ça va assez pien, mais ensuite ? — Ensouite, ze vais crescendo... rinforzando, un peu plus fort... Enfin, mon trĂšs-zer... — Enfin ! Ne vus arrĂȘderez-vus bas ? — Bien au contraire... Subito, ze tire liberamente, pres- tamente , et... — Non bas, non bas... c’est trop fort! hurla le reĂźtre, qui avait suivi des yeux toute la pantomime du Maltais ; et il fallait voir avec quels gestes, quelle ardeur, quel enthou- siasme, ce dernier avait fini par faire le fatal simulacre. Il y mettait Ă  la fois l’exaltation et la frĂ©nĂ©sie du fana- tisme, et le raffinement qui double la jouissance. — Et, ajouta-t-il avec le souffle saccadĂ© et le regard inspirĂ© de l’adepte philotechnique qui vient enfin de ter- miner heureusement son Ɠuvre, vous vous balancez dans l’air agrĂ©ablement, leggier ameute, senza dolore, sans la moindre douleur ni grimace... Ah! c’est ouue spectacle adorabile! — Der Teufel! on .voit que vous en avez l'habitude , s’écria Gargantua stupĂ©fait et presque gagnĂ© Ă  la cause plaidĂ©e si habilement par le bourreau-avocat. — Oh ! fit le signore Matteo Ruffio avec un petit air mo- deste, ze ne souis pas sorcier, mais z’ai cultivĂ© beaucoup. — Sorcier! s’écria le reĂźtre brandebourgeois en tressail- lant. Sorcier!... Ah! verdammte H exe! Il venait de songer k la prophĂ©tie de la vieille sorciĂšre. Mais presque aussitĂŽt une idĂ©e, prompte comme l’éclair. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE T47 lui traversa l’esprit. Le jeĂ»ne forcĂ©, qui avait causĂ© de si affreux rayages sur le corps du prisonnier, lui rendait l’es- prit plus prompt et plus dĂ©liĂ©. La matiĂšre domptĂ©e lais- sait l’intelligence plus libre. — Tu seras pendu, avait dit la prophĂ©tesse, Ă  moins que tu n’arrives Ă  pendre Ă  ta place celui qui doit te pendre. » — Ah ! der Teufel ! grommela Ă  part lui Gargantua, si c’édait bossible... — Vous ĂȘtes surpris, n’est-ce pas, mon zer, combien facilmente et gratamente on peut faire, avec oune peu de bonne volontĂ©, les çoses les plous difficiles en apparence? demanda Matteo avec un sourire de contentement, car il croyait le reĂźtre complĂštement persuadĂ© Cosi, mon zer, tout ira bien demain matin vous avez parfaitement vu ? — la, ia, rĂ©pondit Gargantua, ch’avre vu, mais che vu- drais pien voir engore. — Vous resterait-il encore quelque apprĂ©hension? N’avez- vous pas remarquĂ© en tous points comment?... — En dus boints, ia... Mais guand vus avez clissĂ© le mendon sur la gorde, il me semble que vus avez fait aussi un bedit muvement de dravers, vus ! — Oh ! pas possible. — Si fait, si... et che burrais remuer te mĂȘme. Vus te- vriez pien regommencer ça. — Volontiers, mon zer. Il n’est rien que ze ne fasse, caro amico mio , pour que demain le spectacle se passe Ă  votre entiĂšre satisfaction et Ă  la mienne. Observez bien cette fois, carissimo ! — la, ia, ch’obserfe. Et Gargantua, avec le moins de bruit de chaĂźnes possible, pour ne pas effaroucher Ă  son tour le complaisant amico, se rapprocha du Maltais et du bout de corde qui pendait au Digitized by Google L’ ABBESSE DE MONTMARTRE * K 14S mur, tandis que Matteo, tout entier Ă  son Ɠuvre chĂ©rie, arrondissait de nouveau le nƓud coulant. — Vous y ĂȘtes, mon cer? demanda Ruffio avant de se passer la corde au cou. — la... ia... ch’y suis. Allez! Tout doucement, pianissimo, l’aimable bourreau mit la tĂȘte dans le nƓud, et tout doucement aussi Gargantua Ă©tendit la main vers la corde flottante. — Adagio... adagio! fit le Maltais. — la... ia, continua le reĂźtre, rinforzamenle — Pas encore, mon cer... — C’est ça, blacez bien le nƓud. — LĂ ... zuste au-dessus de la glotte. — Ça y est-il? demanda Gargantua. — ConsidĂ©rez bien, carissimo, et regardez la mine gra- cieuse et souriante que ze prends. — Ah! voyons, der Teufel! Gargantua se mit sur ses genoux et parut avec les deux mains s’appuyer contre le mur, afin de mieux voir. — Et soubito brestissimo va-d’en au tiaple! hurla le reĂźtre, en tirant la corde avec une sorte de rage. — Ohi... ohi me... po... povero... santa ma... a... a... Le reste s’étrangla dans le gosier de Matteo, qui gesticu- lait cette fois dans le vide, la nuque collĂ©e Ă  l’anneau mĂȘme qui supportait la corde. — la... ia, marmottait Gargantua en attachant le bout de cette corde Ă  l’anneau infĂ©rieur. Va duehurs!... Ça y est. Pendant cinq minutes, le reĂźtre contempla le pendu, dont les contorsions diminuaient peu Ă  peu. — Tieu des tieux! disait-il, gomme ça vous rend trĂŽle tut de mĂȘme... On chicotte gomme un labin... Et tire gue c’édre moi gui tevais chicotter gomme ça, mein Gott! Quand les derniers spasmes eurent cessĂ©, Gargantua sai- Digiiized by Google L'ABBESSE DE MOX T MAlt T K K li! sit le pendu par la obeville des pieds et tira encore de toutes ses forces. Puis il se dressa du mieux qu’il put, pour atteindre le trousseau de clefs pendant Ă  la ceinture. — Che gonnais ces glĂ©s, dit-il. Avec une des bedites, le cheĂŽlier m’avre mis les gadenas aux bieds et au gou. Il chercha, essaya et finit par trouver celle qui allait aux cadenas. BientĂŽt il se vit dĂ©barrassĂ© de ses chaĂźnes. — Ah! fit-il en se mettant debout, che me sens blus lĂ©cher... la, ia, beaucoup blus lĂ©cher!... Mais ce n’est pas dut il faut sortir de lĂ  maindenant. MalgrĂ© ses abstinences et sa maigreur, il sentit avec l’es- poir les forces lui revenir. U se couvrit du manteau noir et du capuchon du Maltais, puis se dirigea vers la porte. — Ah! der Teufel ! dit-il en se ravisant. Et le pichou, le tiamant du margraf! Retournant vers le pendu, dont l’agonie n’avait point encore cessĂ©, il fouilla sous son pourpoint et prit le sachet de cuir, oĂč Ă©tait le parangon de la couronne des margraves de Brandebourg. Il eut soin de bien reverrouiller la porte, quand il fut hors du cachot. La lanterne Ă  la main, il arriva Ă  la geĂŽle, par laquelle il fallait passer pour gagner la rue. 11 hĂ©sita un instant en apercevant le cerbĂšre auprĂšs du brasero, mais le voyant assis Ă  une table, devant un broc, et levant le coude, cela le dĂ©termina. — Ah!... ah!... si... si... signore Matteo, bredouilla l’ivrogne, vous ĂȘtes restĂ© bien longtemps. — HĂ©!... hĂ© !... bianissimo! fit le reĂźtre, en contrefaisant la voix du Maltais. En mĂȘme temps il fit semblant d’éternuer, pour n’ĂȘtre point obligĂ© d’en dire davantage. — Ne... ne me ferez-vous point l’ho... o... onneur de il 10 Digitized by Google 150 L’ABBESSE DE MONTMARTRE trinquer avec moi ce soir? Vous ĂȘtes en... enrhumĂ©, signore. — HĂ©... hĂ©! ber Pacco. Et le reĂźtre Ă©ternua de nouveau. — Voici un ve... ve... verre ! — Il est bien bedit, marmotta Gargantua. NĂ©anmoins il dĂ©posa la lanterne et les clefs, choqua et but. 11 allait demander Ă  recommencer et se trahir peut- ĂȘtre, lorsque, heureusement pour l’imprudent, un valet guichetier, qui dormait sur un banc dans un coin, se se- coua avec bruit. — Ah ! der Teufel ! grommela Gargantua, et il sortit prĂ©- cipitamment. , — Buona notte, si... si... signore, lui cria Nicolo, le porte-clefs. Mais le fauxMalteo Ă©tait dĂ©jĂ  loin. — Per Bacco! se dit le geĂŽlier, il si... si... signore Ruffio me paraĂźt avoir molto grandi... HĂ©! que ze souis bĂȘte, ze crois que ze vois double... Baste! Gargantua aspira avec dĂ©lices le grand air, lorsqu’il s’arrĂȘta enfin dans sa course. Mais il s’agissait maintenant de sortir de la ville, et de quitter au plus vite ce pays mau- dit, oĂč le macaroni Ă©tait si bon, mais la police si mĂ©chante. Il attendit le jour prĂšs de la porte de Suze, et dĂšs qu’il vit s’ouvrir le guichet, il le franchit. En passant devant un albergo, sur la route, il entendit hennir un cheval qui saluait le soleil. — VoilĂ  mon affaire, mein Gott! pensa-t-il. S’étant glissĂ© dans la cour de l’auberge, il vit avec joie que le cheval Ă©tait tout sellĂ© et attendait son maĂźtre. Il en- fourcha la bĂȘte, qui Ă©tait un fringant gris-pommelĂ©, ma foi! et la mit au galop. De temps en temps il retournait la tĂȘte, croyant Ă  chaque moment avoir Ă  ses trousses tous les sbires de Savoie. Fournissant une course furieuse, il put atteindre Suze dĂšs le soir, mais le gris-pommelĂ© tomba mort. Digitized by Google L’A BUES SU DE MONTMARTRE 151 Ce fut Ă  peine si, dans une osteria Ă©cartĂ©e, il se donna la peine de manger. La peur du gibet contre-balançait sa voracitĂ©. Il remplaça le cheval par une mule, qu’il s’appropria comme il l’avait fait du cheval, gagna NovalĂšse au milieu de la nuit; et, le clair de la lune Ă©tant magnifique, il gravit le mont Ceuis et arriva sur le plateau au point du jour. Il dĂ©vala le versant occidental avec une rapiditĂ© vertigi- neuse. A Aiguebelle seulement, il se sentit le courage de faire un temps d’arrĂȘt et songea Ă  se rĂ©conforter Ă  l’aise. La riviĂšre d’Arc, limpide et pure comme un miroir, cou- lait devant le cabaret. Comme il menait sa mule Ă  l’écurie, le hasard voulut qu’il jetĂąt les yeux sur l’onde cristalline. Il y vit une image qui le remplit de terreur. Il se retourna se croyant espionnĂ©; mais il n’y avait personne. — Iiens ! fit-il, c’ĂȘtre trĂŽle... Burdant ch’avre aberçu tans ce bacli ruisseau un crand esgocriffe... Mein Gott , gu’il Ă©dait laid !... maicre gomme un hareng. Le naĂŻf Gargantua se pencha et regarda de nouveau dans la riviĂšre. Il tressaillit c’était encore la figure efflan- quĂ©e de tout Ă  l’heure... Il se mit Ă  considĂ©rer l’image plus attentivement, et finit par reconnaĂźtre un casque et des houseaux de la mĂȘmd forme que les siens. — Ah ! lieber Gott, fit-il avec effroi, c’ĂȘdre pien moi ! Il examina alors sa propre personne dans tous ses dĂ©tails, sa terreur le long du chemin l’ayant empĂȘchĂ© de le faire. Il ne voulut pas reconnaĂźtre d’abord ces bras dĂ©charnĂ©s, ces tibias sans forme, ce ventre fondu. Mais il fut bien forcĂ© enfin de constater sa dĂ©plorable identitĂ©. Sa colĂšre fut grande. — Ah ! queux te Safoyards ! s’écria-t-il en se retournant vers le PiĂ©mont et en montrant le poing. VoilĂ  ce que vus avre fait d’un si choli homme !....Ah ! mein Gott, gomme il Digitized by Google 152 L'ABBESSE DE MONTMARTRE me faudra mancher et poire maindenant, bnr raddraper ce que j’avre berdu... Ah ! goguins ! vus me le bayerez. Il renouvelait ainsi, Ă  sa maniĂšre, le serment d’Annibal S’étant remis en selle aussitĂŽt aprĂšs avoir mangĂ© une bouchĂ©e seulement, il ne fit, pour ainsi dire, qu’une traite jusqu’à la frontiĂšre. Il ne s’arrĂȘta qu’au beau milieu du bourg français de Pont-de-Beauvoisin, devant cette mĂȘme auberge de l’Ecit de France oĂč, quelques semaines auparavant, il avait passĂ© une si agrĂ©able soirĂ©e avec son petit Marcel et son ami Gros-Micbel. Il fit retentir la cour de l’hĂŽtellerie de ses jurons, pour rĂ©clamer sans tarder un souper pareil Ă  celui de cette soi- rĂ©e si chĂšre Ă  sa mĂ©moire. — Mais, seigneur capitaine, lui dit l’hĂŽtelier, vous n’avez qu’à entrer dans la salle, vous y retrouverez votre compa- gnie. — Ma gombagnie ! s’exclama lereitre. Guelle gombagnie, der Teufel ? — Votre compagnie de Savoie. — Engore les spires et les pourreaux tu Safoyard !... Donner ound Hagel ! Gargantua se prĂ©cipitait dĂ©jĂ  vers l’écurie oĂč l’on venait de conduire sa mule, pour mettre une nouvelle distance entre lui et ses persĂ©cuteurs, lorsque deux voix amies frap- pĂšrent agrĂ©ablement ses oreilles. — Capitaine ! capitaine ! venez donc le souper vous at- tend. Fut-ce la vue de Marcel et du pĂątre d’Auvergne qui rem- plit le cƓur du retire de la plus douce joie, ou bien le sens dĂ©lectable de ces paroles de bienvenue ? Le fait est que Gargantua s’arracha presque aussitĂŽt des bras de ses amis, pour ne faire qu’un bond jusqu’à la table chargĂ©e de mets fumants et d’un broc rempli jusqu’aux bords. Digitized by Google L ’ A B B K SSE DR MO N TM A R TR K ] "».i Peu s’en fallut mĂȘme qu’il ne renversĂąt la table avec tout ce qu’il y avait dessus, en l’attirant brusquement Ă  lui. Ses yeux dĂ©voraient avant sa bouche. On eut beau s’exclamer sur sa maigreur et sa chiche face ; en vain le questionna-t-on, il ne rĂ©pondit que par monosyllabes inintelligibles, tant ses bouchĂ©es et ses rasa- des se suivaient avec rapiditĂ©. Il mangea le souper presque Ă  lui seul. Si habituĂ©s qu'ils fussent au monstrueux appĂ©tit du reĂźtre, ses compagnons se regardaient stupĂ©faits. Une pareille faim-valle les inquiĂ©tait. — Engore ! grommelait Gargantua, quand il ne vit plus rien Ă  sa portĂ©e. Engore ! Et il attachait de si gros yeux dĂ©vorants sur l’aubergiste, que celui-ci recula effrayĂ©. — Mais vous allez vous rendre malade, mon pauvre ca- pitaine, lui dit Marcel. — Non. .. Engore ! Ce fut tout ce qu’on put tirer de lui, et il se remit de plus belle Ă  se bourrer avec un quartier de venaison froide, que venait de poser l’hĂŽtelier sur la table. Un deuxiĂšme, un troisiĂšme broc de vin de Saint-AndrĂ© y passĂšrent Ă©gale- ment. Enfin, il s’arrĂȘta, aprĂšs s’ĂȘtre ingĂ©rĂ© par-dessus tout cela un grand verre de l’excellent ratafia que nous connais- sons. Alors seulement des idĂ©es plus gaies revinrent Ă  Gargan- tua. Il Ă©clata mĂȘme d’un rire si sonore, que les vitres en frĂ©mirent. Michel crut enfin le moment venu de demander des explications. — Oh! oh ! fit le reĂźtre, ch’ĂȘdre gondent maindenant. — Content de quoi? — Ch’avre fentu la dĂȘte Ă  l’un, ch’avre bendu l’autre... Eh pier. ! ia, che suis gondent. — Racontez-nous donc, capitaine, ce qui vous est arrivĂ© en Savoie. * n 10. Digitized by Google L’A H B ES SE DE MONT AI A HT HE 15 i — Oh ! eh’avre laissĂ© un pou suvenir tans ce bays, et ch’en avre embordĂ© un autre. — Un autre souvenir? — Ce sera bur mes vieux churs... ia, ici, on me le baiera un pon brix...Che me gombrends. — Dites-nous donc ce qui s’est passĂ©? Le capitaine lit Ă  ses amis le rĂ©cit de ce qui lui Ă©tait sur- venu Ă  Turin ; seulement il crut devoir se taire sur le dia- mant. Mais au moment mĂȘme oĂč il leur dĂ©peignait les contor- sions du pendu, en se fĂ©licitant d’avoir enfui, si heureuse- ment pour sa personne, accompli la prĂ©diction de la sor- ciĂšre, il s’arrĂȘta soudain en portant la main Ă  son abdomen. — Qu’avez-vous, capitaine? lui demanda Marcel. — Oh ! rien... ça me crouillait seulement un beu dans le fendre. Et il se remit Ă  imiter les mouvements spasmodiques de Matteo Ruffio s’agitant le long de la muraille. BientĂŽt mĂȘme, en se tenant les cĂŽtes, il fit la hideuse pantomime avec une telle vĂ©ritĂ©, que Gros-Michel ne put s’empĂȘcher d’en rire Ă  gorge dĂ©ployĂ©e. Mais le visage du relire Ă©tait devenu cramoisi, et bientĂŽt Gargantua tomba Ă  la renverse sur sou siĂ©gĂ©. Marcel s’élança pour le secourir. — Vous ĂȘtes malade, capitaine ! lui dit le jeune homme. Vous avez mangĂ© avec trop de prĂ©cipitation aprĂšs une si longue abstinence. , — A al me in Gott... ia... ia... lĂ ... lĂ ! rĂ©pondit avec effort le pauvre diable , en montrant le creux de son estomac. Heureusement Marcel avait encore sur lui son Ă©lixir de la Grande-Chartreuse. GrĂące Ă  cette liqueur biehfaisaule, l’indigestion se calma. On coucha le capitaine dans un hou lit, et le lendemain au point du jour, au moment de retourner Ă  Turin avec Digitized by Google L abuesse de Montmartre iss Gros-Michel, Marcel trouva Gargantua dans uu Ă©tat qui le rassura sur les suites de la crise de la veille, mais non sur celles d’accidents Ă  venir, car le reĂźtre ne lui parut nulle- ment disposĂ© Ă  renoncer aux moyens gastronomiques les plus prompts pour reconquĂ©rir ses belles formes. L’officier des gardes franchit de nouveau le mont Genis et regagna Turin promptement. Dans Yosteria , en face de l’hĂŽtel de l’envoyĂ© français, il trouva Laffin et son secrĂ©taire RenazĂ©, qui l’attendaient. — En route, monsieur de La Nocle ! cria-t-il au gentil- homme repentant. Voici le pardon royal ! — Vous l’avez obtenu, mon cher monsieur de Fontaine? — Le roi n’était point revenu de son voyage dans les provinces de l’ouest, quand je suis arrivĂ© au Louvre. Je dus patienter quelques jours. Enfin, il revint du Poitou... — Il y avait dĂ©jĂ  de l’émotion dans cette province le duc de Savoie en parlait hier avec joie. — Sa joie sera de courte durĂ©e. La prĂ©sence du roi a mis fin Ă  ce commencement de sĂ©dition. Les impĂŽts que je lĂšve, a dit Sa MajestĂ© il s’agissait du sou par livre sur toutes les denrĂ©es des villes closes, ne sont point pour en- richir mes ministres et mes favoris, comme a fait mon prĂ©dĂ©cesseur, mais pour supporter les charges nĂ©cessaires Ăźle l’Etat. Si mon domaine eĂ»t Ă©tĂ© suffisant pour cela, je n’eusse rien voulu prendre dans la bourse de mes sujets; mais puisque j’y emploie le mien tout le premier, en ven- dant les terres de mon patrimoine, il est bien juste que vous y contribuiez du vĂŽtre. Je dĂ©sire avec passion le soulage- ment du peuple, et ce n’est plus pour bĂątir des citadelles dans vos villes, comme on l'a dit, que j’ai besoin de subsi- des, mais pour d’autres desseins plus grands et plus Ă©levĂ©s dont vous connaĂźtrez un jour les effets. Pour moi, les meil- leures citadelles sont dans le cƓur de mes sujets. » — Et nous partons pour Paris, monsieur de Fontaine? Digitized by Google L'ABBESSE DK MO N TM ART B K — ImmĂ©diatement. Le roi vous attend avec impatience au chĂąteau de Fontainebleau. Marcel et son compagnon ne se donnĂšrent le temps que de prendre un lĂ©ger repas, pendant lequel Laffin et RenazĂ© lirent seller leurs chevaux. Au moment oĂč il se levait de table, Marcel vit s’appro- cher de lui un homme enveloppĂ© dans sa cuculle. — FrĂšre Gilles! s’écria-t-il. — Je vous ai vu entrer dans i’osteria, rĂ©pondit, avec une Ă©motion mĂȘlĂ©e d’inquiĂ©tude, l’ancien marchand d’Ambert. Mais j’aurais patiemment attendu votre sortie, pour vous rappeler votre promesse, si je n’avais Ă  vous avertir que... — Votre sauf-conduit ? Le voici. — Ah ! merci, fit l’ex-ligueur avec joie. Je pourrai un jour retourner... Un regard de Michel le fit arrĂȘter court. — A Paris, reprit frĂšre Gilles, pour achever sa pensĂ©e. — Mais ne parliez-vous pas, demanda Marcel, d’un aver- tissement que vous aviez Ă  me donner? — L’osteria est observĂ©e. Veillez et prenez vos sĂ»retĂ©s pour le retour. — ObservĂ©e par qui ? — Par des sbires du duc. Elle l’était mĂȘme avant que vous fussiez arrivĂ©, et il y a un quart d'heure Ă  peine des cavaliers, avertis par un des sbires, sont sortis au galop du chĂąteau ducal. — En ce cas, monsieur de Laffin, ce serait pour vous. — Le duc en est bien capable, rĂ©pondit tranquillement La Nocle en inspectant ses pistolets. — Merci, l’ami ! dit Marcel Ă  frĂšre Gilles. Quand vien- drez-vous Ă  Paris ? L’affidĂ© des jĂ©suites prit tout Ă  coup un air sombre, et rĂ©pondit sourdement. — Je ne sais, — Le pĂšre Danbigny se remet-il de ses blessures? Digitized by Google L’ABlĂźESSEDE MONTMARTRE — Trop... pour mon malheur. — Que voulez-vous dire? FrĂšre Gilles serra les poings et baissa les yeux, en mur- murant — Cet homme est le gĂ©nie incarnĂ© de l’enfer. — Vous crĂ»tes un moment l’avoir renvoyĂ© dans sa de- meure Ă©ternelle? — PlĂ»t au ciel que j’eusse rĂ©ussi ! La mĂȘme occasion ne -e reprĂ©sentera peut-ĂȘtre jamais. . . et je n’aurai sans doute plus le mĂȘme courage. Le familier de Daubigny ne prononça ces derniĂšres pa- roles qu’à voix basse et en tremblant. — Il ne vous soupçonne toujours pas ? demanda encore Marcel. — Seule, mĂšre BĂ©atrice sait que c’est moi. — Et aujourd’hui vous paraissez trembler rien qu’en son- geant Ă  lui ? — Il me domine et me fascine. — Ne pouvez-vous secouer un pareil joug, vous sous- traire Ă  une telle influence ? — Je ne le puis, dit frĂšre Gilles d’une voix Ă©treinte. Il m’a jetĂ© comme un sort... Ah ! j’ai peur. — Peur de quoi ?... — De l’avenir. A ces mots, sans plus regarder celui qu’il savait ĂȘtre son fils, l’ancien ligueur, devenu l’affidĂ© et l’aveugle instrument des jĂ©suites, se couvrit le visage des deux mains et sortit de Vosteria Ă  pas prĂ©cipitĂ©s. — Singulier homme ! dit Marcel. On dirait que le bien et le mal se disputent son Ăąme. Y a-t-il donc rĂ©ellement un bon et un mauvais gĂ©nie qui prĂ©sident Ă  certaines destinĂ©es ? — Cet homme, intervint gravement l’ancien pfitre de Pailhat, a peut-ĂȘtre un horrible passĂ© et de grandes fautes Ă  expier. Les tortures de son Ăąme, jetĂ©e par le fanatisme Digitized by Google 158 L’ARBESSE IE MONTMARTRE hors de la voie du Seigneur, le placent sans force sous une influence mauvaise. Puis il ajouta mentalement Ăź — Ah ! s’il m’était permis de laisser agir l’autre in- fluence!... Mais non, c’est impossible ! Nos quatre voyageurs quittĂšrent l’hĂŽtellerie, aprĂšs avoir examinĂ© chacun ses pistolets, et prirent la route des mon- tagnes. Kien de suspect ne se montra pourtant Ă  eux jusqu’à No- valĂšse, oĂč ils se mirent Ă  gravir les rampes escarpĂ©es. Trois des chevaux faisaient merveille. MalgrĂ© la route dĂ©jĂ  parcourue, les nobles bĂȘtes avançaient d’un trac d’en- trepas, sans la moindre bronchade. Seul l’alezan brĂ»lĂ© de. RenazĂ© choppait Ă  tout moment et battait Ă  la main en le- vant et en baissant la tĂšte coup sur coup. C’était un vrai terragnol, qui avait peine Ă  lever le devant et allait terre Ă  terre. Souvent il Ă©tait en arriĂšre. — Quel ramingue j’ai lĂ ! disait le secrĂ©taire de Laffln l’éperon n’y fait rien! Et, voyez, un panard s’il en fut, avec ses pieds tournĂ©s en dehors ! — Vous jouez de malheur, maĂźtre RenazĂ© ! fit observer La Nocle. Pour notre fugue d’aujourd’hui surtout, vous aviez besoin de ce vif gris-pommelĂ©, auquel vous teniez tant ? — Ah ! si jamais je rattrape le maraud qui me l’a volĂ© il y a quelques jours, dans cette auberge, devant Turin, oĂč nous dĂ©jeunions, je lui en dĂ©coudrai, je le jure. — A moins qu’il ne soit plus fort que vous. — Un si bel animal ! Je l’avais achetĂ© la veille de notre dĂ©part de Paris, sur le marchĂ© aux chevaux des Tournelles, et payĂ© en beaux doubles ducats d’Espagne Ă  deux tĂȘtes, baillĂ©s par .qui vous savez, M. de Laffin. — Ne parlons plus de cela, maĂźtre RenazĂ©, dit vivement le gentilhomme. Cet or-lĂ  brĂ»le les mains. Durant la premiĂšre heure de la montĂ©e, tout alla bien. Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 159 Mais le voie devient difficile quand on approche des chaumines de FerriĂšres, site effondrĂ© par les ravines et hĂ©- rissĂ© de rochers Ă  pic. Un torrent roule, Ă  grand bruit, des cailloux au travers d'une vallĂ©e stĂ©rile et resserrĂ©e de tous cĂŽtĂ©s. Une gorge profonde, que masquaient de noirs sapins Ă  la droite de nos cavaliers, attira tout Ă  coup l’attention de Marcel, dont l’Ɠil scrutateur avait vu reluire quelque chose au fond des arbres. — VoilĂ  une embuscade, fit observer l’officier des gardes, ou je ne m’y connais guĂšre. — Oserait-on tirer sur vous? dit Michel. — Je ne le pense pas, rĂ©pondit Laffin. Tant que la guerre, n’est pas dĂ©clarĂ©e, le prudent Savoyard se gardera bien de tenter quelque chose contre un envoyĂ© du roi de France... Et puis, voyez !... nous avons passĂ© les sapins. — C’est qu’on veut nous couper le chemin du retour, rĂ©- pliqua Marcel. Le vĂ©ritable piĂšge est plus loin. — Comment faire ? — Puisque nous voici avertis, ne nous amusons pas Ă  battre la chamade pour parlementer inutilement... Pre- nons subitement toute l’allure de trot que la montĂ©e nous permet, et passons Ă  leur barbe, si c’est possible. — Et s’ils nous arquebusent? — Nous leur rĂ©pondrons Ă  la maniĂšre des Parthes, en leur lĂąchant des coups de pistolet sans ralentir notre course... En nous Ă©lançant, messieurs, distançons-nous de droite Ă  gauche, pour offrir un but moins compacte. — Monsieur de Fontaine, dit Laffin, on voit que vous avez Ă©tĂ© Ă  bonne Ă©cole. — Et maintenant, reprit Marcd, en avant, Ă  la grĂące de Dieu ! Les quatre cavaliers partirent Ă  la fois, et bien ils firent... En effet, Ă  peine eurent-ils dĂ©passĂ© une crĂȘte de roche, Digitized by Google IbO L’ABBESSE DE MOIS T MARTHE qu’un Diavolo ! de dĂ©pit se fit entendre Ă  quelques pas derriĂšre eux„ En se retournant, les fugitifs aperçurent une dizaine de chevau-lĂ©gers ducaux, qui s’élançaient du pied du rocher sur la voie, mais avec quelque peine, Ă  cause des difficultĂ©s -du terrain. Plus loin, derriĂšreceux-ci, vers la gorge boisĂ©e, d’autres cavaliers, ceux dont Marcel avait vu briller les ar- mes au milieu des sapins, avaient dĂ©jĂ  barrĂ© la route. — En avant toujours! cria Marcel. MaĂźtre KenazĂ©, piquez votre bĂȘte. — Ne tirez que sur les chevaux, commanda le capitam. C’est l’ordre du duca ! — Ah ! on veut bien respecter nos personnes, dit Laffin en riant. Gare les balles, ma pauvre bĂȘte ! L’escopetterie commença. Mais les chevau-lĂ©gers Ă©taient armĂ©s de pĂ©trinaux ou poitrinaux, espĂšce de mousquets dont nous avons parlĂ© dĂ©jĂ , et que l’on tirait en appuyant la crosse sur la poitrine, ce qui empĂȘchait de viser ; aucun des premiers coups ne porta. Il est vrai que les pistolets des fugitifs ne firent pas de mal non plus aux cavaliers savoyards. — Toujours en avant ! dit encore Marcel. Et ne nous amusons pas Ă  recharger nos pistolets ! Malheureusement pour RenazĂ©, il n’obĂ©it pas Ă  cette re- commandation. En bourrant le canon de son arme, il laissa son alezan, dĂ©jĂ  si traĂźnard, ralentir encore sa marche, et deux ou trois chevau-lĂ©gers avaient pris les devants. L’un de ces derniers planta une balle dans le train de derriĂšre de l’alezan, qui en bondit de douleur et renversa son cavalier. RenazĂ© fut fait prisonnier, tandis que Jes trois autres voyageurs fuyaient au loin. Dans la soirĂ©e du lendemain, Marcel, Laffin et Gros- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 101 Michel atteignaient Pont-de-Beauvoisin, Ă  la grande joie de Gargantua, qui pourtant avait fait de l’hĂŽtellerie de PJ Écu de France ses dĂ©lices de Capoue. — Je vois, capitaine, lui dit Marcel, que vous avez tenu compte de mes exhortations. Je vous retrouve en bonne santĂ©. — la, ia, ça va pien, mon bedit, rĂ©pondit Gargantua en montrant le ceinturon moins lĂąche sur son ventre. Tieu merci! che rebrends dut ducement. — Vous n’avez pas trop mangĂ© Ă  la fois? — la, ia, ch’avre manchĂ© un dut bedit beu Ă  la fois. — A la bonne heure. — Mais gondinuellement... et che m’en blains pas. Nos cavaliers traversĂšrent le Lyonnais et sa capitale, et entendirent avec plaisir, dans cette grande ville, fredonner quelques-uns des airs populaires de l’époque, tous en l’hon- neur du BĂ©arnais. Les forts Saint-Jean et de Pierre-Encise, sur les deux rives de la SaĂŽne, ainsi que les remparts de François I er , qu’on avait bastionnĂ©s pour les mettre en rapport avec les progrĂšs remarquables que l’artillerie avait accomplis dĂšs les premiĂšres annĂ©es du rĂšgne de Henri IV, voyaient flotter Ă  leurs tours l’étendard de France et de Navarre. — Une ville et un gouverneur fidĂšles ! fit observer Marcel. — Oh ! lĂ  n’est pas le danger, dit Laffin. C’est la Bour- gogne qu’il faut voir. La Bourgogne commençait au Charolais, c’est-Ă -dire presque aux portes de Lyon. En remontant la SaĂŽne par les coteaux du Maçonnais, Marcel et ses compagnons commencĂšrent Ă  remarquer un mouvement peu ordinaire, et ce mouvement ne leur parut qu’accroĂźtre Ă  mesure qu’ils approchaient de ChĂąlon. Sur les routes, le long des vignes, c’étaient des chevau- chĂ©es de gens d’armes et de carabins, des bandes de lans- i * u Digitized by Google 1G2 L’ABBESSE DE MONTMARTRE quenels et d’arquebusiers, le tout bien fourni de guidons, de tabarins et de Jleustes tambours et flĂ»tes. Les chĂąteaux devant lesquels on passait, semblaient sur le qui-vive, avec leurs piquiers aux Ă©chauguettes, leurs couleuvrines, faucon- neaux, obusiers et pĂ©tards, qui montraient leurs gueules de bronze menaçantes dans les crĂ©neaux. — Vous le voyez, monsieur de Fontaine, dit Laffin tout est prĂȘt... On dirait qu’on n’attend qu’un signal pour des- cendre des donjons l’étendard tleurdelysĂ©. — En effet, rĂ©pondit l’officier des gardes. Et ce qu montre surtout, Ă  mon avis, qu’on se prĂ©pare au combat — pour quelle guerre ? la plus affreuse, la guerre civile — c’est la prĂ©sence de nombreux aventuriers, accoutrĂ©s de mille maniĂšres, que je remarque parmi les bandes discipli- nĂ©es... Ah ! M. de Biron! — Nous ne pouvons faire autrement que de passer par Dijon. Ne faites donc semblant de rien, je vous prie, si vous m’entendez parler aux officiers du marĂ©chal, et au marĂ©- chal lui-mĂȘme, comme si vous et moi nous Ă©tions tout dĂ©- vouĂ©s Ă  la conspiration. — Un pareil rĂŽle me rĂ©pugne, dit Marcel. — U le faut pourtant, dans l’intĂ©rĂȘt du roi et le nĂŽtre, ar on nous arrĂȘterait indubitablement, si l’on savait ce c ue nous allons faire Ă  Paris, et la conspiration Ă©claterait qvant que le roi eĂ»t pu en saisir les fils. — Il importe de nous presser, monsieur de La Nocle entre la mine et la mĂšche allumĂ©e, il n’y a certainement plus que l’épaisseur d’un souffle. — Celui du marĂ©chal donnant l’ordre... Mais c’est mon avis aussi, qu’il faut nous presser, et pour une autre cause. — Laquelle, je vous prie ? — C’est que le duc de Savoie, m’ayant su Ă©chappĂ© Ă  la poursuite de ses chevau-lĂ©gers, aura incontinent expĂ©diĂ© un homme Ă  lui pour prĂ©venir Biron, et cet homme doit nous suivre de prĂšs. i* Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 163 — Vous avez raison. — HĂątons-nous donc !... Ah! voici la haute flĂšche de la cathĂ©drale de Dijon, et le Jacquemart flamand de Notre- Dame sonne midi. ‱ — A cĂŽtĂ©, la tour carrĂ©e du Palais, dont la plate-forme domine la ville. Philippe le Hardi et Jean-sans-Peur, qui dorment dans l’église de Sainte-BĂ©nigne, ont brillĂ© avec leur cour dans ce palais gothique, et monsieur de Biron vou- drait y trĂŽner Ă  son tour. — Belle et formidable ville Ă  la fois, avec ses nombreux clochers et ses tours sur les remparts ! Ancienne capitale des ducs souverains, elle prĂ©sente fiĂšrement son front, qu’on dirait ceint d’une couronne. — Quel est le drapeau qui ventile sur cette porte, mon- sieur de Laffin? — Ses ondulations sous la brise empĂȘchent de distin- guer... Ah! je vois c’est l’écu du duchĂ©, bandĂ© d’or et d’azur de six piĂšces, Ă  la bordure de gueules. » — Biron aurait-il dĂ©jĂ  abattu le drapeau de son roi ? de- manda Marcel en frĂ©missant. — Rassurez-vous ! j’aperçois encore le blason de France et de Navarre au milieu le quatriĂšme d’azur semĂ© de fleurs de lis d’or. » — Tant mieux, je respire Biron n’a pas encore donnĂ© le signal de la guerre civile. — J’ai eu peur un instant comme vous. — Mais ne point , monsieur de Laffin, qu’aussitĂŽt aprĂšs avoir reçu l’avis du duc de Savoie, le ma- rĂ©chal ne lĂšve l’étendard de la rĂ©volte? — C’est Ă  craindre, monsieur de Fontaine. — J’en tremble. — Silence ! on nous a aperçus. Une sentinelle venait en effet de crier aux cavaliers de s’arrĂȘter, et bientĂŽt un officier se prĂ©senta pour leur de- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE lu mander qui ils Ă©taient, et ce qui les amenait dans la ca- pitale de la Bourgogne. — C’est une prĂ©caution qu’on ne prenait point il y a quelques jours, fitobserver Marcel, car j’ai passĂ© sous les portes de Dijon pas plus tard que la semaine derniĂšre. — Possible, monsieur ! mais il y a des ordres. — Vous voyez, du reste, qĂŒe je suis officier des gardes de Sa MajestĂ©, et ces messieurs sont de ma compagnie. — Et moi, der Teufel! ne put s’empĂȘcher de crier Gar- gantua, je suis capitaine de reĂźtres... — En disponibilitĂ© pour le moment, murmura Gros- Michel. — Messieurs, veuillez m’accompagner auprĂšs de mon- sieur le baron de Lux, qui se trouve en ce moment au vieux chĂąteau de Louis XI. — Quoi! demanda Laffin, le baron a quittĂ© son gouver- nement de la ville de Beaune, pour venir Ă  Dijon? — Il remplace monsieur le marĂ©chal et duc, parti pour Fontainebleau. Marcel et Laffin firent un mouvement. Ces nouvelles les Ă©tonnaient, surtout aprĂšs avoir Ă©tĂ© tĂ©moins de l’aspect du pays sur la route qu’ils venaient de poursuivre. Cependant, on comprend qu’ils durent en ĂȘtre heureux. Le marĂ©chal Ă©tant auprĂšs du roi, le danger ne pressait plus autant. Marcel et Laffin trouvĂšrent le baron de Lux, le confident intime, i'alter ego du duc de Biron, dans le massif chĂąteau carrĂ©, flanquĂ© de quatre grosses tours rondes, dont Louis XI commença la construction, lorsqu’il prit possession de la Bourgogne aprĂšs la mert de Charles le TĂ©mĂ©raire. Le baron Ă©tait occupĂ©, prĂšs d’une fenĂȘtre qui donnait sur l’avancĂ©e de la porte Guillaume, Ă  examiner avec impatience la route de Paris, qui y aboutissait alors. Il interrogait l’ho- rizon de scs regards inquiets. — Que je suis donc aise, monsieur le baron, dit Laffin Digitized by GoogI L’ABBESSE DE MONTMARTRE lfi” avec an empressement parfaitement jouĂ©, de vous rencon- trer Ă  Dijon. — Quoi ! c’est vous, monsieur de La Nocle ! fit de Lux en se retournant vivement... Ah Ăź plĂ»t au ciel que je fusse toujours Ă  Beaune! — Pourquoi, monsieur ? — Parce que je ne remplacerais pas cĂ©ans le marĂ©chal. — En effet, on nous a dit que monsieur de Biron Ă©tait Ă  Fontainebleau... — MandĂ© et pressĂ© par le roi, il est parti en poste. D’Escures, puis le prĂ©sident Jeannin, venus de la part de Henri IV, ont eu beau le rassurer moi, j’ai peur, et vous me voyez prĂ©cisĂ©ment dans la plus vive anxiĂ©tĂ©. — En effet, baron, je commence Ă  penser comme vous... — Je crains qu’il ne soit arrĂȘtĂ©. En partant, il m’avait assurĂ© qu’il serait de retour avant quatre jours, ou qu’il m’enverrait un chevaucheur porteur d’un ordre. — Quand est-il parti? demanda Laffin avec animation. — Nous sommes au cinquiĂšme jour de son absence, et vous le voyez, je guette... Je m’attends mĂȘme Ă  voir appa- raĂźtre, Ă  sa place, une troupe royale avec un hĂ©raut d’armes. — Le marĂ©chal aura niĂ©, rassurez-vous !... Et quel ordre devait vous apporter le chevaucheur ? — Le signal du soulĂšvement. Car tout est prĂȘt... Ah ! ils seront bien reçus, les gens du roi, je vous le promets. — En effet, moi et mon ami que voici, nous arrivons de Savoie, et dans tout le MĂ©connais, le ChĂąlonnais et le Dijon- nais nous avons remarquĂ© des prĂ©paratifs non Ă©quivoques. — Avez-vous observĂ© les canons sur les remparts?... Et tenez, vous pouvez voir, sur les murs de ce chĂąteau, des bombardes de calibre, pouvant lancer des boulets de 500 li- vres, sans compter les canons de bronze et les bombes Ă  grosses grenades. — Voici, en effet, un formMale rempart devant nous ! Digitized by Google 166 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — De ce fer Ă  cheval je balayerais la route jusqu'Ă  l’émi- nence boisĂ©e que vous apercevez au loin. — Souffrez, baron, puisque le marĂ©chal n’est plus ici, que nous nous remettions promptement en route pour Fon- tainebleau. J’y dois porter des communications du plus pres- sant intĂ©rĂȘt. — De la part du duc de Savoie? — Si le marĂ©chal est encore libre, il les accueillera cer- tainement avec Ă©motion, et des ordres vous seront proba- blement expĂ©diĂ©s promptement. — Oui, allez ! Vous trouverez auprĂšs du duc son secrĂ©- taire HĂ©bert... Adieu, messieurs ! Laffin et Marcel retrouvĂšrent dans la cour leurs deux compagnons, et se hĂątĂšrent de franchir le pont qui rattachait le chĂąteau Ă  la ville. On n’écouta point cette fois Gargantua, qui rĂ©clamait Ă  grands cris un quartier de bƓuf gras du Morvan, assaisonnĂ© de moutarde de Dijon, avec du fromage d’Epoisse. — Quand nous aurons mis quelques lieues entre le baron de Lux et nous, dit Laffin, nous songerons Ă  dĂ©jeuner. Ils prirent par une ruelle, le long des remparts, jusqu’à la porte Guillaume, qu'ils franchirent, et bientĂŽt ils trot- taient sur le chemin de Paris. Une montĂ©e fit ralentir l’allure Ă  leurs chevaux. — Ah ! s’écria Laffin, voici l’éminence boisĂ©e dont m’a parlĂ© le baron de Lux. Ses bombardes portent loin, si elles atteingnent le sommet. La montĂ©e Ă©tĂ it d’un quart de lieue au moins ; seulement, elle Ă©tait peu sensible. ArrivĂ© presque au haut du long mamelon, Laffin, qui marchait en avant avec Marcel, s’étant retournĂ© par hasard du cĂŽtĂ© de Dijon, poussa un cri strident et enfonça l’éperon dans le ventre de son cheval. il venait d’apercevoir, sur les remparts du chĂąteau de Louis XI, plusieurs Ă©clairs suivis de fumĂ©e. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE !07 Presque au mĂȘme instant des boulets sifflĂšrent aux oreil- les de nos cavaliers, les uns balayant la route devant eux, les autres s’enfonçant dans le bois Ă  leur cĂŽtĂ©, en coupant avec un bruit sec les troncs des arbres et leurs branches. Les dĂ©tonations des canons ne leur arrivĂšrent que quelques secondes aprĂšs, au faĂźte mĂȘme de l’éminence. Gargantua poussait des der Tenfel sans nombre , en Ă©pe- ronnant son coursier Ă  la suite de Michel. IX ARRESTATIONS. — Mort de Dieu ! s’écria Laffin, ce sont les bombardes de M. de Lux. Ventre Ă  terre ! et que le pli du terrain nous couvre... Mais, en mĂȘme temps que nos fugitifs avaient entendu les premiĂšres dĂ©tonations, de nouveaux boulets sifflaient en ricochant, Ă  leurs cĂŽtĂ©s, et Ă©taient suivis d’autres explo- sions. Heureusement qu’ils en furent quittes Ă  peu prĂšs pour quelques Ă©claboussures. Seul, Gargantua reçut un Ă©clat de pierre dans le dos. — Ah I der Teufel ! hurla-t-il, se croyant louchĂ© par un des projectiles. Mais, comme il put dĂ©valer ainsi que les autres, et sans choir, l’éminence fatale par son versant opposĂ©, il se sentit bientĂŽt rassurĂ©. On Ă©tait Ă  couvert, et l’on n’avait dĂ©sormais plus rien Ă  Digitized by Google 108 L'ABBESSE DE MONTMARTRE craindre de l’artillerie dijonnaise. Aussi, tout en galopant, Gros-Michel plaisantait-il le reĂźtre sur la peur qu’il avait eue. — Oh ! non, bas beur, moi ! rĂ©pondit avec flegme le Bran- debourgeois. Le sort brĂ©dit bar la maudite sorciĂšre, il ĂȘdre rombu maindenant ch’avre bendu l’autre. Mais... — Mais vous n’avez pas moins, capitaine, poussĂ© un juron d’axiĂ©tĂ©. — la... ia. Ch’avre graint seulement de ne bas buvoir tĂ©cheuner, et ch’avre si pon abbĂ©dit, mein Gott ! Laffin, de son cĂŽtĂ©, se fĂ©licitait d’avoir quittĂ© Dijon si promptement. — C’est Ă  n’en pas douter, dit-il Ă  Marcel. Le messager du duc de Savoie nous marchait sur les talons, et il a remis sa lettre Ă  de Lux... RenazĂ© aura cĂ©dĂ© aux menaces et parlĂ©. Nous saurons plus tard ce qui Ă©tait arrivĂ© Ă  maĂźtre RenazĂ©. Quant Ă  la cause de la canonnade, c’était bien celle devinĂ©e par Laffin. A peine, en effet, nos cavaliers eurent-ils disparu, Ă  Dijon, dans la petite rue qui les avait menĂ©s Ă  la porte Guillaume, qu’un chevaucheur savoisien, couvert de pous- siĂšre, s’était prĂ©sentĂ© devant le vieux chĂąteau. On avait introduit ce messager auprĂšs da gouverneur par intĂ©rim, qui poussa une exclamation de fureur en lisant la lettre du duc. — Comment ! s’était Ă©criĂ© le baron, Laffin nous trahit. — C’est indubitable, monseigneur, rĂ©pondit le messager pqisqu’il s’est mis en route pour Fontainebleau avec le favori du roi. D’ailleurs, son secrĂ©taire RenazĂ©... — Oui, oui, le duc me le mande... HolĂ  ! qu’on appelle le capitaine des boute-feux ! L’officier d’artillerie s’étant prĂ©sentĂ©, de Lux lui avait ordonnĂ© de lĂącher des bordĂ©es sur les quatre cavaliers. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE lt>9 — Comment vous nomme-t-on, l’ami? demanda le baron au messager. — Claude le Lorrain. Je suis lansquenet. — Vous n’en portez point le costume ? — Ces cavaliers ne doivent point me reconnaĂźtre, car je me rends Ă  Fontainebleau comme eux. — Pour y voir le marĂ©chal? — J’ai une autre mission. Le rĂ©vĂ©rend pĂšre Daubigny m’a chargĂ© d’une lettre pour la marquise de Verneuil. — Henriette d’Entragues ! Serait-elle aussi du complot? — Je l’ignore, monseigneur. — Dans tous les cas, son frĂšre, le comte d’Auvergne, est des nĂŽtres, et, bien qu’il soit Ă©galement Ă  Fontainebleau, il brĂ»le de faire lever les boucliers Ă  ses partisans en pro- vince. La canonnade n’ayant abattu aucun des quatre cavaliers, le baron de Lux fit monter Ă  cheval une vingtaine d’hommes de la compagnie de gens d’armes affectĂ©e alors Ă  chaque prince, officier de la couronne et gouverneur de province. Mais cela demanda du temps, et la troupe dut revenir au bout de quelques heures d’une poursuite infructueuse. Nos quatre compagnons atteignirent Fontainebleau le surlendemain dans la soirĂ©e. Comme ils approchaient du chĂąteau, un gentilhomme Ă  cheval, en tenue de voyage et suivi d’un Ă©cuyer, dĂ©boucha d’une avenue voisine. Ce gentilhomme se dirigeait comme eux vers la rĂ©sidence royale. En. l’apercevant, Gargantua poussa un cri de surprise. — Ah 1 je le gonnais, celui-lĂ , ajouta-t-il. C’est mossiĂ© t’AupignĂ©. — Monsieur d’AubignĂ©! s’écria Marcel Ă  son tour. Il re- viendrait vers le roi ! — Ah ! che me rabbelle, der Teufel ! Au chĂądeau d’Us- son, il me menaçait te me bendre. Mais che ne le grains blus... Bonchur, mossiĂ© t’AupignĂ©! il. Digitized by Google 170 L 1 ABBESSE DE MONTMARTRE Le gentilhomme calviniste salua et dit — Mais, si je ne me trompe, c’est le capitaine Gargantua. — la, ia, et voici le bedit Marcel... vus savez, le bedit Marcel du pourg de Pailhat. — Mais je connais parfaitement monsieur de Fontaine. Je l’ai revu Ă  Fontaine- Française, oĂč il a sauvĂ© le roi. — Monsieur d’AubignĂ©, je ne l'ai jamais quittĂ©, dit Mar- cel, du moins volontairement. — C’est un reproche, je crois. Mais tranquillisez-vous, je viens me ranger de nouveau Ă  ses cĂŽtĂ©s. — J’en bĂ©nis le ciel, monsieur. — Pour deux causas. J’ai su, Ă  mon chĂąteau de Maille- zais, que, me croyant prisonnier Ă  Limoges, il avait mis Ă  part quelques bagues de la reine pour payer ma rançon, et je n’en veux pas, d’autant plus que je n’aj jamais Ă©tĂ© pri- sonnier, bien que j’eusse bataillĂ© lĂ -bas dans les derniĂšres Ă©motions. Ensuite, Ă  cause de ces Ă©motions mĂȘmes et des complots dont j’ai entendu parler, je viens lui offrir mes services, quoiqu’il ait abandonnĂ© la vraie foi pour aller Ă  la messjd, /— C’est ce qui s’appelle agir en gentilhomme loyal et dĂ©vouĂ©. — Par la Passion! rĂ©pliqua vivement le rigide religion- naire, ce n’est pas le roi apostat que mon bras servira, mais l’aini seulement. D’AubignĂ© fut accueilli Ă  bras ouverts par son royal com- pagnon de guerre, qui lui avait Ă©crit jadis jusqu’à quatre lettres, sans pouvoir le dĂ©cider Ă  revenir Ă  la cour. DĂšs lors il rie quitta plus Henri IV. Marcel s’était fait annoncer aussitĂŽt chez le roi, qui le reçut avec Laffin. — Sire, s’écria ce dernier en se jetant aux pieds de Henri, pardon ! pardon ! — Ah ! fit le roi en levant les yeux au ciel, que je vous Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 171 * drais donc que le marĂ©chal me criĂąt cela du fond de son cƓur. — Il est trop orgueilleux, Sire ! dit Laffin en se rele- vant. — Las ! c’est vrai. Je n’en puis rien tirer depuis qu’il est ici. Je l’avais pourtant embrassĂ© Ă  son arrivĂ©e... Je voudrais le sauver, et ce sont toujours les mĂȘmes colĂšres de sa part, la mĂȘme obstination, les mĂȘmes paroles hautes et fiĂšres. En effet, le marĂ©chal avait reçu trĂšs-froidement les ca- resses de son souverain, ce qui dĂ©plut beaucoup Ă  ce der- nier. DĂšs lors, Biron ne vit plus autour de lui que des visages glacĂ©s. Peu de gens l’abordaient ; on lui parlait Ă  peine. Un autre se serait cru perdu; mais il Ă©tait si prĂ©somp- tueux ! La comtesse de Rossi, sa sƓur, lui Ă©crivit de s’enfuir, s’il en Ă©tait temps encore. Henri lui offrit un moyen plus honorable de se sauver. Il Ă©tait disposĂ© Ă  user de clĂ©mence Ă  son Ă©gard, pourvu qu’il fĂźt lui-mĂȘme l’aveu de son crime. La veille, il l’avait menĂ© dans les jardins du chĂąteau. AprĂšs quelques propos assez indiffĂ©rents, il entama le dis- cours sur les sujets de mĂ©contentement qu’il avait du marĂ©- chal, et lui dit que, pourvu qu’il ne dĂ©guisĂąt rien, il en se- rait quitte comme la premiĂšre fois Ă  Lyon, pour le repentir de ses fautes. — Si je vous exhorte, ajouta le roi, Ă  dĂ©clarer vous- mĂȘme tout ce que vous avez fait contre mon service, c’est pour empĂȘcher que d 'autres ne prennent connaissance d’une affaire qui vous serait dĂ©savantageuse. » ' * C’était un avertissement. Ces autres , c’étaient Messieurs du Parlement. Mais le marĂ©chal, qui Ă©tait loin de s’imaginer que Laffin le trahissait et que celui-ci pouvait d’un moment Ă  l’autre revenir de Savoie, rĂ©pondit avec arrogance Digitized by Google 172 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Je suis venu, non pour me justifier, mais pour con- naĂźtre mes accusateurs. Je n’ai nul besoin de pardon, attendu que ne suis pas coupable... J’espĂšre mĂȘme, Sire, que vous ferez justice de mes calomniateurs; autrement, je la ferais moi-mĂȘme. » Quoique cette rĂ©ponse altiĂšre aggravĂąt encore l’offense, Henri se borna Ă  lui dire avec bontĂ© — Pensez-y mieux, marĂ©chal! Vous .prendrez un meil- leur conseil. » AprĂšs souper, le comte de Soissons l’exhorta encore, de la part du roi, Ă  lui confesser la vĂ©ritĂ©, il conclut par cette sentence — Monsieur, sachez que le courroux du roi est le mes- sager de la mort. » Biron avait toisĂ© le comte -de la tĂȘte aux pieds, et lui avait rĂ©pondu avec plus de fiertĂ© encore qu’il n’avait rĂ©pondu au souverain. Laffin fit connaĂźtre au roi le plan dĂ©finitif de la conspira- tion. Le royaume de France devait ĂȘtre dĂ©membrĂ©. Le duc de Savoie aurait la Provence et le DauphinĂ©; Biron la Bourgo- gne et la Bresse, avec la troisiĂšme fille de ce duc en mariage et cinquante mille Ă©cus de dot; quelques autres seigneurs, comme le comte d’Auvergne et Bouillon, d’autres provinces avec la qualitĂ© de pairs. Tous ces petits souverains eussent relevĂ© du roi d’Espagne. Pour parvenir Ă  ce rĂ©sultat, les Espagnols, jetteraient une puissante armĂ©e dans le royaume, et le Savoyard une autre. Non-seulement les gouverneurs de province dans le complot,. afa signal donnĂ© par Biron, lĂšveraient l’é- tendard de la rĂ©volte, mais oh ferait aussi remuer ceux des huguenots qui avaient encore sur le cƓur l’abjuration du roi. En mĂȘme topips, on rĂ©veillerait plusieurs mĂ©contents en divers eud roi ts, et l’onsusciterait et animerait lesipopula- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 173 lions, qui Ă©taient fort irritĂ©es contre la pancarte dont il a Ă©tĂ© question, et qui consistait, comme on sait, dans l’impĂŽt d’un sou par livre sur toutes les denrĂ©es des villes fermĂ©es. — Et vous avez les preuves de tout cela, M. de Laffin ? demanda le roi. — Les voici, Sire, Ă©crites de la propre main du marĂ©chal. Laffin tendit au roi les piĂšces qu’il avait soustraites au feu, lors de sa derniĂšre entrevue avec le marĂ©chal, Ă  Di- jon. — Vous dĂ©poseriez contre lui devant le Parlement, n’est- ce pas ? — RenazĂ©, mon secrĂ©taire, le ferait comme moi, si les gens du duc Savoie ne l’avaient retenu prisonnier, ainsi que vous le racontera M. de Fontaine. — C’est bien, monsieur. Vous allez vous retirer dans le logement qui vous est prĂ©parĂ©, et ne point vous montrer au marĂ©chal. J’espĂšre en- core qu’on n’aura pas besoin de vous pour le confondre devant le Parlement... Je vais revoir Biron, je ferai sem- blant encore de ne rien savoir, pour lui laisser le mĂ©rite des aveux qui seuls peuvent le sauver. C’est un dernier effort que je tente. Le roi, demeurĂ© seul, appela son capitaine des gardes. — OĂč est le marĂ©chal, M. de Vitry? — Sire, il est au jeu de la reine, qui vient de commen- cer. — Dites-lui que je l’attends au jardin. Quelques minutes apĂšs, le roi conjurait Biron, pour la se- conde fois, de lui avouer la conspiration. Il employa les remontrances, les priĂšres et les assurances d’un pardon complet; mais le marĂ©chal n’en fut pas plus Ă©mu, et finit par dire que, s’il connaissait ses calomnia- teurs, il leur romprait le cou. En parlant ainsi, les yeux du marĂ©chal, enfoncĂ©s dans sa petite tĂȘte, lançaient des Ă©clairs sinistres. Digiiized by Google 174 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Enfin le roi, ennuyĂ© de ses rodomontades et de son opi- niĂątretĂ©, le quitta brusquement en lui disant — Eh bien! il faudra apprendre la vĂ©ritĂ© d'ailleurs. Adieu, baron de Biron ! » Baron ! c’était lĂ  le seul titre qui lui fĂ»t venu de sa fa- mille. Ce mot fut comme un Ă©clair avant-coureur de la foudre. Le roi, dĂ©gradant par lĂ  Biron de tant d’éminentes dignitĂ©s dont il l’avait honorĂ©, montrait qu’il allait l’abaisser autant qu’il l’avait Ă©levĂ©. Mais rien ne servit. Biron, se croyant certain qu’aucune preuve ne pouvait dĂ©poser contre lui, retourna chez la reine, oĂč il se mit Ă  jouer Ă  la prime avec le comte d’Au- vergne. Celui-ci eut tout Ă  coup un soupçon, en voyant M. de Vi- try paraĂźtre sous la porte et fixer les yeux sur lui et sur le marĂ©chal. Il se pencha sur la table et dit tout bas Ă  Biron — Il ne fait pas bon ici pour nous. — Bah ! rĂ©pondit le marĂ©chal, on n’osera jamais. Et le jeu continua. Le roi Ă©tant entrĂ©, vers minuit, chez la reine, fit cesser les jeux et ordonna Ă  tout le monde de se retirer. Vitry se tenait immobile, Ă©piant la sortie du roi, comme s’il n’attendait que ce moment pour exĂ©cuter quelque ordre secret. Mais Henri hĂ©sitait. Il Ă©tait tout pĂąle... Au moment de quitter la salle, il se retourna encore brus- quement, et, appelant Biron, l’entraĂźna vers son cabinet. Vitrv suivit. — Au nom du ciel, dit le roi Ă  Biron d’une voix Ă©mue, confessez votre faute. — Ma faute! rĂ©pliqua le marĂ©chal de sa voix toujours ar- rogante et irritĂ©e. Voulez-vous parler. Sire, des services que je vous ai rendus ? Mon pĂšre a souffert la mort pour met- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 115 tre Ă  Votre MajestĂ© la couronne sur la tĂȘte, et moi j’ai reçu quarante blessures pour l’y maintenir... » Voyant qu’il n’en tirerait encore rien, aprĂšs tant d’essais infructueux, le roi le congĂ©dia. M. de Vitry et ses gardes attendaient dans l’antichambre ; il y avait aussi lĂ  quelques gentilshommes de la suite de Biron. — * Monsieur, dit Vitry de sa voix calme et rude, en s’approchant du marĂ©chal, le roi m’a commandĂ© de lui ren- dre compte de votre personne. Donnez-moi votre Ă©pĂ©e! » Les gentilshommes essayĂšrent de se mettre en dĂ©fense, mais il furent aussitĂŽt saisis par les gardes. Biron demanda alors Ă  parler au roi. On lui rĂ©pondit qu’il s’était retirĂ©. — Donnez-moi votre Ă©pĂ©e, lui dit l’impassible Vitry pour la seconde fois. — a Mon Ă©pĂ©e, s’écria le marĂ©chal, qui a rendu tant de services au roi ! » Il la donna, et on le conduisit dans une chambre du chĂą- teau. Pendant qu’on l’y menait, il cria avec une colĂšre amĂšre Ă  ceux qui se trouvĂšrent sur son passage ; — Regardez, messieurs, comme on traite les bons ca- tholiques. » Le comte d’Auvergne Ă©tait arrĂȘtĂ© en mĂȘme temps par M. de Praslin, au moment oĂč il cherchait Ă  s’enfuir du chĂąteau par la cour de l’Orangerie. Biron passa la nuit dans une espĂšce de fureur, et se rĂ©- pandit en invectives contre Henri IV. Le baron de Rosny Ă©tant entrĂ© dans l’appartement du roi, pour recevoir ses ordres, celui-ci lui dit — Nos gens sont pris. Montez Ă  cheval, et allez prĂ©pa- rer un logement Ă  la Bastille, oĂč je les enverrai par bateau. Ils ne tarderont pas Ă  vous suivre. Vous les ferez descendre par la porte de l’Arsenal, du cĂŽtĂ© de l’eau, et vous les con- duirez par les jardins. Faites en sorte d’empĂȘcher la foule Digitized by Google 176 L’ABBESSE DE MONTMARTRE du peuple... Vous irez ensuite au Parlement et Ă  l’HĂŽtel- de-Ville, pour les instruire de ce qui vient d’arriver. Je leur en apprendrai les causes, et je m’assure qu’ils les trou- veront justes. » Rosny, qui avait le commandement de la Bastille, alla immĂ©diatement exĂ©cuter les ordres du roi. Les deux prisonniers partirent le lendemain, bien escor- tĂ©s. On les logea dans des chambres sĂ©parĂ©es. Le roi se rendit Ă©galement Ă  Paris, oĂč le peuple tĂ©moi- gna, par mille acclamations, la joie qu’il avait de voir la conspiration dĂ©couverte. Commission fut envoyĂ©e au Parlement, pour faire le pro- cĂšs au marĂ©chal. Marcel avait suivi Henri IV Ă  Paris. Il y embrassa sa mĂšre, et raconta au chevalier du Bosc, ainsi qu’à l’abbesse Marie de Beauvilliers, les rĂ©sultats de son second voyage en Savoie. Quant au seigneur Ligier de Clignancourt, il l’a- vait trouvĂ© Ă  Fontainebleau. Marie lui demanda s’il avait fait part au roi de son excur- sion Ă  Milan et de son entrevue avec le comte de FuentĂšs. — A mon premier retour, rĂ©pondit l’officier, le temps pressait, et je n’ai pu entretenir Sa MajestĂ© que des rĂ©vĂ©la- tions de Laffm. Depuis mon arrivĂ©e Ă  Fontainebleau, d’autre part, le roi est Ă  peine visible. Il se montre fort irritĂ©, dit- on, plein d’amertume et misanthrope. — Vous avez eu tort peut-ĂȘtre, Marcel, de ne point sai- sir une occasion pour lui rĂ©vĂ©ler le secret de la naissance d’Alice. — Je ne voudrais point qu’il en parlĂąt Ă  monsieur de Cli- gnancourt. — Le comte de FuentĂšs Ă©tant un des agents les plus ac- tifs de la conspiration, votre sĂ©jour inexpliquĂ© au Palais Sforza pourrait tourner contre vous, mon ami. Sonyez-y bien. — Vous ĂȘtes la prudence mĂȘme, madame ! Mais, si le roi Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE l’- avait vent de mes rapports avec le comte, un mot suffirait alors pour lui en expliquer les causes. — En politique, les accointances les plus naturelles de- viennent souvent funestes. — N’est-ce pas moi qui ai amenĂ© la dĂ©couverte du com- plot, en convertissant Laffin aux intĂ©rĂȘts du roi ? — Il est des circonstances oĂč mĂȘme un service rendu peut devenir un moyen d’accusation de plus. — Madame, vos paroles commencent Ă  m’émouvoir. — Croyez-m’en cherchez Ă  voir le roi, et ne lui cachez rien. — Vous avez raison je cours au Louvre. Marcel avait Ă  peine fait quelques pas dans la grande ga- lerie, que le capitaine des gardes, M. de Vitry, marcha droit Ă  lui — Votre Ă©pĂ©e, monsieur! lui dit le vieil officier, de sa voix impassible. — Mon Ă©pĂ©e! s’écria Marcel en reculant stupĂ©fait. — Ordre du roi ! Notre jeune homme savait qu’avec le rigide Vitry, la con- signe incarnĂ©e, qui eĂ»t arrĂȘtĂ© sans sourciller tous les gen- tilshommes prĂ©sents, y compris les princes de sang, s’il en avait eu l’ordre, il n’y avait aucune explication Ă  avoir. Il tendit donc l’arme au capitaine des gardes, avec un soupir, en pensant aux paroles de l’abbesse, qu’il n’avait certes pas cru devoir se justifier si promptement. Puis il demanda Ă  voir le roi. — Je vous en supplie, monsieur, dit-il Ă  Vitry,. laissez- moi entrer dans le cabinet de Sa MajestĂ©. — Sa MajestĂ© n’est point dans son cabinet. — Permettez-moi de la rechercher avec vous, de l’atten- dre au moins. AprĂšs m’avoir entendu, elle rĂ©voquera cet ordre. — Impossible. En marche! Les seigneurs de la galerie, attirĂ©s par Ăšetie scĂšne, se Digitized by Google 178 L’ABBESSE DE MONTMARTRE pressaient autour de Marcel et de Vitry. Crillon, d’AubignĂ© et Castaignac Ă©taient en tĂȘte. — Harmbleu ! ne pourriez-vous accĂ©der au dĂ©sir de votre lieutenant, monsieur de Vitry ? disait Crillon. . — Morbleu ! ajoutait d’AubignĂ©, je rĂ©ponds de mon- sieur. — Par ma coiichemarde fidĂšle ! osa gasconner Castai- gnac, le roi ne peut... Comme un sanglier au poil hĂ©rissĂ©, Vitry fit tour Ă  tour face Ă  chacun des intervenants. — Le roi sait ce qu’il fait, M. de Castaignac, gronda-t-il ; et moi je lui rĂ©ponds du prisonnier, M. d’AubignĂ©... Quant au dĂ©sir de ce dernier de rechercher le roi, M. de Crillon, au- tant vaudrait me proposer de me faire l’huissier de la marquise de Verneuil, car Sa MajestĂ© soupe avec elle. — Ah! voilĂ  la chose, marmotta d’AubignĂ©. Toujours le cotillon ! — Et quand vous feriez cela pour votre lieutenant? dit encore Crillon; c’est un homme d’honneur qui en vaut la peine. — MĂȘlez-vous de votre commandement, M. de Crillon, bougonna le revĂȘche capitaine, et laissez-moi m’occuper du mien. — Boule-dogue! murmura Crillon. — Je vous conseille de medonner votre nom ! s’écria Yitrv qui avait entendu. On ne sait peut-ĂȘtre pas ce dont vous ĂȘtes capable', M. de Crillon, quand le roi a commandĂ©... Gardes ! Ă  la Bastille ! — A la Bastille! dit en soupirant l’infortunĂ© Marcel. Et le roi soupe avec Henriette d’Entragues ? Les gardes emmenĂšrent le nouveau prisonnier vers la sombre forteresse de la porte Saint-Antoine. Du seuil du cabinet des Trois-Tonneaux, au coin de la ue Saint-honorĂ© et de celle de la Tonnellerie, un homme Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 179 s’élança en reconnaissant Marcel au milieu de l’escorte. — Ah! der Teufel! s’exclama-t-il. Gu’est-ce gue c’est gue cela ? Marcel ! mon bedit Marcel ! — Capitaine ! cria le jeune homme qui voyait le reĂźtre dĂ©jĂ  prĂȘt Ă  jouer de son schwert contre les gardes. Point de violence ! Courez plutĂŽt Ă  Montmartre. PrĂ©venez madame l’abbesse et Michel qu’on me mĂšne Ă  la Bastille. Gargantua obĂ©it, non sans montrer le poing Ă  ceux qui emmenaient son jeune ami. Il est temps de faire connaĂźtre maintenant les causes de cette arrestation inattendue. ProfondĂ©ment irritĂ© de la conduite de Biron, le roi s’était montrĂ© taciturne et d’une humeur presque farouche depuis l’arrestation du marĂ©chal. A peine rĂ©pondait-il Ă  Rosny et Ă  ses conseillers. Le front plissĂ© par le mĂ©contentement, on ne l’entendait par moments ouvrir la bouche que pour se plaindre de l’in- gratitude des hommes et de leur profonde perversitĂ©. Lui si franc et si expansif d’ordinaire, il ne jetait plus sur tous ceux qui l’approchaient que des regards obliques et mĂ©fiants. Partout il lui semblait voir des conspirateurs et des traĂźtres. Le soupçon le rendait intraitable. Pour un mot Ă©quivoque, il avait failli, dans la matinĂ©e, faire arrĂȘter Sillery, qui pourtant lui avait rendu dans les nĂ©gociations des services si signalĂ©s. RenfermĂ© dans son cabinet, il en avait dĂ©fendu l’entrĂ©e Ă  tout autre qu’ Ă  son valet de chambre, Ă  l’astrologue Pe- rmet et Ă  son cuisinier Fouquet de la Varenne, maintenant contrĂŽleur gĂ©nĂ©ral des postes. Ayant entendu gratter Ă  une porte dĂ©robĂ©e, Henri alla ouvrir et aperçut maĂźtre PĂ©rinet et la Varenne. — Bonjour, mes maĂźtres! leur dit-il. Quel sujet vous amĂšne ? Digitized by Google 180 L'ABBESSE DE MONTMARTRE — Toujours votre heur et votre avenir, rĂ©pondit l’astrolo- gue en s’inclinant trois fois avec obsĂ©quiositĂ©. — Ah ! mon bonheur ! fit le roi avec amertume. Il s’en va comme l'avenir... Toujours des complots ! Quand on n’en veut plus Ă  ma vie, c’est ma couronne que l’on convoite ! Et parmi les traĂźtres je retrouve mĂȘme le frĂšre de ma mie. — Sire ! la marquise est innocente. ‱ — HĂ© ! qui sait ? fit le roi en soupirant. — La preuve, c’est que j’ai tirĂ© hier soir votre horoscope et le sien, et que j’ai vu vos deux astres toujours planant amicalement dans la mĂȘme Maison du ciel. — Est-ce lĂ  la seule preuve que tu as, maĂźtre PĂ©rinet ? — J’ai rencontrĂ© dans la cour mon ami de la Varenne, qui vous en apporte une autre fort concordante. — Voyons celle-lĂ ! Mais si elle n’est pas meilleure, vous vous tiendrez pour dit, messieurs, que frĂšre et sƓur se valent... Ah! je n’ai plus fiance en personne, et l’on me dirait que le Dauphin me trahit, tout innocent mignon qu’il est, que je ne serais pas Ă©loignĂ© de le croire. — Pourtant, Sire, dit la Varenne, madame la marquise, dont je viens de quitter l’appartement oĂč elle m’avait mandĂ©, est prĂȘte Ă  vous tĂ©moigner combien elle vous est attachĂ©e et dĂ©sire l’affermissement de votre trĂŽne. — C’est bien Ă  elle, et je l’en remercie, mais je ne la verrai point. Le temps n’est point aux amours, maĂźtre la Varenne. — Sire! ce n’est point d’amour qu’il s’agit cette fois, mais bien d’une rĂ©vĂ©lation importante, rĂ©pliqua ce dernier. — Une rĂ©vĂ©lation ! s’écria Henri en s’avançant avec vi- vacitĂ© vers la Varenne et en fixant sur lui des yeux ardents. Comme Laffin, la marquise aurait-elle les mains pleines de piĂšces d’un nouveau complot?... Cela ne m’étonnerait point, ajouta-t-il avec un rire amer. Tout le monde con- spire... De quoi s’agit-il? — De menĂ©es coupables au premier chef, m’a-t-elle dit. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 181 — Parlez donc... parlez vite! Il y a encore de la place Ă  la Bastille. — Sire! je vous l’ai dit maintes fois, vos ennemis ne sont pas ceux que vous croyez. Les membres de la Com- pagnie de JĂ©sus... — Encore ces gens-lĂ ! dit le roi avec humeur. — Ce sont vos amis, s’écriĂšrent Ă  la fois les deux com- pĂšres. — Ils ont voulu m’assassiner. — Erreur! calomnie! dit la Varenne. Ils veulent vous prouver, aujourd’hui, que rien ne leur tient plus Ă  cƓur que la prospĂ©ritĂ© de votre État. La rĂ©vĂ©lation vient de l’un d’eux. — Son nom? — Le rĂ©vĂ©rend pĂšre Daubigny... Daignez vous rendre Ă  l’appel de la marquise, qui vous attend elle vous contera tout. Les sourcils froncĂ©s, sans mot dire, Henri suivit l’ex- cuisinier, qui le mena par des couloirs secrets jusqu’à l’ap- partement que Henriette d’Entragues occupait au Louvre. Certes, la prĂ©sence de la marquise au Louvre n’était point excusable. Toutefois, les mƓurs du temps faisaient qu’on ne s’en scandalisait pas trop. La reine avait du reste de grands torts envers Henri IV. En ce qui est de sa vertu, dit un historien, elle est restĂ©e beaucoup trop Ă©quivoque pour qu’on puisse prendre Ă  Marie de MĂ©dicis l’intĂ©rĂȘt qu’eĂ»t mĂ©ritĂ© une Ă©pouse trahie. L’affection de Marie pour son cousin Virginio Orsini ne passait pas pour fraternelle ; on soupçonna aussi de ga- lanterie ses relations avec le duc de Bellegarde, qui l’avait Ă©tĂ© chercher Ă  Florence, comme ambassadeur du roi, et il n’v a surtout guĂšre de doute en ce qui regarde le trop fameux Concini, jeune et brillant gentilhomme ilorentin que Marie avait amenĂ© Ă  sa suite, et qu’elle fit Ă©pouser Ă  sa sƓur de lait, LĂ©onora Dori, dite la Galigai, crĂ©ature dif- Digitized by Google 18 Ü L’ABBESSE DE MONTMARTRE forme, adroite et rusĂ©e, qui la dominait entiĂšrement* LĂ©onora et son mari n’usĂšrent de leur empire sur la reine, que pour l’aigrir contre Henri IV et pour envenimer des discordes, que Rosny s’efforçait sans cesse d’apaiser. Les scĂšnes entre le roi et la reine arrivĂšrent Ă  une telle violence, que Marie, un jour, sauta au visage du roi et l’égratigna. Une autre fois, elle eĂ»t donnĂ© un soufflet Ă  Henri IV, si Rosny ne lui eĂ»t rabattu le bras avec tant de vivacitĂ©, qu’elle prĂ©tendit qu’il l’avait frappĂ©e. Sans la naissance du Dauphin, Henri se fĂ»t peut-ĂȘtre rĂ©solu Ă  renvoyer la Florentine dans son pays. Il se dĂ©cida Ă  prendre patience, et les deux Ă©poux s’accoutumĂšrent jus- qu’à un certain point l’un Ă  l’autre, sans jamais vivre en bonne intelligence. Le roi trouva Henriette d’Entragues dans un nĂ©gligĂ© charmant, mais le front sĂ©rieux. Elle Ă©tait Ă  demi couchĂ©e sur un lit de repos, et jouait nĂ©gligemment avec un Ă©trange mais assez joli animal, fort Ă  la mode Ă  cette Ă©poque. C’était un adive ou chacal apprivoisĂ©, venu d’Asie, et de la taille d’un chat de grosseur moyenne. Son pelage Ă©tait d’un gris jaunĂątre, avec une queue trĂšs-longue, terminĂ©e par une mĂšche de poils noirs. De chaque cĂŽtĂ© de la tĂȘte il avait une raie' brune allant de l’Ɠil au bout dĂŒ museau. Toutes les grandes dames avaient alors leur adive , comme elles ont eu depuis leur bichon, leur levrette, leur King-Charles. Henri marcha Ă  pas si rapides vers la marquise, que le chacal effrayĂ© bondit du lit de repos. — Vous avez Ă©pouvantĂ© mon pauvre IsmaĂ«l! s’écria Henriette en se levant, non sans jouer de la prunelle. Mais dans quel Ă©tat vous vois-je, cher Sire? Quel front cour- roucĂ©! Digitized by Googl L'ABBESSE DE MONTMARTRE 183 — Je viens Ă  votre appel, dit le roi sans se dĂ©rider et d’un ton brusque qu’elle ne, lui avait jamais vu. De quelles rĂ©vĂ©lations avez- vous Ă  m’entretenir, marquise? Jugeant, Ă  l’air du roi, qu’il Ă©tait tout entier Ă  de som- bres prĂ©occupations politiques, la favorite eut un Ă©clair de joie. Cette situation d’esprit Ă©tait on ne peut plus favorable Ă  ses desseins haineux. Elle se dit qu’une fois sa vengeance satisfaite, elle trouverait bien le moyen, grĂące Ă  ses ma- nƓuvres coquettes, d’amener Henri Ă  d’autres idĂ©es. Elle brusqua donc l’explication. — Sire! dit-elle en prenant son air le plus grave, vous souvient-il d’un rĂȘve que je vous communiquai il y a quelques mois? Henri tressaillit il s’agissait de Marcel. — Votre officier des gardes, monsieur de Fontaine, pour- suivit l’astucieuse marquise, m’était apparu en compagnie de vos ennemis le Savoyard et les Espagnols, leur livrant vos secrets et complotant contre vous. — Ce furent exactement vos paroles je m’en souviens. — Eh bien ! ce n’est plus d’un rĂȘve qu’il s’agit, mais d’une rĂ©alitĂ©. MalgrĂ© l’humeur farouche du roi, et quelles que fussent ses dispositions ombrageuses, il ne put se dĂ©fendre d’un mouvement de surprise et d’incrĂ©dulitĂ© Ă  ces paroles de la marquise. — Je vous ai dĂ©jĂ  dit, ce me semble, rĂ©pliqua-t-il, que cet officier m’a sauvĂ© deux fois la vie. Et c’est grĂące Ă  lui que je connais tout le fond de la conspiration dont les deux principaux coupables sont Ă  la Bastille Votre frĂšre est l’un des deux! marquise, ajouta-il d’un ton sĂ©vĂšre. — Soit, Sire! mon frĂšre est accusĂ© il sortira innocent du procĂšs criminel. Aussi n’est-ce point de lui que je vous parle en ce moment, mais d’un vrai et d’un plus grand coupable. Digitized by Google 184 L'ABBESSE DE MONTMARTRE — Je ne saurais croire, murmura le roi... non, non, c’est impossible. Mais l’esprit de Henri Ă©tait tellement bouleversĂ© par l’affaire de Biron, qu’il ne murmura ces mots que de l’air d’un homme qui ne croit plus Ă  l'impossibilitĂ© d’une trahi- son, quelque surprenante quelle soit. Henriette acheva bientĂŽt de dĂ©truire ce qui restait de confiance dans le cƓur du monarque, si Ă©prouvĂ© dans se affections. — Monsieur de Fontaine est demeurĂ© longtemps en Italie, reprit la favorite. — En effet... longtemps. — Il a mĂȘme poussĂ© jusqu’à Milan... — Je l’ignorais. Marcel ne m’en a point parlĂ©. — C’est qu’il y livrait vos secrets Ă  l’Espagnol. — Mes secrets ! — Vos grands desseins, dont vous avez parfois laissĂ© Ă©chapper quelques mots devant moi, sans pourtant jamais avoir daignĂ© me les faire connaĂźtre... Ah! Sire, il ne s’agit plus ici d’un mĂ©chant et absurde complot pour le prĂ©sent, mais bien d’une trahison qui compromet tous vos projets d’avenir, ces grands projets qui doivent faire la gloire de votre rĂšgne et transmettre votre nom bĂ©ni aux gĂ©nĂ©rations futures... N’est-ce point lĂ  ce que vous me disiez maintes fois? — C’est vrai, rĂ©pondit le roi, tout pĂąle. — Ces projets, continua l’adroite Henriette, sont connus seulement de trois autres personnes que vous... Eh bien, Sirel ce sont ces secrets que monsieur de Fontaine a livrĂ©s. — Des preuves ! s’écria Henri , frĂ©missant, et le poing serrĂ© . — Vous le voyez c'est lĂ  un homme bien autrement coupable que Biron, Bouillon et le comte d’Auvergne, mon frĂšre, un Ă©tourneau tout au plus ! — Des preuves! dit encore le roi. Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 185 - — Monsieur de Fontaine a vendu ces projets au comte de FuentĂšs, l’agent du roi d’Espagne. — Encore une fois, des preuves ! rĂ©pĂ©ta Henri en frap- pant du pied. — La trahison s’est faite dans le jardin du palais Sforza, Ă  Milan. On a vu, on a entendu. — Qui a vu, qui a entendu? — Un homme cachĂ© derriĂšre la grille dans l’ombre, qui a rapportĂ© la scĂšne au rĂ©vĂ©rend pĂšre Daubigny de la SociĂ©tĂ© de JĂ©sus. — OĂč est cet homme? — Et le digne pĂšre, qui, dans l’exil, appelle sur la tĂȘte de son roi les bĂ©nĂ©dictions du ciel, s’est empressĂ© de me faire connaĂźtre ce crime odieux... Voyez, Sire! lisez... La marquise lendit au roi une lettre, qu’il parcourut avec un Ăącre sourire . — Cet homme est ici? demanda-t-il aprĂšs avoir lu. Henriette courut Ă  une petite porte latĂ©rale, et l’ouvrit. — Le voici! dit-elle. Le lansquenet Claude le Lorrain se prĂ©senta devant le roi. — C’est toi qui as entendu les paroles du comte de FuentĂšs? lui demanda Henri d’une voix saccadĂ©e. ^ — De mes propres oreilles, Sire. — RepĂšte-les ! — Le gouverneur du Milanais, sortant d’un pavillon, tendit la main Ă  l’officier, et lui dit * Vous serez grand d’Espagne! » — Et l’officier est demeurĂ© quelque temps au palais Sforza ? — Plusieurs semaines. Je n’étais du reste pas seul Ă  entendre ces paroles. Il y avait les gardes et un autre gen- tilhomme français, qui pourra l’attester comme moi . — Le nom de ce gentilhomme — Le baron de Fontanelle. it 12 Digitized by Google 186 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Le pĂšre Daubigny, qui, au moment du dĂ©part du lans- quenet de Novare, ne savait pas encore que Laffin trahis- sait, avait dĂ©fendu au lansquenet de nommer ce dernier. — Le baron de Fontanelle! s’écria le roi. Mais il est arrĂȘtĂ© depuis hier. Les papiers de Biron l’ont compromis. Henri frappa sur un timbre la Varenue, qui attendait dans l’antichambre, parut. — Qu’on appelle monsieur de Vitry ! commanda le roi. Le capitaine des gardes vint bientĂŽt. — Amenez-moi cĂ©ans, par les escaliers particuliers, le baron de Fontanelle , qui a Ă©tĂ© Ă©crouĂ© au Grand-ChĂątelet- Ce n’est pas loin. Courez, monsieur de Vitry! Avant de prendre un parti rigoureux, le roi avait voulu entendre lui-mĂȘme ce second tĂ©moin. Le baron vint confirmer la dĂ©position du lansquenet. — Monsieur de Vitry, dit alors le roi d’un ton ferme, vous arrĂȘterez votre lieutenant des gardes, M. de Fontaine, et le ferez conduire Ă  la Bastille. Henriette d’Entragues triomphait. ... Aussi, quand elle se revit seule avec le roi, eut-elle ses plus adorables sourires, ses regards les plus fascinateurs, ses paroles les plus tendres, pour le retenir chez elle. Elle craignait, du reste, que Henri, livrĂ© Ă  lui-mĂȘme et re- voyant son officier favori, ne revĂźnt sur l’ordre donnĂ© et ne lui fĂźt grĂące. Le BĂ©arnais, accablĂ©, se laissa faire et soupa avec sa perfide maĂźtresse. Comme il avait de la peine pourtant Ă  secouer la tristesse que tant de trahisons avaient jetĂ©e dans son esprit, la mar- quise, aprĂšs souper, appela IsmaĂ«l, son adive joueur. Elle savait que les tours du savant animal, instruit par elle, faisaient souvent pĂąmer de rire son royal amant. En effet, le chacal en eĂ»t remontrĂ© Ă  maint singe ou chien de bateleur du Pont-Neuf. — Il devient de plus en plus fort, mon petit ismaĂ«l, dit- Digitized by Google L’ABBESSE DE .MONTMARTRE 187 elle au roi. Son esprit est aussi avisĂ© que celui de M. Chicot... A un signe de moi, il porte et rapporte main- tenant tout ce que je lui dĂ©signe. — Je serais curieux d’en ĂȘtre tĂ©moin, mignonne! — Et je gage que ce chiffon de papier que je prends sur mon Ă©tudiole, il le glissera dans la poche de vos grĂšgues ou de votre pourpoint, avec une dextĂ©ritĂ© telle, que vous ne vous en apercevrez mĂȘme point. — En vĂ©ritĂ©, vous piquez ma curiositĂ©. — Vous allez voir, Sire ! La marquise, s’étant assise Ă  quelque distance, caressa un instant IsmaĂ«l ; puis elle Ă©tendit derriĂšre elle, sans affectation, sa main munie du papier. L’adive happa aussitĂŽt le chiffon, et sur un simple coup d’Ɠil de sa maĂźtresse, s’en alla, par un dĂ©tour, en remuant gracieusement oreilles et queue, le porter vers le roi, pour le laisser tomber dans la poche bĂ©ante pratiquĂ©e Ă  la basque du pourpoint. — Eh bien, Sire, qu’en dites-vous ? demanda Henriette — Mais c’est merveilleux, rĂ©pondit le BĂ©arnais en sc dĂ©ridant. — N’est-ce pas?... A d’autres, IsmaĂ«l !... Sautons pour le marquis! Et la favorite continua le jeu, en faisant gambader de toutes maniĂšres l’intelligent adive. BientĂŽt Henri, complĂštement distrait de son humeur noire, rit aux Ă©clats, oubliant et Biron et l’infortunĂ© Marcel, qu’on conduisait dans la sombre prison oĂč le coupable ma- rĂ©chal attendait son sort. X L’ÉCHAFAUD a la bastille. La nuit approche, le couvre-feu ne tardera pas Ă  sonner. NĂ©anmoins, les rues sont encore pleines, dans tout le Digitized by Google 188 L'ABBESSE DE MONTMARTRE quartier qui s’étend de l’HĂŽtel-de-Ville Ă  la porte Saint- Antoine. Des groupes animĂ©s se voient dans les carrefours ; on cause avec force gestes devant les Ă©choppes et dans les tavernes ; on jure Ă  travers les chants. On remarque surtout, au milieu de cette foule, des gens de guerre, reĂźtres, lansquenets et carabins, soldats d’aven- ture dont Paris fourmillait Ă  cette Ă©poque ; mais il y a aussi les fauteurs ordinaires de tumulte, les Ă©coliers, les laquais, les truands et autres mauvais garçons. Enfin, des moines de toute couleur et divers gens Ă  allure Suspecte ne font pas dĂ©faut. D’oĂč vient que ce soir-lĂ  il y ait encore tant de populaire et tant d’émotion dans ce quartier, oĂč semble s’ĂȘtre donnĂ© rendez-vous tout ce qu’il y a de plus remuant dans la ville, la CitĂ© et l’UniversitĂ©? Voici un cabaret devant un bastion du rempart de la ville, en face d’un sombre et monstrueux bĂątiment de pierre. Dans ce cabaret, un peu pouillis, c’est-Ă -dire de bas Ă©tage, allants et venants se heurtent et paraissent se com- muniquer des nouvelles. En y pĂ©nĂ©trant, nous saurons peut-ĂȘtre de quoi il re- tourne. Mais avant d’y entrer, jetons un coup d’Ɠil sur le voisi- nage. Il fait encore jour assez pour voir oĂč nous sommes. A droite, voici le vieux parc de l’hĂŽtel des Tournelles, de cet hĂŽtel jadis si magnifique avec sa forĂȘt d’aiguilles, mais que Catherine de MĂ©dicis fit dĂ©molir par douleur d’y avoir perdu son Ă©poux, Henri II, et dont la cour intĂ©rieure servait alors Ă  un marchĂ© de chevaux. A notre gauche se dresse le lugubre et gigantesque bĂąti- ment que nous avons mentionnĂ© plus haut. Ce sinistre faisceau de tours Ă©normes, noires comme de l’encre, en- trant les unes dans les autres, et ficelĂ©es, pour ainsi dire, par un fossĂ© circulaire revĂȘtu de murailles ; ce donjon, beaucoup plus percĂ© de meurtriĂšres que de fenĂȘtres, ce Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 189 pont-levis, presque toujours dressĂ©, cette herse si souvent tombĂ©e... c’est la Bastille! Ces espĂšces de becs noirs qui sortent d’entre les crĂ©- neaux, et qu’on prend de loin pour des gouttiĂšres, ce sont des canons. Sous le boulet de ces canons, au pied du formidable Ă©di- fice, est la porte Saint- Antoine, enfouie entre ses deux tours. Les soldats qui la gardent semblent assez inquiets du bruit qui se fait autour et en face d’eu*. La rue Saint-Antoine montre ses pignons pointus de ' maisons Ă  peuple, adossĂ©es, pour ainsi diçe, Ă  droite, aux palais du Marais, Ă  gauche, aux demeures encore si somp- tueuses du quartier Saint-Paul, au-dessus desquelles s’élĂšve gracieuse la flĂšche de l’abbaye des CĂ©lestins. Au delĂ  du parc des Tournelles enfin, se dĂ©roule, sous les derniers reflets du soleil couchant, avec de riches com- partiments de verdure et de fleurs, un tapis veloutĂ© de cultures. Au milieu de ce tapis, on reconnaĂźt encore, Ă  son labyrinthe d’arbres et d’allĂ©es et Ă  son observatoire , le fameux Jardin Dedalus, que Louis XI avait donnĂ© au mĂ©decin Coictier. Mais ces jardins vont disparaĂźtre bientĂŽt sous les galeries de la Place Royale, oĂč Henri IV veut Ă©tablir des manufactures. Enfin, derriĂšre la Bastille, s’étendent les nouveax bĂąti- ments et jardins de l’Arsenal, avec leur porte dĂ©corĂ©e de colonnes en forme de canons. Quarante ans auparavant, l’ancien arsenal avait sautĂ© avec une si formidable dĂ©tona- tion, qu’on l’entendit Ă  Melun et que les poissons en pĂ©- rirent dans la Seine. Voyons maintenant ce qui se passe dans le cabaret prĂšs du bastion Saint-Antoine. Il y a deux salles dans le pouillis. On y voit des tables couvertes de gobelets et de brocs; quelques-unes de ces tables ne sont que des planches clouĂ©es sur des futailles vides. Des bancs de bois brut servent de siĂšges. il , 12. Digitized by Google 190 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Mais peu de buveurs sont assis dans la premiĂšre salle, la seule dont, nous puissions voir le coup d’Ɠil, l’autre ayant sa porte obstruĂ©e par un groupe assez nombreux. Un bruit assourdissant de voix frappe les oreilles en entrant, tandis que l’odorat et la gorge sont saisis par l’odeur du vin qui rougit les tables. Le tavernier et sa femme sont occupĂ©s Ă  servir. Les gens qui parlent avec tant d’animatidn dans ce ca- baret, sont pour la plupart, des gens de guerre. Il y a, tou- tefois, quatre frocards parmi eux. Mais sont-ce bien de vrais frĂšres frapparts, que ces der- niers, c’est-Ă -dire des moines buveurs et dĂ©bauchĂ©s? Il y a lĂ , dans le groupe sous la porte de communication, un carme dĂ©chaussĂ©, un cordelier, un augustin Ă  coule noire et ceinture de cuir. Aucun ne paraĂźt avinĂ©, et quoique des reĂźtres et lansque- nets, au milieu desquels l’un dos moines pĂ©rore et l’autre donne des instructions Ă  voix mystĂ©rieuse, semblent s’ĂȘtre livrĂ©s Ă  de copieuses libations, nul, mĂȘme parmi les sou- dards, ne chancelle. Evidemment les hĂŽtes du pouillis, de mĂȘme que la foule du dehors, sont sous l’empire de graves prĂ©occupations. Il y a plus le quatriĂšme moine est un cĂ©lestin Ă  la mine altiĂšre, orgueilleusement drapĂ© dans son manteau. U ne prononce que quelques paroles de temps en temps, et on paraĂźt le consulter avec une certaine dĂ©fĂ©rence. Ces cĂ©lestins, dont le monastĂšre est voisin de l’ancien HĂŽtel Saint-Paul, Ă©taient les religieux les plus riches et aussi les plus orgueilleux de la capitale. Les libĂ©ralitĂ©s des rois, surtout celles de Charles Y qui rĂ©sidait Ă  l’HĂŽtel Saint-Paul, avaient fait de leur maison un vĂ©ritable musĂ©e. Colonnes de marbre, obĂ©lisques, statues, vases, tableaux tout y Ă©tait rĂ©uni. Un nombre considĂ©rable de princes et de princesses avaient tenu Ă  Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 191 honneur l’ĂȘtre enterrĂ©s dans leur Ă©glise. Aussi de superbes mausolĂ©es l’ornaient-ils. La bibliothĂšque des cĂ©lestins avait une grande renommĂ©e, mais ne leur servait de rien on ne cite pas un savant dans cet ordre. En revanche, ils cultivaient avec gloire l’art culinaire ils possĂ©daient un assortiment d’ustensiles de cuisine dont tous les autres couvents de Paris Ă©taient jaloux. Les ome- lettes Ă  la cĂ©lestine avaient une haute rĂ©putation. Pour toutes ces raisons, le nom des cĂ©lestins avait ob- tenu de la cĂ©lĂ©britĂ©. Leur ignorance au sein d’un trĂ©sor de science, jointe Ă  leur orgueil, faisait dire, quand on voulait rabaisser la vanitĂ© d’un sot VoilĂ  un plaisant cĂ©lestin! C’était devenu un proverbe. Toutefois, la sottise n’exclut pas l’ambition, au con- traire ; et tandis que le studieux bĂ©nĂ©dictin demeurait humble et ne rĂ©clamait de nobles distractions qu’à la science, le paresseux cĂ©lestin, comme tant d’autres moines de l’époque, visait Ă  la domination. Avant de faire connaĂźtre quel Ă©tait le sens des avis que donnait le moine cĂ©lestin au lansquenet qui l’interrogeait, il nous faut signaler un personnage dont l’attitude et le mutisme faisaient contraste avec ces gens de guerre et fro- cards. Ce personnage, aux Ă©paules carrĂ©es, est assis prĂšs d’une fenĂȘtre. Il a les coudes sur la table, la tĂȘte tout entiĂšre dans ses larges mains. On ne lui voit point la figure. Son broc et son gobelet sont vides devant lui, il n’y fait pas attention. De temps en temps seulement, un gros soupir s’échappe des profondeurs de sa poitrine. Alors, sans dĂ©tacher les mains de son visage, il lĂšve les yeux et, par la fenĂȘtre, jette un regard dĂ©solĂ© sur la sombre Bastille. Un vieux reĂźtre se dĂ©tache enfin du groupe du fond, s’approche du triste personnage, et lui frappe sur l’épaulp Digitized by Google 192 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Capitaine ! dit ce retire, vous serez des nĂŽtres, n’est- ce pas? — Ah ! der Teufel! bourdonne celui qu’on vient de dis- traire ainsi de sa douleur. Mais il se contente de lever la tĂȘte un instant, puis la replonge aussitĂŽt dans ses mains velues. — Veuillez Ă©couter au moins votre vieux compagnon de l’armĂ©e de Henri III, reprend le soudard. — Qu’est-ce gue du me veux, Harti-GƓur? demanda cette fois le capitaine, mais sans changer de position. — Hardi-CƓur ! c’est bien mon nom de guerre aussi vais-je le justifier demain. — Eh pien ! grĂšve les beaux, due, Ă©vendre... et laisse-moi tranguille. — Mais, capitaine, c’est demain, dit-on, qu’ils .veulent exĂ©cuter le marĂ©chal Biron. — Qu’est-ce gue ça me fait, Ă  moi, don marĂ©chal Piron ? — HĂ© ! je sais bien que vous n’avez jamais servi ni sous son pĂšre, le grand marĂ©chal, ni sous lui. — Alors, gu’ils lui gubent la dĂȘte, ça m’ĂȘdre Ă©cal. — Mais ceux qu’ils nomment ses complices seront dĂ©ca- pitĂ©s avec lui, capitaine Gargantua. — Hein?... Ses gomblices! — Oui. Et cet officier, dont vous me parliez ce matin, que vous aimez tant, pour lequel, depuis un mois et demi, vous ne quittez pas cette taverne, le sera avec lui. — Der Teufel ! hurla Gargantua en se levant tout d’une piĂšce. Che ne le veux bas, moi. — Il en sera pourtant ainsi. Ne m'avez-vous pas dil qu’il avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© quelques jours aprĂšs Biron ? — la, ia, lieber Gott ! — Eh bien ! c’est qu’il en est, comme le comte d’Au- vergne, comme le baron de Lux qu’on a Ă©tĂ© saisir Ă  Dijon, ' Time le gentilhomme breton Montbarot, comme le baron Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 193 mt de Fontanelle, tous impliquĂ©s dans la conspiration.. . Votre officier sera dĂ©capitĂ© avec le marĂ©chal. — Donner ound Hagel! s’exclama Gargantua , en saisis- sant son Ă©norme Ă©pĂ©e Ă  deux mains. — A la bonne heure ! vous vous joindrez Ă  nous. — Avec mon schwert!... Mais bourguoi faire? demanda naĂŻvement le reĂźtre allemand, toujours prĂȘt Ă  un coup de main, mais Ă  la condition qu’on le dirigera et qu’il n’aura absolument qu’à jouer d’estoc et de taille, sans avoir be- soin de rĂ©flĂ©chir. — Pour dĂ©livrer les condamnĂ©s. — Quand? OĂč cela? - — Au moment de l’exĂ©cution, sur la place de GrĂšve. — Temain? Est-ce temain? — On dit que c’est demain ; mais ce n’est pas sĂ»r encore. Nous attendons prĂ©cisĂ©ment des renseignements. Dans tous les cas, tenez-vous prĂȘt, capitaine, et faites cause com- mune avec nous. — Sur la blace de CrĂšve ! Pon ! — Nous serons nombreux, du reste. — Oh! fit l’intrĂ©pide casse-cou, ch’emproche, che fends, che gasse... — Tous les gens de guerre prĂ©sents Ă  Paris en seront. — Ponne et honnĂȘde gombagnie ! — Mais nous avons aussi avec nous les Ă©coliers, bache- liers de la Sorbonne, clercs de la Basoche, mariniers et garçons de riviĂšre, gueux et mendiants.. . — Beuh ! ce n’est maille gui vaille. — Les vieux de la Ligue s'en mĂȘlent, et capucins, carmes, jacobins, Cordeliers y poussent. — Bouah ! la filaine moinerie! — C’est sur leurs efforts que nous comptons le plus pour ameuter le populaire, et nous profiterons de l’émotion, nous autres gens de guerre, pour tomber en phalange ser- Digitized by Google I9i L'ABBESSE DE MONTMARTRE rĂ©e sur les gardes de la prĂ©vĂŽtĂ© et autres, et pour dĂ©livrer les condamnĂ©s. — Ah ! ça faut mieux, ça. — Mais ce n’est pas tout. — Ah ! guoi engore ? — Les tronçons de la Ligue, poussĂ©s par les Ă©missaires des jĂ©suites, se renouent partout Ă  l’heure qu’il est... Ces moines que vous voyez ne sont lĂ  que pour cela. * — Les chĂ©suitcs! che n'en veux bas, moi. Che ne les aime bas che n’aime gue les dindons gu’ils nous ont ab- bordĂ©s. .. C’ĂȘdre drĂšs pon, le dindon! — Leur but est de faire d’une pierre deux coups . — Gombrends bas. — On veut profiter de la victoire sur la place de GrĂšve, pour se jeter sur le Louvre, Biron en tĂȘte, et s’emparer du roi. Nous comptons pour cela sur nos camarades, les reĂź- tres et les lansquenets de la garnison. — Oh ! oh ! fit Gargantua en ouvrant de grandes oreilles. Qu’est-ce gue ch’endends lĂ ? — VoilĂ  le plan. N’est-ce pas qu’il est bien conçu? — la, ia, drĂšs-pien, rĂ©pondit le capitaine en clignant de l’Ɠil du mieux qu’il put, pour se donner un air fin et entendu. Il voulait bien sauver Marcel, mais rien de plus. Or, dans son Ă©paisse cervelle, il lui Ă©tait venu, tout Ă  coup, une de ces rares idĂ©es dont nous avons vu un exemple dans la pri- son de Turin. Le reĂźtre serra la main Ă  son ancien capitaine et retourna auprĂšs du groupe des soudards et des moines. , — Diens ! diensl se dit Gargantua en se grattant l’oreille, che grois gue che bense Ă  guelgue chose... la, ia, ça beut lui faire avoir sa grĂące, Ă  mon bedit Marcel... Tame ! service bur service... la, ia, Cros-Michel ne va bas darder Ă  venir, che lui tirai ça. Il me gombrendra engore mieux gue che Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 195 me gombrends... Dut de mĂȘme, ch’ĂȘdre gondent de moi la, ia, pieu gondent, gomme guand ch’avrc bendu l’autre... Ah ! mein Gutt, ça ne m’arrive bas su vent. Gargantua achevait Ă  peine sa pensĂ©e, que deux nou- veaux personnages pĂ©nĂ©traient tout essoufflĂ©s dans la ta- verne. La nuit s’était faite, et une lampe fumeuse Ă©clairait seule la salle. C’était le lansquenet Ă  barbe fauve, Claude le Lorrain, et un religieux dominicain en robe blanche, avec le man- ‱ teau et le capuchon noir, qui venaient de faire leur entrĂ©e . A leur aspect, on s’écria — Voici des nouvelles ! — C’est pour demain, annonça le lansquenet. — Pour demain!... Auriez-vous Ă©tĂ© Ă  la Bastille avec le pĂšre ÉlysĂ©e? — Non, rĂ©pondit le pĂšre ElysĂ©e, le dominicain. ChargĂ© d’assister le marĂ©chal dans ses derniers moments, je n’ai pu moi-mĂȘme m’y introduire encore... Mais, comme je descendais la rue Saint-Antoine, j’ai rencontrĂ© le Lorrain, qui venait de la GrĂšve. — On y dresse l’échafaud, s’écria le lansquenet, et l’un des aides du bourrel, une connaissance Ă  moi, m’a dit que c’était pour demain Ă  midi. — En ce cas, pĂšre ThĂ©otime, dit Hardi-CƓur, le relire, au moine cĂ©lestin, quel est votre avis? — Je vais m’entendre avec mon frĂšre augustin. Les deux religieux eurent un entretien particulier de quelques minutes, au bout desquelles les instructions fu- rent donnĂ©es Ă  la fois aux autres moines et aux soldats. Puis, reĂźtres, lansquenets et frocards quittĂšrent la ta- verne, pour aller se rĂ©pandre, les uns parmi les groupes, les autres dans les quartiers populeux. Comme Claude le Lorrain dĂ©passait le seuil, il ne pu», s’empĂȘcher de faire un mouvement d’effroi. Digitized by Google 196 L’ABBESSE DE MONTHAUTRE Il venait d’apercevoir, aux rayons de la lune qui planait au-dessus du noir massif de la Bastille, l’homnie aux lourds coups de poing, autrement dit Gros-Michel, qui s’était rangĂ© devant la porte pour laisser passer le flot. — Qu’est-ce qu’il est venu faire ici, ce lansquenet ? se demanda Michel. Gargantua va me le dire. Celui-ci lui sauta au cou en l’apercevant. Tout autre que le pĂątre de l’Auvergne eĂ»t Ă©tĂ© renversĂ© du choc mais c’étaient deux colosses qui se valaient, on le sait. Le capitaine raconta Ă  son ami tout ce qu’il venait d’ap- prendre dans la taverne. De mĂȘme que le gros reĂźtre — car, malgrĂ© sa douleur, Gargantua n’avait pas jeĂ»nĂ©, et il avait repris depuis un mois et demĂ»tout son bel embonpoint — de mĂȘme que le gros reĂźtre, disons-nous, Michel comprit que la rĂ©vĂ©lation de ce nouveau complot au centre mĂȘme de Paris, pouvait ĂȘtre la planche de salut pour Marcel. Il rĂ©solut de retourner immĂ©diatement Ă  Montmartre, et de faire connaĂźtre Ă  l’abbesse ce que venait de lui appren- dre Gargantua. — Je ne m’étonne plus maintenant, dit-il, de la prĂ©sence du lansquenet en ces lieux. — Guel landsknecht ? demanda le capitaine. — Celui qui est sorti un des derniers, le mĂȘme que j’ai touchĂ© Ă  Turin. ' — Ah! pien tuchĂ©!... Diens! mais c’est vrai, il m’afoir semplĂ© aussi que che le gonnaissais... un boil fauve, n’est- ce pas? ^ — DĂ©cidĂ©ment, se dit Michel, cet homme est trop sou- vent sous nos pas, et Ă  la premiĂšre rencontre... Il entraĂźna Gargantua vers l’abbaye de Montmartre. * Depuis plus de six semaines, l’infortunĂ© Marcel gĂ©mis- sait dans un des tristes cabanons de la Bastille. EnfermĂ© dans une chambre aux murs Ă©pais, presque Digitized by Googl L’ABBESSE DE MONTMARTRE 197 sous les calottes d’une des tours, d’oĂč il ne voyait le ciel que par une Ă©troite fenĂȘtre donnant dans la cour, sans nou- velles du dehors, rĂ©duit Ă  une chĂ©tive nourriture que lui apportait un porte-clefs rĂ©barbatif, il devait se croire aban- donnĂ©. Pourtant, aucun des cƓurs qui l'aimaient ne l’avait oubliĂ© et n’avait cessĂ© de s’occuper de lui. Mais en vain Marie de Beauvilliers avait-elle Ă©crit au roi ses lettres lui avaient Ă©tĂ© renvoyĂ©es sans qu’on les eĂ»t ou- vertes. Inutilement aussi avait-elle fait demander une au- dience Henri avait refusĂ©. Le crime de Marcel paraissait trop manifeste aux yeux du souverain. Une circonstance pourtant avait, jusqu’à ce jour, tran- quillisĂ© l’abbesse. Le chevalier du Bosc, conseiller au Par- lement, lui assurait qu’aucune information n’était ouverte contre l’ofticier des gardes. Il est vrai que, dans certains cas, surtout quand il s’agis- sait du crime de haute trahison, et que le coupable n’avait point, comme Biron, une haute position dans le gouverne- ment, quelques jours suffisaient pour l’instruction et la condamnation. Et depuis le matin de ce jour dont nous venons de voir les derniĂšres lueurs s’éteindre au front de la sinistre forte- resse, oĂč tant de victimes avaient dĂ©jĂ  priĂ© la veille de leur supplice, le bruit avait couru, dans tout Paris, que l’exĂ©cu- tion de Biron et de ses complices devait avoir lieu le len- demain en place de GrĂšve !... On conçoit donc dans quelles mortelles transes devaient ĂȘtre Marie de Beauvilliers et tous ceux qui s’intĂ©ressaient si vivement Ă  Marcel. Le procĂšs de Biron avait du reste marchĂ© vers son fatal dĂ©noĂ»ment. L’instruction avait Ă©tĂ© entamĂ©e par une commission Ă  la tĂšte de laquelle Ă©tait le premier prĂ©sident Achille de Harlay. ii 13 Digitized by Google 198 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Biron protesta d’abord de son innocence, mais il fut frappĂ© de stupeur quand on lui reprĂ©senta les papiers livrĂ©s par T affin et au’il croyait brĂ»lĂ©s. Il Ă©clata en iniecĂŒvea contre Laffin, l'appelant soraer traĂźtre, assassin... et invoqua contre lui le tĂ©moignage de KenazĂ©, dont un avertissement ami lui avait fait connaĂźuc l’arrestation en Savoie. Mais soudain RenazĂ© paraĂźt Ă  son tour. Biron croit voir un fantĂŽme ; il demeure comme frappĂ© de la ioudre, et sans mot dire, entend sa dĂ©position, conforme Ă  celle de Laffin . B " e croit trahi par le duc de Savoie el le comte de FuentĂšs. RenazĂ© avait rĂ©ussi Ă  s’évader Ă  Turin, grĂące aux mtelli onces que frĂšre Gilles avait dans la prison sĂ©natoriale. Le crime Ă©tait constant, Biron ne pouvait plus mer . tout CS Alors 11 commença k s’humilier. Il adressa ou fit adresser par quelqu’un des siens au roi une requĂȘte pathĂ©tique, dans laquelle il demandait franchement la vie. Sa vieille mĂšre, la veuve du grand marĂ©chal de Biron, Ă©criv it Ă  Henri IV une lettre noble et touchante ; ses frĂšres et ses beaux-frĂšres accoururent se jeter aux pieds du roi. Il Ă©tait trop tard. Henri accueillit avec bontĂ© ces parents n fil iaĂ©s. mais leur dit fermement — Pour le bien de mon peuple et de mes enfants, je ne puis empĂȘcher le cours de la justice. * Les pairs de France, convoquĂ©s Ă  deux reprises, ne vin- rent pas prendre leurs places sur les bancs du P arleraent - C’était la cause des grands qu’on jugeait dans la peisonnc de Biron ils n’osaient absoudre et ne voulaient point frap- per l’accusĂ©. Tous s’excusĂšrent sous diffĂ©rents prĂ©textes. Le parlement alors donna dĂ©faut contre eux, et passa ° U La sentence fut pronocĂ©e Ă  T unanimitĂ© des cent cinquaute iu-ms, il n’y en eut pas un qui opinĂąt diffĂ©remment. Le soir mĂȘme oĂč avaient lieu les conciliabules Ă  la taverne Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 199 du bastion Saint-Antoine, le marĂ©chal, entendant le grand bruit qui se faisait dans la Tille, et yoyant, par les grilles de sa fenĂȘtre, le populaire s’agiter aux environs de la Bas- tille, s’écria — Je suis jugĂ© et je suis mort! » Le lendemain matin, une modeste litiĂšre, venant de la butte Montmartre, s’avançait vers le Louvre. Elle Ă©tait prĂ©cĂ©dĂ©e d’un officier de l’abbaye, et suivie du ‱ capitaine Gargantua et de Gros-Michel. Dans la cour du Louvre, on vit sortir l’abbesse Marie de Beauvilliers, qui demanda oĂč Ă©tait le roi. — A la chapelle, lui fut-il rĂ©pondu. — Tant mieux, ĂŽ mon Dieu! se dit-elle. La mansuĂ©tude du Seigneur passera en son Ăąme. Elle pĂ©nĂ©tra aussitĂŽt dans le sanctuaire. A sa vue, Henri IV tressaillit il ne pouvait refuser de l’entendre. Marie marcha droit au roi, qui assistait Ă  la messe der- riĂšre le jubĂ©. Avant de l’aborder, elle se prosterna devant le tabernacle et fit une courte priĂšre. — Sire, dit-elle ensuite au monarque, je viens jusque dans ce saint lieu dire deux choses Ă  mon roi. — Lesquelles? balbutia Henri. — Qu’il sauve Ă  la fois sa couronne et un innocent! Le roi savait bien de quel prĂ©tendu innocent il s'agissait, mais il ignorait que sa couronne fĂ»t en pĂ©ril. Aussi son es- prit, rempli encore des affaires du procĂšs et des idĂ©es de trahison, fut-il troublĂ©. — Expliquez-vous, madame! dit-il en faisant brusque- ment un pas vers la religieuse. — Daignez m’entendre en particulier. Le roi entraĂźna l’abbesse vers la sacristie, oĂč on les laissa seuls. Que se passa-t-il dans cet entretien, qui dura une demi- heure? Quel en fut le rĂ©sultat ? Digitized by Google 200 . L'ABBESSE DE MONTMARTRE On ne sait. Seulement on vit l’abbesse ressortir de la sacristie, ayant lesyeux encore rougis par les larmes qu’elle avait versĂ©es, et remonter dans sa litiĂšre, en ordonnant Ă  Michel et Ă  Gargantua de demeurer au Louvre. Quant au roi, il avait mandĂ© auprĂšs de lui Grillon et les principaux officiers de ses gardes. Dix minutes aprĂšs, les Ă©chos du Louvre rĂ©percutaient le bruit des tambours et le son des trompettes. Toute la maison militaire du roi, l’infanterie avec ses en- seignes, la cavalerie avec ses guidons, sauf les gardes de la Porte qui ne quittaient jamais la personne du souverain, s’assembla aussitĂŽt dans les cours. Les quatre compagnies des gardes du corps, la compagnie d’ordonnance et les chevau-lĂ©gers , qui avaient dĂ©finiti- vement remplacĂ© les anciens gentilshommes Ă  bec de corbin, les Cent-Suisses, les deux cents arbalĂ©triers, le rĂ©giment des gardes françaises, se formĂšrent en ligne. — Grillon! avait dit le roi, vous commanderez mes gar- des aujourd’hui. Le connĂ©table de' Montmorency Ă©tait trop ami de Biron... Ah ! l’on veut, par une sĂ©dition, empĂȘcher le cours de la justice et attenter mĂȘme Ă  ma couronne ! — Harnibieu ! Sire, nous disperserons ces truands, rĂ©- pondit Crillon. — Je l’espĂšre bien ainsi... Je viens d’envoyer des officiers aux quartiers des gens d’armes et des rĂ©giments de Picardie et Navarre. — Et les reĂźtres, les lansquenets, Sire ? — Ils seront consignĂ©s c’est sur eux que comptent ces aventuriers de guerre dont ĂŽn m’a parlĂ©... Mais hĂątez-vous, Crillon! je crains que les pistoliers et les compagnies suis- ses de Galati et de Baltazar, qui ont dĂ» occuper les abords de la Bastille au point du jour, n’aient dĂ©jĂ  le tumulte sur les bras. — Cornibieu 1 flous les dĂ©gagerons. Digitized by Google L’Ali B K SS K DE MONTMARTRE SOI BientĂŽt les gardes du roi sortirent du Louvre et se diri- gĂšrent vers la rue Saint-Antoine. D’AubignĂ© avait pris place Ă  cĂŽtĂ© de Crillon, en s’écriant — Par la Bible ! il doit y avoir de la Ligue et de la moi- naille lĂ -dessous. Quel plaisir de houspiller ces guisards et frocards ! — Jarnigoi ! monsieur d’AubignĂ©, vous avez toujours le vieux levain huguenot qui vous travaille. — Ne les avez-vous point en aversion comme moi, mon- sieur de Crillon? — En tant qu’ennemis du roi seulement. En mĂŽme temps que Crillon dirigeait ses troupes sur le quartier de la Bastille, des officiers galopaient vers leGrand- ChĂątelet et vers l’HĂŽtel-de-Ville. Le capitaine de Praslinen personne, avec un ordre Ă©crit, se rendait au greffe du Par- lement, sis au Palais. Nous ne tarderons pas Ă  savoir quelle Ă©tait la teneur de cet ordre du roi. Il Ă©tait temps que Crillon arrivĂąt sur le lieu du tumulte. DĂ©jĂ , en effet, dans toutes les rues aboutissant Ă  la GrĂšve, ainsi que dans la rue Saint-Antoine jusqu’à la Bastille, la foule, excitĂ©e par les meneurs que nous connaissons, s’a- gitait menaçante. De tous les points de la capitale, les Ă©lĂ©ments turbulents - de la sĂ©dition s’étaient assemblĂ©s sur la place, oĂč se dres- sait l’échafaud, entourĂ© seulement d’archers du guet et de la prĂ©vĂŽtĂ©. Et Ă  tout moment venaient s’échouer lĂ  d’autres flots de mutins. L’UniversitĂ© avait envoyĂ© de ses nombreux collĂšges des centaines d’étudiants munis de dagues. La Basoche avait expĂ©diĂ© les clercs de son miĂšvre et remuant royaume. Coupe-bourses, tire-laines, barbets, Ă©taient venus, dans le double but de gagner quelques sous parisis promis par les chefs du complot, et de voler au besoin dans la bagarre. Les diffĂ©rentes i cours des Miracles, celles du roi François, Sainte-Catherine, du marchĂ© Saint-HonorĂ©, de la rue des Digilized by Google m L’ABBESSE DE MONTMARTRE Tournelle», de la Grande et de la Petite-Truanderie, de la butte Saint- Roch, du faubourg Saint-Marcel,' avaient vomi leurs milliers de mendiants et faux Ă©clopĂ©s. Il y avait les malinqreux et les franc-mitoux , simulant des maladies ; les polissons et les millards, le bissac sur l’épaule et la bouteille au cĂŽtĂ©; les coquillards , en habits de pĂšlerin ; les narquois ou drilles, soldais qui demandaient l’aumĂŽne l’épĂ©e au cĂŽtĂ© ; les gens de la petite flambe, avec leurs ciseaux pour couper les bourses. Beaucoup Ă©taient armĂ©s de bĂątons ferrrĂ©s. De la grande cour des Miracles de la rue Neuve-Saint- Sauveur, la plus fameuse de toutes, la Cour'-fcenlrale, le Co'Ăšsre ou chef suprĂȘme, avec ses archi-suppĂŽts ou offi- ciers, Ă©tait sorti en personne pour diriger ses bande.». Dans la rue de la Tixeranderie, le CoĂšsre s’était un instant abouchĂ© avec le pĂšre ThĂ©otime, le moine cĂ©lestin, et il alla Ă©tablir son quartier gĂ©nĂ©ral Ă  la taverne du Pot d' Etain, situĂ©e prĂšs du charnier Saint-Jean, non loin de la rue Ke- naud-le-Favre. Dans la foule circulaient des moines et de vieux bourgeois enveloppĂ©s dans leurs capes, excitant sournoisement le peuple. — Ah ! s’écria un Ă©colier barbu de Cluny, au nez bour- geonnĂ© et au pourpoint rĂąpĂ© ; voilĂ  maĂźtre Jean Guille 1 Il dĂ©signait un bourgeois qui soufflait le feu, sans rien perdre de son air bĂ©at. — HĂ© ! oui, c’est moi, rĂ©pondit l’ancien quĂ©reur de par- dons. — Il y a longtemps que nous nous connaissons. — Cela date, je crois, de la grande procession de la Li- gue, mon petit BĂ©nĂ©dict ! — J’avais quinze ans alors, et j’arrivais du VendĂŽmois. — Il y a au moins douze ans de cela... Et vous ĂȘtes tou- jours sur les bancs de l’école? — En comptant bien les heures oĂč j’use mes chausses sur Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE >03 ceux de lfr taverne, il n’y a guĂšre que trois ans que j’étudie... Dame ! je ne suis pas comme ce basochien du ChĂątelet que voici, qui fut mon condisciple et qui depuis six ans a pris ses lettres de bĂ©jeaune... — Que me veux-tu, BĂ©nĂ©dict? demanda le clerc de la Basoche dĂ©signĂ©. — Je dis que tu es un bƓuf A' Abraham, un vrai Ăąne de Jialacm, bourrĂ© de latin et de grimoire... mais bon luron du reste... Et que viens-tu faire cĂ©ans, mon cher Leufroy? Es-tu aussi des nĂŽtres? — Henri III, le stupide tyranneau, a supprimĂ© par ja- lousie notre empereur de GalilĂ©e , parce qu’il marchait dans Paris entourĂ© de gardes... Nous voulons son rĂ©tablis- sement. On voit que la sĂ©dition, comme toujours, se composait d’élĂ©ments divers, et que le mĂ©contentement pour la sup- pression de certains privilĂšges se joignait Ă  la politique. Les gens de guerre se rĂ©unissaient peu Ă  peu autour de l’échafaud. Le mĂȘme moine cĂ©lestin qui avait dĂ©jĂ  parlĂ© au GoĂ«sre de la cour des Miracles, vint accoster Hardi-CƓur, le retire, et Claude le Lorrain, le lansquenet. — Avez-vous des nouvelles, pĂšre ThĂ©otime? demanda ce dernier. — Le dominicain vient de se diriger vers la Bastille pour confesser Biron... Êtes-vous tous rĂ©unis? — Personne ne manque, je pense... Et vous, mon rĂ©vĂ©- rend, avez-vous vu votre monde ? — Chacun est Ă  son poste... Tout ira bien. — Surtout, ajouta Hardi-CƓur, si l’échafaud n’est pro- tĂ©gĂ© que par ces archers. — Les pistoliers et les Suisses qui sont Ă  la Bastille es- corteront les condamnĂ©s. — Ceux-lĂ  ne rĂ©sisteront pas plus que les archers. Nous aussi, nous avons des pistolets. Digitized by Googli 204 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — C’est Ă©gal, fit Claude le Lorrain, cela m’inquiĂšte. — Que redoutez-vous? — Il est onze heures. L’exĂ©cution est annoncĂ©e pour midi, et le faible nombre de ces archers autour de l’échafaud me fait craindre... — Quoi ? — Qu’il n’y ait quelque contre-ordre fatal. Il n’achevait point, que plusieurs hommes, arrivant du quai sur la GrĂšve, se mirent Ă  chanter, sur le ton nasillard et larmoyant habituel, les couplets de la complainte sui- vante Le roi fut averti par un de ses gendarmes bis Donnez-vous bien degarde du marĂ©chal Biron, Il vous fraitdes affaires qui vous coĂ»teraient bon. Quelle entreprise a-t-il ?dis-le-moi, capitaine bis — Faire mourir la reine et Monsieur le Dauphin, Et de votre couronne il veut avoir la fin. Dessus ce propos-lĂ , voilĂ  Biron qui entre. Le chapeau Ă  la main, au roi fait rĂ©vĂ©rence Bonjour, aimable prince, vous plairait-il jouer Double milliou mille doublons d'Espagne que m'allez gagner? Il y avait ainsi une douzaine de couplets, plus biscornus le uns que les autres. — Il faut faire taire ces maudits chevroteurs, dit le moine avec colĂšre. DĂ©jĂ  quelques lansquenets s’éloignaient pour imposer si- lence aux chanteurs de complainte, lorqu’un huissier du Parlement, escortĂ© de hallebardiers, se montra tout Ă  coup sur les degrĂ©s de l’échafaud. DĂ©ployant un parchemin, il proclama Ă  haute et intelli- gible voix Voici l’arrĂȘt prononcĂ© par M. le chancelier, au nom du Parlement, qui dĂ©clare Charles de Gontaud, marĂ©chal de Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 205 Biron, ai teint et convaincu du crime de lĂšsc-majjslĂ©, pour conspirations contre la personne du roi, entreprises sur l’Etat et traitĂ©s avec les ennemis. En consĂ©quence, ledit Charles de Gontaud est condamnĂ© Ă  avoir la tĂȘte tranchĂ©e en place de GrĂšve; ses biens sont dĂ©clarĂ©s acquis et confisquĂ©s au roi, le duchĂ© de Biron Ă©teint; cette terre et autres, s’il^n avait qui relevassent du roi, rĂ©unies Ă  la couronne. » Des murmures avaient accueilli les premiers mots de cette proclamation, mais la voix de l’huissier les avait do- minĂ©s. Ce dernier reprit d’une voix encore plus forte De par le roi, en considĂ©ration des anciens services rendus au royaume par le coupable, et Sa MajestĂ©, vou- lant... » Quelques cris de joie Ă©clatĂšrent parmi les gens de guerre, qui crurent Ă  une commutation de peine ; mais leur espoir fut de courtĂ© durĂ©e, car l’huissier continua Et Sa MajestĂ©, voulant Ă©viter au condamnĂ© l’ignominie d’une exĂ©cution publique en place de GrĂšve, il est ordonnĂ© que le supplice aura lieu ce jourd’hni, midi sonnant, Ă  huis- clos, dans la cour de la Bastille. » Des vocifĂ©rations furieuses accueillirent ces derniĂšres paroles. La rage des aventuriers ne connut plus de bornes on leur ĂŽtait tout moyen le mettre Ă  exĂ©cution leur projet de dĂ©livrance. En un instant, hallebardiers et archers furent culbutĂ©s on escalada l’échafaud, on foula aux pieds l’huissier, et le rĂŽle contenant l’arrĂȘt du Parlement fut dĂ©chirĂ© en mille morceaux. Puis un cri, que bientĂŽt rĂ©pĂ©tĂšrent en une immense cla- meur des milliers de voix, retentit sur la GrĂšve — A la Bastille 1 La foule se prĂ©cipita vers la rue Saint-Antoine, les sou- V Digitized by Google 2i L'ABBESSE DE MONTMARTRE dards brandissant leurs glaives, les Ă©coliers leurs dagues, les truands leurs bĂątons et coutelas. Ce fut en ce moment mĂȘme que Crillon apparut avec les fidĂšles gardes du roi, vieux soldats pour la plupart, et aguerris par les campagnes du BĂ©arnais. — Harnibieu ! s’écria-t-il en s’élançant le premier et en distribuant des horions. — Je vous le disais bien, fit observer d’AubignĂ©, il y a de la Ligue sous jeu... Voyez ! Il montrait les moines dans la multitude. Mais dĂ©jĂ  ceux-ci, de mĂȘme que les bourgeois meneurs, Jean Guilie en tĂȘte, s’esquivaient prudemment par les rues voisines. Le populaire qui n’était point du complot se sauvait Ă©ga- lement, et les truands du CoĂ«sre , en suivant les flots par les ruelles, eurent beau jeu avec leurs ciseaux et leurs doigts agiles. Les gens de guerre voulurent tenir tĂȘte, mais furent bientĂŽt dispersĂ©s Ă  leur tour par les gardes du roi. Sur quelques points on essaya de tendre les chaĂźnes aux angles des rues. C’étaient des troupes de meschins ou jeu- nes garçons, qui faisaient des leurs en rĂ©sistant des der- niers, comme toujours. Celle population imberbe de Paris, insoucieuse du danger, n’agissait, suivant son habitude, qu’en simple amateur ; mais elle Ă©tait poussĂ©e par quelques grisons qui voulaient renouveler les scĂšnes de la fameus eJournĂ©e des Barricades, sous Henri III. Elle jouait alors, dans toute Ă©motion populaire, le mĂȘme rĂŽle actif et bruyant dont la tradition s’est conservĂ©e jusqu’à nos jours. On tira les oreilles Ă  quelques-uns de ces petits mutins, on fouetta les autres, et bientĂŽt le quartier, redevenu tran- quille, fut occupĂ© militairement jusqu’à la Bastille. I Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE i07 Mais il est temps de nous transporter Ă  la sombre for- teresse, oĂč Marcel est dans des angoisses mortelles. Midi va sonner Ă  l’horloge du donjon, et l’infortunĂ© jeune homme, le visage collĂ© aux barreaux de sa fenĂȘtre qui plonge dans la cour, a vu tous les lugubres apprĂȘts du supplice. Un Ă©chafaud avait Ă©tĂ© dressĂ© promptement dans cette cour, par une vingtaine d’ouvriers. Des crampons de fer qu’on voyait encore en 1789 servirent Ă  le maintenir con- tre la muraille. Trois maĂźtres des requĂȘtes, avec M. le chancelier de Sil- lery, vĂȘtu d’une robe de satin Ă  grandes manches, » pas- sĂšrent alors devant les sinistres trĂ©teaux, suivis d’huissier; et d’un homme habillĂ© de rouge... Quelques instants aprĂšs, tout ce monde revint avec le marĂ©chal, qu’on menait Ă  la chapelle. A la vue de l’échafaud, Biron tressaillit, et Marcel l’en- tendit s’écrier avec emportement — Quelle injustice ! faire mourir un homme innocent! M. le chancelier, m’aĂźlez-vous vraiment faire exĂ©cuter ?... Je suis innocent de ce dont on m’accuse. » Dans un coin de la cour, une femme pleurait. C’était l’épouse du sieur de Ramigny, concierge de la Bastille. — Il se dit innocent, murmura Marcel, et espĂšre encore... Et moi, qui ai rendu un si grand service au roi, je suis Ă©galement ici... Pourquoi? Je l’ignore... Oh 1 cet Ă©chafaud... ce bourreau... quelle horrible chose ! Il sentit un frisson de terreur parcourir tout son corps et le glacer jusqu’à la moelle des os. — Si je devais mourir ainsi... demain... aujourd’hui... tout Ă  l'heure peut-ĂȘtre !... Le porte-clefs, en m’apportant Ă  dĂźner tanlĂŽt avait un air encore plus sinistre que d’habi- tude, et quand je lui ai demandĂ© Ă  quelle heure serait l’exĂ©- cution, il m’a rĂ©pondu avec un singulier sourire Vous le saurez toujours assez tĂŽt ! » Digitized by Google 208 L'ABBESSE DE MONTMARTRE Marcel rĂ©flĂ©chit un moment. Puis, la pupille dilatĂ©e pa r l’horreur, il s’écria — Mais, en effet, hier soir, ces cris de la place qui mon- taient jusqu’à ma fenĂȘtre!... Biron et ses complices, » disait-on. Et j’ai Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© quelques jours aprĂšs lui... Moi, son complice !...» Il se mit Ă  creuser plus profondĂ©ment dans son esprit l’effrayante pensĂ©e qui venait d’y surgir. — Je me souviens maintenant de ces autres paroles du gardien il y a quelques jours Le baron de Fontanelle est aussi condamnĂ© Ă  mort, ainsi que d’autres complices . » Pourquoi me disait-il cela? A Milan, j’ai vu le baron au palais Sforza, Ă  notre retour de la poursuite du pĂšre CĂ©- sario ; et le comte de FuentĂšs me dit Vous ĂȘtes homme d’honneur, vous ne compromettrez point le baron, parce qu’il est mon hĂŽte!... » C’est peut- ĂȘtre le baron prĂ©cisĂ©ment qui m’a compromis, en dĂ©non- çant ma prĂ©sence au palais Sforza... Oui, c’est cela. On me croit complice. Il se mit Ă  arpenter sa chambre Ă  grands pas. — Mais on ne peut m’avoir condamnĂ© sans m’entendre, reprit-il en frappant du pied... A plus forte raison que le marĂ©chal, je puis m’écrier Je suis innocent!... » Que d’exemples pourtant de condamnations pareilles, suivies d’un prompt supplice 1 Nul doute cet Ă©chafaud est pour moi, comme pour Biron et les autres... Mon Dieu! mon Dieu ! ayez pitiĂ© de moi ! En ce moment, le bruit d’une voix, lisant hautement, monta de la cour jusqu’à Marcel. Il courut Ă  la fenĂȘtre, et Ă  travers les barreaux regarda. Au pied de l’échafaud, entourĂ© par des archers et des gardes, un greffier lisait l’arrĂȘt de mort, et Biron, le ge- nou droit en terrre, le chapeau Ă  la main, Ă©coutait ; mais, atout moment, le marĂ©chal s’écriait en serrant le poing- — C’est faux ! Otez cela ! Digitiz'ed by Google 1/ ABBES SE DE MONTMARTRE 209 Le chancelier de Sillery le calmait et l’exhortait Ă  .se soumettre. Riais, lui, continuait Ă  interrompre et ajoutait des invec- tives Ă  l’adresse de Laffin. La lecture de l’arrĂȘt finie, le marĂ©chal se tourna mĂȘme brusquement vers le lieutenant civil, pour lui dire — Monsieur, vous avez de trĂšs-mĂ©chants hĂŽtes. Si vous n’y prenez garde, ils vous perdront. » Il entendait parler de Laffin et du vidame de Chartres son neveu, qui l’avait chargĂ© aussi tous deux Ă©taient lo- gĂ©s chez le lieutenant civil. On lui dit enfin que le moment Ă©tait venu. Biron jeta son chapeau, se mit Ă  genoux et pria un in- stant, assistĂ© du dominicain, son confesseur. Puis, vĂȘtu d’un habit de taffetas gris, il monta, sans s’étonner, sur l’échafaud. AprĂšs avoir dĂ©pouillĂ© son pourpoint, car sur sa priĂšre on ne lui avait point liĂ© les mains jusque-lĂ , il cria aux soldats qui gardaient la porte — Ah ! que je voudrais bien que quelqu’un de vous me donnĂąt une mousquetade au travers du corps ! HĂ©las ! quelle pitiĂ© ! la misĂ©ricorde est morte ! Il voulut s’opposer Ă  ce qu’on lui lĂ»t une seconde fois l’arrĂȘt sur l’échafaud, comme le voulait la loi. — le l’ai ouĂŻ, » dit-il. — Monsieur, il le faut ! » rĂ©pliqua le greffier. — Lis ! lis ! » Quand le marĂ©chal entendit Pour avoir attentĂ© Ă  la vie du roi, il s’émut comme la premiĂšre fois et s’écria encore — Messieurs, cela est faux ĂŽtez cela ! je n’y songeai jamais. » Le greffier lui dit — Ce sont vos confessions. — Boute ! boute l je suis pour moi, » rĂ©pliqua Biron. Lui- mĂȘme se banda les yeux, et il se mit Ă  genoux. Puis, Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE .MO tout Ă  coup, retirant son mouchoir, il jeta un regard sur le bourreau. On sait que Biron avait l’Ɠil habituellement sinistre. Mais il paraĂźt qu’en ce moment son regard eut un Ă©clat tellement terrible, que chacun crut qu'il allait s'Ă©lancer sur l’épĂ©e de l’exĂ©cuteur. Il n’en fut rien pourtant. On lui dit alors qu’il fallait qu’il se laissĂąt couper les cheveux et lier les mains. Il jura et cria d’une voix tonnante — Que l’on ne m’approche pas, je ne saurais l’endurer; et si l’on me met en fougue, j’étranglerai la moitiĂ© de ce qui est ici. » t Sur laquelle parole, raconte le chroniqueur auquel nous avons empruntĂ© textuellement tout ce que dit le marĂ©ehal Biron en ce moment suprĂȘme, il se vit tel qui portait Ă©pĂ©e Ă  son cĂŽtĂ©, qui regardait Ă  la montĂ©e, prĂȘt Ă  se sauver de frayeur. » L’accent avec lequel le marĂ©chal avait prononcĂ© ces mots glaça le cƓurde Marcel, tĂ©moin muet de cette terrible scĂšne. Enfin le condamnĂ© appela M. Baranton qui l’avait gardĂ© durant sa captivitĂ©, lequel monta sur l’échafaud, lui banda les yeux et troussa ses cheveux. Puis Biron cria au bourreau — DĂ©pĂȘche! dĂ©pĂȘche! » — Monsieur, lui dit l’exĂ©cuteur pour distraire son at- tention, il faut dire votre In manus. En mĂȘme temps il faisait signe Ă  son valet de lui bailler l’épĂ©e. Une seconde aprĂšs, la tĂȘte de Biron volait sous le glaive. On remarqua, rapportent tous les chroniqueurs du temps, qu’elle bondit par trois fois, poussĂ©e par l’impĂ©tuositĂ© des esprits qui s’y Ă©taient transportĂ©s, » et qu’il en sortit plus de sang que du tronc. A sa fenĂȘtre, Marcel avait poussĂ© un cri d’horreur. Puis, Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE * 211 se prĂ©cipitant au pied de son lit, il s’y cacha la tĂȘte et pria... Au mĂŽme instant, les verroux de sa chambre furent tirĂ©s avec fracas, la porte grinça sur scs gonds, et la grosse voix du porte-clefs cria — Le numĂ©ro 21 !... Allons, debout ! Le numĂ©ro 21 , c’était Marcel.... XI Prise k son propre piĂšge. Une fois dans la Batille, on n’avait plus de nom on de- venait un numĂ©ro, celui de son cabanon. Et il y en avait, de ces lugubres cabanons, dans le don- jon formidable, fondĂ© par Philippe-Auguste et agrandi pa>' Charles V ! Ses huit tours, comme ses courtines, en Ă©taient pleines du haut en bas. En bas les cachots infects qui s’enfonçaient de dix-neuf pieds sousierre. En haut les calottes , Ă©touffantes l’étĂ©, glaciales l’hiver. Et des prisonniers y passĂšrent leur vie ! A la voix du gardien, Marcel avait tressailli. — Mon heure est venue, pensa-t-il. Seigneur ! je vous re- commande mon &me. Tout Ă  coup une autre voix, non moins formidable, mais joyeuse dans son expression, s’écria — Ah I der Teufel! c’est moi, mon bedit Marcel. — Gargantua ! fit le jeune homme en se prĂ©cipitant dans ses bras. Digitized by Google 212 L'ABBESSE DE MONTMARTRE — la, ia... Mais sauvons-nus pieu Vite t’ici... Ah ! la vilaine burg ! — Nous sauver! — la , ia... Ortre du roi! N’est-ce bas, mossiĂ© le borte- glĂ©s? Pour toute rĂ©ponse, ce dernier montrait la porte ouverte- — Libre !... libre ! disait Marcel, encore tout pĂąle. — la, ia, et gurons au Louvre, oĂč le roi vus addend. — C’est donc bien vrai ?... Cet Ă©chafaud... ce bourreau... ce n’est pas pour moi ? — la, ia, ch’avre pien vu en bassant, mais che n’avre blus beur mĂȘme l’une bodence. . . Venez ! sordons brestissimo, comme tisait l’audre Ă  Durin. Et il entraĂźna Marcel. Au moment oĂč il passait devant l’échafaud, le jeune homme frissonna en voyant une mare de sang et une masse informe, recouverte d’un drap blanc et noir. Michel, qui n’avait pu pĂ©nĂ©trer dans la Bastille, attendait devant le pont-levis. Comme le capitaine, il pressa le jeune homme contre son cƓur. On courut au Louvre. Marcel se rencontra au pied du grand degrĂ©, avec Henri IV qui allait le gravir. Le roi venait de faire une tournĂ©e dans la ville, aux acclamations du peuple. Le monarque ouvrit les bras Ă  son officier, en pleurant et en lui demandant pardon. — Sire ! j’étais innocent, dit ce dernier. — Tais-toi, mon fils, je sais tout. Madame Marie m’a contĂ© ce que tu faisais au palais Sforza... Viens, viens! tu vas souper avec moi. Comme ils montaient ensemble l’escalier, une dame en merveilleuse toilette se monlra dans le haut pour le des- cendre. En apercevant l’officier des gardes, elle devint pĂąle et faillit tomber dans les bras de sa suivante. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE Ă l3 C’élait Henriette d’Entragucs, qui venait Ă  la rencontre du roi. Elle ne l’avait pas vu de la journĂ©e. Henri lança Ă  la favorite un regard fulminant, et sans lui adresser la parole directement — Cette dame est malade, dit-il avec une froideur glaciale. Qu’on la reconduise Ă  son hĂŽtel ! C'Ă©tait un coup de foudre. La marquise comprit dĂšs lors que son rĂšgne Ă©tait fini. Mais, dans sa chute, elle brava encore les regards des courtisans, et se tournant vers un page, elle lui dit d’une voix ferme — Qu’on fasse avancer ma litiĂšre ! La tĂȘte haute, la mine altiĂšre, l’Ɠil menaçant, elle des- cendit les degrĂ©s comme si elle Ă©tait toujours la seconde reine. — Reine je serai, malgrĂ© tout, murmura-t-elle en mon- tant dans sa litiĂšre; car mon fils sera couronnĂ© avant peu, je le jure. Ah ! je me vengerai d’eux tous! Elle se fit conduire Ă  l’hĂŽtel qu’elle avait tout prĂšs du Louvre, dans la rue Froidmantel. Le soir venu, le corps de Biron fut enterrĂ© dans l’église Saint-Paul, au milieu de la nef, devant la chaire, avec une grande affluence de peuple, qui accourut de toutes parts Ă  ses obsĂšques. Les jours suivants, le baron de Fontanelle fut rompu vif en place de GrĂšve, et plusieurs de ses gens, impliquĂ©s comme lui dans la conspiration, pĂ©rirent au gibet. Henri IV pardonna au comte d’Auvergne, tant parce qu’il Ă©tait fils de Charles IX, que comme frĂšre de la marquise de Verneuil. Le baron de Lux reçut Ă©galement sa grĂące, ainsi que Montbarot. On voit que Henri IV, aprĂšs avoir dĂ©ployĂ© une rigueur jugĂ©e nĂ©cessaire par tous les hommes d’Élat qui l’entouraient, sut laisser parler la clĂ©mence et la bontĂ© de son éƓur. Il Ă©tait prudent, du reste, et il supprima une partie des Digitized by Google L’ABBESSE 1»E .MONTMARTRE 1>U papiers livrĂ©s par Laffin, pour n’ĂȘire pas obligĂ© d’étendre trop loin ses poursuites. Le duc d’Épernon se justifia assez plausiblement, et le roi s’en contenta. Ce fut lĂ  la derniĂšre tentative sĂ©rieuse de ces grands sei- gneurs, qui, pour avoir aidĂ© Ă  faire le roi, se croyaient de force Ă  le dĂ©faire. Ce que l’on essaya encore, comme on va le voir bientĂŽt, n’cutpas la mĂȘme gravitĂ© que la conspiration de Biron et surtout ne put ĂȘtre mĂ»ri aussi Ă  point pour me- nacer rĂ©ellement l’Etat. Outre les d’Ënlragues, dont Henriette Ă©tait l’ñme et dont l’ambition rĂȘva toujours de hautes destinĂ©es, il restait en- core le duc de Bouillon. Ce dernier, loin de se rendre Ă  l’appel du roi comme Biron, s’était obstinĂ© Ă  rester dans ses domaines du Midi, oĂč il se sentait fort. Nous ne tarderons pas Ă  savoir quelles furent les nou- velles menĂ©es de ces gens-lĂ . L’annĂ©e s’écoula, pour Henri IV, dans un calme politique relatif, mais non sans deux nouvelles tentatives contre sa personne. AprĂšs un nommĂ© Julien GuĂ©don, qui songea Ă  l’empoi- sonner, vinrent un prĂȘtre et un gentilhomme de Bordeaux, qui complotĂšrent de le tuer Ă  coups d’arbalĂšte. Il y avait eu une douzaine d’attentats contre la personne du roi. 11 en Ă©tait las. Or, comme il attribuait ces crimes aux passions religieuses, et qu’ii voulait se prĂ©parer tranquillement Ă  la rĂ©alisation de ces grands projets qu’ii mĂ©ditait depuis si longtemps, il finit par ouvrir l'oreille aux conseils de son ex-cuisinier la Varenne. Il espĂ©rait, en laissant rentrer les jĂ©suites en France, que les fureurs du fanatisme se calmeraient. De deux choses l’une, disait-il Ă  Rosny, son ministre ou il faut les rĂ©tablir simplement, restituer leur rĂ©putation flĂ©trie, et mettre Ă  l’épreuve la sincĂ©ritĂ© de leurs belles pro- messes ; ou bien, il faut les rejeter entiĂšrement, accroĂźtre Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 215 contre eux toutes les rigueurs, afin qu’ils n’approchent ja- mais de mes Etats ni de ma personne. Dans ce dernier cas, je les rĂ©duis au dĂ©sespoir ; et ne pourront-ils pas, dans cet Ă©tat de dĂ©sespoir, attenter Ă  ma vie? Ce qui me la rendrait si misĂ©rable et langoureuse, demeurant toujours ainsi dans les dĂ©fiances d’ĂȘtre empoi- sonnĂ© ou bien assassinĂ© car ces gens ont des intelligences et correspondances partout, et grande dextĂ©ritĂ© Ă  disposer l*s esprits selon ce qui leur plail, qu’il me vaudrait mieux, ĂȘtre dĂ©jĂ  mort. Je suis de l’opinion de CĂ©sar, que la mort la plus douce est la moins prĂ©vue et attendue. » RoĂŻny eut beau faire valoir, contre l’opinion de Henri IV, plusieurs raisons trĂšs-solides; celui-ci, par l’entremise de la Varenne, s’aboucha avec le pĂšre Majus et le pĂšre Cotton, esprit souple et retors s’il en fut. Sur ees entrefaites, vers PĂąques de l’annĂ©e suivante, deux gentilshommes, les frĂšres Sobolle, qui commandaient dans la citadelle de Metz, ayant donnĂ© lieu Ă  de trĂšs-graves plaintes, le roi dut se mettre en voyage pour cette ville, avec une partie de sa maison militaire. La veille de son dĂ©part, un nouveau message lui parvint de la reine Marguerite. Ce fut monsieur d’Aubiac, l’ancien page, qui le lui apporta. — Ventre-saint-gris ! dit le BĂ©arnais en apercevant le messager, est-cĂ© de politique ou d’amourettes que votre dame va m’entretenir? — Sire 1 rĂ©pondit le favori de Margot, ma dame est libre ; Votre MajestĂ© y a pourvu. — HĂ© 1 je le sais bien, et elle en use, de sa libertĂ©. Tu- dieu! ce sont aventures sur aventures dont la chronique m’arrive d’Usson. — Cette fois, Sire, il s’agit de politique. Dame Margue- rite vous est reconnaissante de lui avoir conservĂ© son titre Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 216 de reine, et la prospĂ©ritĂ© de Votre MajestĂ© lui sera toujours prĂ©cieuse. Son unique dĂ©sir serait d’ĂȘtre plus prĂšs de son roi. — Oui-dĂ . Eli bien ! nous allons voir, et si son avis vaut celui qu’elle me donna sur l’affaire de Biron, nous y avise- rons sĂ©rieusement. Sur quoi Henri lut la missive. ‱ Il bondit aprĂšs en avoir pris connaissance. ' La reine Marguerite lui apprenait une nouvelle trame, et cette fois les d’Entragues, Henriette en tĂȘte, manƓuvraient avec l’Espagne. Depuis qu’il avait obtenu sa grĂące, le comte d’Auvmrgne Ă©tait Ă  Clermont, dans son comtĂ© dont il jouissait en fbrtu de la donation que lui en avait faite Henri SU. Or, comme il s’ennuyait au fond de sa retraite, il y buvait pour se distraire. Il arriva que, dans un de ses moments de dĂ©bauche, il frappa un gentilhomme voisin, dont il avait fait Ă  la fois son compagnon de plaisir et son confident. Furieux, celui-ci alla dĂ©voiler Ă  la reine Marguerite ce que le comte lui avait confiĂ© sur les desseins de la famille d’Entragues. Henriette, avec ses enfants, Ă©tait Ă  la veille de se rendre sur les terres d’Espagne, pour se jeter dans les bras de Phi- lippe III. Le plan conçu avec l’Espagnol consistait tout sim- plement Ă  faire reconnaĂźtre, pour Dauphin de France, le fils de la marquise. AussitĂŽt le roi donna ses ordres pour l’arrestation du comte d’Auvergne, ainsi que de M. d’Entragues, pĂšre de Henriette et gouverneur d’OrlĂ©ans. Quant Ă  la marquise, il songea Ă  Marcel. C’était le meilleur gardien qu’il pĂ»t trouver, l’officier ne pouvant ĂȘtre que l’ennemi dĂ©clarĂ© de Henriette. Justement, Marcel revenait du logis du chevalier du Bosc, Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 21 ? auquel il avait fait ses adieux pour partir le lendemain avec le roi. . On pense bien que, dans ces adieux, se mĂȘlĂšrent, de part et d’autre, maint soupir Ă  l’adresse de l’infortunĂ©e Alice, dont on n’avait pu avoir la moindre nouvelle. Le comte de FuentĂšs avait Ă©crit qu’il n’avait pu dĂ©couvrir aucune trace de sa fille en Allemagne, peignant sa dĂ©solation avec tous le transports de son Ăąme castillane. Le roi enjoignit Ă  son officier de se transporter avec des gardes Ă  l’iiĂŽtel de la marquise de Verneuil, et de l’y tenir prisonniĂšre jusqu’à son retour. Quelque rĂ©pugnance qu’eĂ»t Marcel Ă  se charger d’une pa- reille mission, il dut l’accepter. Nous en connaĂźtrons bientĂŽt les consĂ©quences.... Le lendemain, le roi partit pour Metz. Henri IV Ă©tait du reste bien aise que Marcel ne le suivĂźt point dans cette ville. La Varenne l’avait prĂ©venu qu’une dĂ©- putation de la Compagnie de JĂ©sus devait venir l’y trouver, pour y plaider 3 — Mais c’est impossible ! s’écria-t-elle enfin en frappant du pied. Ce baiser n’a pu produire un pareil effet. Henriette se mit alors Ă  marcher Ă  grands pas, murmu- rant des paroles entrecoupĂ©es. Puis elle se secoua, comme pour se dĂ©barrasser d’une gĂȘne importune... Rien n’y fit. De nouveau elle agita la sonnette. — Un bain ! commanda-t-elle. Qu’on m’apprĂȘte l’étuve! La camĂ©riĂšre alla prĂ©parer le bain. — Oui, c’est cela, murmura la marquise. Cela me cal- mera. Mais en vain demeura-t-elle plongĂ©e une heure entiĂšre dans une eau qu’elle refroidissait de plus en plus. Un feu dĂ©vo- rant circulait dans ses veines. AprĂšs cette balnĂ©ation rĂ©fri- gĂ©rante, sa peau Ă©tait ardente comme avant. Elle se sentait aux flancs la robe de DĂ©janire.... Le baiser de Marcel brĂ»lait encore sa main! Elle put Ă  peine souper, et passa une nuit sans sommeil. Son sang Ă©tait en Ă©bullition. Le lendemain, elle pria Marcel de passer chez elle, l’en- tretint de choses et d’autres, ayant constamment les yeux attachĂ©s sur lui. Mais, quand elle ne parlait pas au fiancĂ© d’Alice de celle qu’il pleurait, les rĂ©ponses et l’attitude du jeune homme Ă©taient distraites. Elle n’osait plus maintenant essayer sur lui la sĂ©duction, telle qu’elle l’avait employĂ©e rue du Petit-Musc. Froidement, elle ne pouvait plus le faire, et elle compre- nait que, si elle osait se livrer vis-Ă -vis de lui Ă  l’ardente impulsion de sa passion, il la quitterait immĂ©diatement, pour ne plus remettre le pied dans son appariement. Et Henriette avait besoin de sa prĂ©sence. Cette prĂ©sence excitait encore son impressionnable nature ; mais elle ne pouvait s’en passer. Pour le retenir, mĂȘme Ă  dĂ©jeuner et Ă  dĂźner, elle ne ces- sait plus de lui parler d’Alice. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 2Ăźt Les jours se passĂšrent ainsi pour Henriette, dans un Ă©tat de fiĂšvre continuelle. Ce qu’elle Ă©prouvait, elle ne le comprenait point. Elle n’avait jamais aimĂ© le roi. L’ambition seule lui avait fait simuler l’amour, et ce qui l’avait surtout lancĂ©e dans la nouvelle conspiration, c’était le ressentiment profond qu'elle avait constamment nourri au fond de son Ăąme contre Henri IV, qui avait manquĂ© Ă  sa promesse de mariage et fait Ă©vanouir ainsi ses rĂȘves d’orgueil. A cela s’était joint le dĂ©sir indĂ©racinable, dans ce coeur avide d’honneurs, de s’asseoir sur les marches du trĂŽne Ă  quelque titre que ce fĂ»t. Toutefois, chez celte femme aux passions violentes, l’am- l.'ilion ne devait point exclure d’antres sentiments Ă  une heure donnĂ©e. Et cette heure Ă©tait venue ! Mais chez Henriette d’Entragues, ces sentiments tumul- tueux Ă©taient plutĂŽt affaire de tempĂ©rament, que besoin d’aimer. Dans ses affections, les sens devaient ĂȘtre pour plus que la tendresse du cƓur, le mysticisme de l’ñme. Ce qu’elle endurait chaque soir, aprĂšs le dĂ©part de Mar- cel, Ă©tait atroce. Sa passion approchait de dĂ©lire. Elle souffrait d’autant plus, qu’elle avait dĂ» faire, dans la journĂ©e, des efforts sur- humains pour ne rien laisser paraĂźtre d’une flamme qui eĂ»t Ă©tĂ© le signal de l’éloignement du jeune homme. Quel tourment pour elle, de se voir obligĂ©e de parler d’une rivale dĂ©testĂ©e, unique moyen d’endormir la dĂ©fiance de Marcel, et de la laisser jouir de sa prĂ©sence! Au bout de quinze jours de cet enfer et de ces luttes Ă©ner- vantes, la marquise fut Ă  bout de ses forces. Elle s’était enfin prise k ses propres piĂšges.... En effet, ses relations avec l’officier des gardes dataient du jour oĂč, sans le moindre amour, mais uniquement pour Digitized by Google l/ABRESSK DE MONTMAUTKE 3*5 arriver jusqu’au roi, elle l’avait attirĂ© dans son rĂ©duit de plaisance au fond du jardin de la rue du Petit-Musc. Dcsrapportsintimes s’étaient Ă©tablis entre son esprit et celui du jeune homme, du moment oĂč elle avait cherchĂ©, par arti- fice, Ă  exercer sur lui l’empire de ses charmes, dans un but d'ambition. Le dĂ©pit de n’avoir pu en faire l’instrument dĂ©sirĂ©, avait fait naĂźtre de la haine. Mais cette haine mĂȘme, dont Hen- riette d’Entragues avait si longtemps harcelĂ© l’officier du roi, en concentrant tous les efforts de son esprit rancunier sur le jeune homme, et en lui montrant continuellement son image, avait prĂ©disposĂ© la marquise Ă  ce revirement subit, Ă  cette fermentation contraire, assez communs chez les or- ganisations adustes et nerveuses comme la sienne. Le baiser de Marcel, quoique de pure reconnaissance, n’avait fait, par son fluide magnĂ©tique, que dĂ©terminer chez Henriette la rĂ©volution subite. L’étincelle avait allumĂ© l’in- cendie tout prĂ©parĂ©. Et maintenant l’artificieuse marquise se mourait d’amour ! — CoĂ»te que coĂ»te, se dit-elle, un soir qu’épuisĂ©e par toute une journĂ©e de fatigante retenue et d’ignition concen- trĂ©e, elle se roulait sur sa couche ; coĂ»te que coĂ»te, demain je lui confesserai tout, et peut-ĂȘtre le calme rentrera-il dans mon cƓur. Le lendemain matin, comme elle allait, selon l’habitude, faire prier Marcel de monter Ă  son appartement, on lui ap- porta une lettre sans adresse. C’était un biilet d’un des affidĂ©s de la famille, prĂ©venant la marquise, sans la nommer toutefois, de la prochaine exĂ©- cution d’un des points essentiels du complot avec l’Espagne. La missive Ă©tait conçue en ces termes Dans quinze jours je serai Ă  Marseille. Une escadre es- pagnole se tiendra au large. C’est entendu avec le secrĂ©taire de l’ambassadeur de Philippe III, Ă  Paris, que je dois re- voir dans l’aprĂšs-midi, avant de quitter la capitale. n tt. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE ->2 1 envers Henriette d’Entragues; que les apparences seules la condamnaient; si elle lui avait voulu sĂ©rieusement quelque mal, c’était par dĂ©pit d’avoir Ă©tĂ© dĂ©daignĂ©e. Un homme excuse et pardonne aisĂ©ment les persĂ©cutions qu’une femme a pu exercer contre lui par amour mĂ©connu ou jalousie. Nous avons tous une certaine dose d’amour-pro- pre, et l’acharnement mĂȘme que met une dĂ©laissĂ©e Ă  nous poursuivre de ses intrigues mĂ©chantes, en nous montrant le degrĂ© de sa passion, nous flatte Ă©trangement. Quand les domestiques se furent retirĂ©s, la marquise alla, suivant sa coutume, s’asseoir sur son lit de repos ; mai>, au lieu de se dominer comme les autres fois, pour prendre un air souriant et adresser la parole au jeune homme, elle se couvrit le visage de ses deux mains et plongea sa tĂȘte brune dans les coussins. — Qu’avez-vous, madame ? demanda Marcel avec intĂ©- rĂȘt. Seriez-vous indisposĂ©e ? Point de rĂ©ponse ; mais l’officier voyait le sein de la mar- quise se soulever tumultueusement et imprimer Ă  l’édredon ses propres mouvements dĂ©sordonnĂ©s. — De grĂące, rĂ©pondez! rĂ©pondez, continua lejeunehomme, assez inquiet de cette agitation qui Ă©tait loin de ressembler au calme de leurs entretiens prĂ©cĂ©dents, dont l’esprit en- jouĂ© de Henriette modifiait heureusement le caractĂšre trop mĂ©lancolique. Que se passe-t-il en vous? — Ce qui se passe en moi ! s’écria Henriette en se re- dressant tout Ă  coup, le visage enflammĂ© et baignĂ© de pleurs. Ce que j’ai ! Vous me le demandez? Marcel recula, presque effrayĂ© de l’étrange expression de ces traits, qu’il n’avait jamais vus ainsi, mĂȘme lors de la scĂšne du pavillon. Mais elle s’élança vers lui, l’entoura de ses bras avant qu’il eĂ»t pu s’en dĂ©fendre, et Ă©clata en paroles tellement frĂ©- nĂ©tiques, que Marcel en eut un frisson. C’était la passion dĂ©lirante, la folie de l’amour dans son Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 2 '* Toot entier h l'irrĂ©sistible besoin d’avoir des nouvelles de sa bien-aimĂ©e, Marcel ne s’aperçut point de l’amĂšre in- flexion avec laquelle elle venait de prononcer ces derniers mots. — Parlez 1 supplia-t-il en flĂ©chissant le genou. * Elle le retint, en lui tendant la main. — Venez encore une fois dĂźner avec moi, murmura- t-elle. Je vous montrerai une lettre du pĂšre Daubigny. En vain insista-il Henriette ne fit que rĂ©pĂ©ter qu’aprĂšs le dĂźner elle lui donnerait la preuve des vĂ©ritables senti- ments de son cƓur. — Oui, s’écria la marquise en changeant de visage dĂšs que Marcel se fut retirĂ©. Oui, tu l’auras, cette preuve, vil aventurier, sot pĂ©dant, misĂ©rable haut-le-pied !... Je me perds, mais je te perdrai avec moi ! AussitĂŽt elle prit du papier et Ă©crivit une lettre, en ayant soin de dĂ©guiser habilement son Ă©criture. Quand elle eut fini, elle sonna. — Marceline, dit-elle Ă  sa camĂ©riste, voici une lettre ! — Il faut l’envoyer Ă  son adresse, madame ? — Par le premier garçonnet que tu rencontreras dans la rue Saint-HonorĂ©. — Ce sera fait. — Tu lui donneras ces deux testons d’argent, afin qu’il fasse diligence. — Pour une si belle rĂ©compense, il ne perdra point une minute. — Va, Marceline ; mais ne prends ce messager qu’ assez loin de l’hĂŽtel, et surtout qu’il ne se doute point que tu m’appartiens. La domestique Ă©tant partie, Henriette appela son IsmaĂ«l, qui vint en frĂ©tillant lĂ©cher les mains blanches de sa maĂź- tresse. Alors la machiavĂ©lique crĂ©ature prit le billet signĂ© de l’initiale M... qu’on lui avait transmis dans la matirife, le Digitized by Google 230 L’ABBESSE DE MONTMARTRE donna Ă  flairer Ă  I’adive intelligente, et lai fit faire plusieurs exercices dont elle parut satisfaite. A l’heure du dĂźner, Marcel fut exact. Il brĂ»lait d’avoir sur Alice les renseignements promis. La conversation fut contrainte pendant le repas. Dominant ses dispositions haineuses, Henriette tenta inu- tilement, avec tout son esprit subtil, sinon Ă  Ă©gayer le tĂȘte- Ă -tĂȘte, du moins Ă  le rendre moins morose. Le fiancĂ© d’Alice se tint sur la rĂ©serve, n’aspirant qu’a- prĂšs le moment oĂč, suivant l’engagement pris, la marquise lui ferait ses rĂ©vĂ©lations. Il toucha Ă  peine au gĂ©nĂ©reux cru de Gascogne, que lui offrait son hĂŽtesse. - , Enfin, le dessert achevĂ©, Marcel rappela Ă  Henriette sa promesse. Depuis quelques instants, la marquise donnait des si- gnes d’inquiĂ©tude, tantĂŽt Ă©coutant les bruits de la rue, tantĂŽt jetant les yeux du cĂŽtĂ© de la fenĂȘtre qui donnait sur la cour. — Cher ami, rĂ©pondit-elle Ă  l’officier, ne vous plairait- il point de goĂ»ter de cette liqueur brune, dont le roi a fait plusieurs fois ses dĂ©lices ? — Vous voiliez parler du cafĂ© d’Arabie, dont un mĂ©de- cin vĂ©nitien conseilla l’usage Ă  Sa MajestĂ©, et qui depuis prĂšs d’un siĂšcle dĂ©jĂ  est fort en usage chez le Turc ? — En effet c’est un stimulant merveilleux qui, pris aprĂšs le repas, rend plus agile et plus dispos. Votre hu- meur triste, dont je n’ai pu vous tirer, disparaĂźtrait aussitĂŽt, j’en suis sĂ»re. Tel est du moins l’effet que eette dĂ©coction amĂšre, qu’on sucre du reste autant que l’on veut, a tou- jours produit sur le roi. Il m’a fait cadeau d’un petit sae plein de cette fĂšve torrĂ©fiĂ©e, et j’en use quelquefois. Marcel n’avait aucun prĂ©texte pour refuser. Il dut se rĂ©- signer Ă  ne recevoir qu’aprĂšs le cafĂ© l’explication tant dĂ©- sirĂ©e. Le dessein de la marquise n’avait Ă©tĂ© que de gagner du Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 231 temps, et aussi de se lhrer Ă  la manƓuvre que l’on va voir. Tandis que l’on servait le cafĂ© dans deux de ces tasses de faĂŻence Ă  reliefs de rocailles et de reptiles, brillantes par leurs couleurs, qui avaient fait accorder Ă  Bernard Pa- lissy le titre de potier royal , et qui, avant l’invention en France de la porcelaine de façon chinoise, Ă©taient le seul luxe de cĂ©ramique qu’on vĂźt figurer mĂŽme Ă  la table des rois, Henriette sortit un papier de sa gorgĂšre, et dit avec un soupir affectĂ© — Voici la lettre du rĂ©vĂ©rend pĂšre!... GoĂ»tez de cette dĂ©coction, et je vous la communiquerai pour rĂ©jouir votre Ăąme. Le jeune homme eĂ»t prĂ©fĂ©rĂ© s’emparer immĂ©diatement de la lettre ; mais, si prĂšs de voir son dĂ©sir satisfait, il ne pouvait manquer aux convenances. Il faut le dire, du reste maintes fois on lui avait parlĂ©, au Louvre, de la liqueur brune du docteur vĂ©nitien, encore presque inconnue en France, et la curiositĂ© l’aiguillonnait. Pendant qu’il goĂ»tait Ă  la fois l’arome et la saveur de l’infusion arabique, et qu’à la façon des gourmets, bien qu’il ne fĂ»t point du nombre, il tenait la tĂȘte baissĂ©e sur la poterie, Henriette d’Entragues mit sans affectation un doigt sur la lettre qu’elle avait posĂ©e Ă  cĂŽtĂ© d’elle. En mĂȘme temps, elle jeta du cĂŽtĂ© de l’officier un coup d’Ɠil indicateur. Peu d’instants aprĂšs, Marcel sentit quelque chose frĂŽler contre les basques de sa soubreveste. Il regarda et aperçut l’adive, avec son museau pointu. — C’est IsmaĂ«l, dit en souriant la marquise, qui a flairĂ© le prĂ©cieux sucre blanc des Canaries dont vous venez de dulcifier le jus amer du cafĂ©... Il en est trĂšs-friand, et ne s’en dĂ©lecte pas tous les jours. Le sucre Ă©tait en effet, fort rare Ă  cette Ă©poque. Le peu- ple ne le trouvait que chez les apothicaires, oĂč il l’achetait Ă  l’once. Digitized by Google 2Î2 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Marcel crut devoir se permettre de donner un morceau de sucre Ă  l’adive, qui ne se fit pas prier pour le gober, pensant, sans doute, qu’il venait de le mĂ©riter de la main de l’officier. Ce dernier Ă©tait loin de se douter du tour infĂąme que la trop intelligente bĂȘte venait de lui jouer si innocemment. A peine eut-il repris sa tasse de poterie, que la porte donnant sur le palier s’ouvrit avec fracas. Un homme, qui portait sur son manteau les armes royales, apparut, accompagnĂ© d’archers, en accentuant d’une voix forte — Au nom du roi, que personne ne bouge ! L’officier des gardes s’était levĂ© avec prĂ©cipitation, et Henriette d’Entragues simula une non moins vive Ă©motion. Mais, Ă  l’aspect du personnage, Marcel se remit promp- tement, et dit, en s’inclinant avec politesse — Monsieur le chevalier du guet, j’ai l’honneur de vous saluer. — Qu’on fouille cet officier 1 s’écria le chef suprĂȘme de la police. „ — Qui? Moi ! fit Marcel en reculant stupĂ©fait. — Vous-mĂȘme, monsieur ! — Mais je reprĂ©sente ici Sa MajestĂ©. — Moi, la loi ! rĂ©pliqua le magistrat. Voici l’ordre de monsieur le premier prĂ©sident. — Il doit y avoir erreur. Vous vous appelez bien monsieur Marcel de Fon- taine. — C’est mon nom. — Vous ĂȘtes lieutenant dans les chevau-lĂ©gers de Sa Ma- jestĂ©? — PrĂ©cisĂ©ment, monsieur le chevalier. — Et le roi vous a commis Ă  la garde de madame la mar- quise de Verneuil ? — En effet, telle est ma mission. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 233 — Eh bien ! monsieur, vous trahissez le roi . — Moi, grand Dieu ! — Vous complotez avec ses ennemis. — Une pareille accusation... — Sera facile Ă  dĂ©montrer... Voici dĂ©jĂ , du reste, de graves prĂ©somptions contre vous ! — Que voulez-vous dire ? Le chevalier du guet montra la table avec les deux tasses. — DĂźne-t-on avec ses prisonniers et les ennemis du roi demanda-t-il. Marcel se mordit les lĂšvres, puis balbutia — C’est vrai, monsieur, je n’aurais point dĂ»... Mais, de lĂ  Ă  trahir les intĂ©rĂȘts de mon souverain et Ă  conspirer avec ses ennemis, il y a loin. — J’ai la conviction du contraire, monsieur l’ofticier. — Quelle preuve peut-on allĂ©guer contre moi? Quel tĂ©- moignage invoquera-t-on ? — Nous allons vous le montrer. Archers ! exĂ©cutez mes ordres, et perscrutez monsieur I ' — A moi, mes gardes ! cria Marcel, qui tira l’épĂ©e en mĂȘme temps. — De la rĂ©bellion! ceci aggrave votre position, fit ob- server le magistrat. — C’est vous, au contraire, qui vous rebellez contre un officier de Sa MajestĂ©, chargĂ© d’une mission. Je vous le rĂ©- pĂšte, je suis ici de par le roi. — Assez, monsieur! dit le chevalier du guet en frappant de son talon le parquet. Quand le Parlement ordonne au nom du souverain, chacun doit se soumettre. — J’en appellerai Ă  Sa MajestĂ©. — Soit. En attendant, laissez agir la justice. J’ai du reste assez de force pour l’appuyer. Dix de mes archers tiennent vos gardes en respect. Marcel sentit qu’il fallait s’incliner devant la loi, reprĂ©- sentĂ©e par le Parlement. 15 Digitized by Google 234 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Pendant que les archers dĂ©sarmaient l’officier et le fouil- laient, le chevalier du guet s’adressa Ă  la marquise, qui se tenait immobile, mais avec un regard ironique. — Madame ! lui dit-il, c’est moi en personne qui vous garderai dĂ©sormais, et souvenez-vous qu’une accusation de lĂšse-majestĂ© s’élĂšve contre vous. — Je le sais, rĂ©pondit sĂšchement Henriette d’Entragues. — Une lettre ! s’écria tout Ă  coup l’un des archers en montrant le papier qu’il venait de trouver. — Une lettre ! rĂ©pĂ©ta Marcel Ă©tonnĂ©. Le magistrat s’empara aussitĂŽt du pli et le parcourut. — Voici la preuve de votre trahison, monsieur, dit-il Ă  l’officier. t — La preuve de ma trahison! C’est impossible. Le chevalier du guet lut alors Ă  haute voix ce mĂȘme billet envoyĂ© le matin Ă  la marquise par l’affidĂ© de la fa- mille d’Entragues. — Monsieur, reprit le chevalier du guet, un avis officieux m’a Ă©tĂ© transmis ce matin ; cet avis me prĂ©venait de vos re- lations avec madame la marquise depuis que vous Ă©tiez de garde dans son hĂŽtel. On m’avertissait, en outre, qu’un gen- tilhomme provençal, qui vient d’ĂȘtre nommĂ© viguier de Marseille, Ă©tait en correspondance avec vous... — Je proteste de toutes mes forces contre celte assertion, interrompit Marcel avec indignation. — Et qu’on trouverait indubitablement sur vous, con- tinua le magistrat, un tĂ©moignage Ă©crit, relatif Ă  la perpĂ©- tration d’un acte de trahison qui doit livrer Ă  l’Espagne la ville et le port de Marseille. — C’est de toute faussetĂ©. Comment s’appelle ce gentil- homme fĂ©lon ? — M. de MĂ©rargues. — Je n’ai jamais connu personne de ce nom — Vous serez confrontĂ© avec lui, si, comme je l’espĂšre, Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 233 il n’a point encore quittĂ© la capitale. Je l’ai fait aussitĂŽt re- chercher, notamment Ă  l’ambassade d’Espagne. — Je dĂ©sire qu’on nous mette en prĂ©sence le plus tĂŽt possible, s’écria Marcel, sans s’apercevoir que la marquise venait de tressaillir. Si l’on parvenait Ă  se saisir de MĂ©rargucs, tout le plan d’Henriette devait Ă©chouer. Le viguier de Marseille dĂ©cla- rerait probablement la vĂ©ritĂ©. — Marchons ! dit l’officier aux archers. OĂč me conduit-on? — Monsieur de Harlay, Ă  qui je me suis hĂątĂ© de demander un ordre d’arrĂȘt contre vous en sa Chambre des Tournelles, m’a ordonnĂ© de vous mener Ă  la Grosse Tour du Palais. — Allons y donc ! S’il plaĂźt Ă  Dieu, mon innocence Ă©cla- tera promptement, et je n’y resterai pas longtemps. Marcel fut conduit Ă  la Grosse Tour du Palais de justice, dite aussi Tour de Montgomery, prison qui avait conservĂ© tout le caractĂšre hideux des temps fĂ©odaux. La tristesse et l’effroi saisissaient les captifs dĂšs leur en- trĂ©e dans les cachots obscurs et humides de ce lieu, si- tuĂ©s de dix Ă  douze pieds au-dessous du niveau des rues voisines. Heureusement qu’on mit la main sur MĂ©rargues dans la soirĂ©e mĂȘme. On le trouva confĂ©rant avec le secrĂ©taire de l’ambas- sadeur espagnol. Il fut fouillĂ©, et l’on dĂ©couvrit sous lesplis de sa jarretiĂšre un mĂ©moire contenant le plan de son en- treprise. Il venait, en effet, d’ĂȘtre nommĂ© viguier de Marseille. On appelait viguiers en Provence, vicomtes en Normandie, chĂątelains en Auvergne et en Bourgogne, des prĂ©vĂŽts de justice, qui connaissaient de tous les dĂ©lits non rĂ©servĂ©s aux baillis et aux sĂ©nĂ©chaux. ConfrontĂ© avec Marcel, le viguier dĂ©clara sans hĂ©siter que cet officier lui Ă©tait complĂštement inconnu ; mais il ne vou- Digitized by Google 236 L’ABBESSE DE MONTMARTRE lut pas dire Ă  qui Ă©tait destinĂ©e la lettre qu’on lui reprĂ©- sentait. La question seule lui fit avouer qu’il avait adressĂ© ce bil- let Ă  la marquise de Verneuil. Marcel pensa qu’on allait le remettre en libertĂ© ; mais il se trompait. On voulut attendre le retour du roi, qui apprĂ©cierait la conduite de son officier, dĂźnant avec celle dont on lui avait confiĂ© la garde. Seulement, on le tira de son cachot infect, pour le mettre en une chambre de la tour. Henri IV fut de retour Ă  Paris huit jours aprĂšs. Marie de Beauvilliers, qui avait appris l’arrestation de Marcel et ce qui s’en Ă©tait suivi, se rendit aussitĂŽt au Louvre et implora la bontĂ© du roi en faveur de son officier, coupable tout au plus de lĂ©gĂšretĂ©. L’ordre fut aussitĂŽt envoyĂ© au Palais, par le capitaine Gargantua et Michel, de rendre le prisonnier Ă  la libertĂ©. Ce dernier n’eut auftune peine Ă  convaincre Henri de son entiĂšre innocence, en lui racontant franchement tout ce qui s’était passĂ©. Le procĂšs contre les d’Entragues fut instruit aussi promptement que possible. Henriette, son pĂšre le marquis et le comte d’Auvergne avaient Ă©tĂ© dĂ©fĂ©rĂ©s au Parlement. On avait eu quelque peine Ă  s’emparer de ce dernier. Il se tenait sur ses gardes, dans sa province, avec toutes les prĂ©cautions imaginables. NĂ©anmoins il ne put ĂȘtre si fin, qu’on ne l’attrapĂąt, et par un artifice assez original. Il Ă©tait colonel de la cavalerie française. On le pria d’aller voir faire montre revue Ă  une compagnie du duc de Ven- dĂŽme. Il se rendit Ă  la revue, bien montĂ©, se tenant assez Ă©loignĂ© pour n’ĂȘtre point enveloppĂ©. NĂ©anmoins, d’Eurre, lieutenant de cette compagnie, ainsi que NĂ©restan, l’abordant pour le saluer, montĂ©s sur des _ _ -MifĂš. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 237 bidets de peur de lui inspirer du soupçon, mais accom- pagnĂ©s de trois soldats dĂ©guisĂ©s en laquais, le jetĂšrent en bas de son cheval et le firent prisonnier. On mena aussitĂŽt le fils de Charles IX Ă  Paris, oĂč il fut enfermĂ© dans la Bastille. Une frayeur extrĂȘme le saisit, quand il se vit logĂ© dans la chambre oĂč avait Ă©tĂ© le marĂ©chal de Biron, son grand ami et son complice de la premiĂšre conspiration. Le marquis d’Entragues Ă©tait Ă  la Conciergerie, et Hen- riette fut laissĂ©e dans son logis, sous la garde du chevalier du guet. Le Parlement ayant convaincu les trois prisonniers d’avoir complotĂ© avec l’Espagnol, dĂ©clara d’Auvergne et d’Entra- gues, ainsi que MĂ©rargues, criminels de lĂšse-majestĂ©, et, comme tels, les condamna Ă  avoir la tĂȘte tranchĂ©e. L’arrĂȘt portait, en outre, que la marquise serait con- duite sous bonne garde en l’abbaye des religieuses de Beau- mont, prĂšs de Tours, pour y ĂȘtre recluse, et que cependant il serait plus amplement informĂ© contre elle, Ă  la requĂȘte du procureur gĂ©nĂ©ral. Ce monastĂšre de Beaumont Ă©tait prĂ©cisĂ©ment celui oĂč Marie de Beauvilliers avait passĂ© les premiĂšres annĂ©es de son noviciat. La coĂŻncidence Ă©tait assez Ă©trange. La reine, qui portait aux d’Entragues une inimitiĂ© pro- fonde, facile Ă  comprendre du reste, n’avait point Ă©pargnĂ© ses sollicitations pour faire rendre cet arrĂȘt ; mais la bontĂ© du roi en neutralisa les effets. L’amour qu’il avait eu pour la marquise n’était pas si bien Ă©teint, qu’il pĂ»t se rĂ©soudre Ă  sacrifier celle qui le lui avait inspirĂ©. Il ne voulut pas qu’on exĂ©cutĂąt la sentence. A deux mois et demi de lĂ , par des lettres du grand sceau, il commua la peine de mort du comte d’Auvergne et du sei- gneur d’Entragues, en une prison perpĂ©tuelle. A la marquise, il permit d’abord de se retirer en sa terre de Verneuil, et enfin, sept mois aprĂšs, il la fit dĂ©clarer en- \Sh9. niĂšre Ă  ce que tout le monde l’entendĂźt. Il y en a auxquels cet entretien a ennuyĂ© plus qu’à moi. Afin de les consoler, je veux bien vous dire Ă  tous que j’aime Rosny plus que ja- mais... Et vous, mon ami, poursuivit-il en prenant le surin- tendant par la main, continuez Ă  m’aimer et Ă  me servir comme vousavez toujours fait... Çà, allons dĂźner ensemble... puis nous travaillerons. » La confusion des courtisans fut grande, Concini devint blĂȘme, et d’Epernon conçut d’autant plus de rage, qu’il vit Henri IV faire signe aussi Ă  Marcel de le suivre, au moment oĂč ce dernier venait de se montrer. — Aux moyens extrĂȘmes 1 murmura le duc en grinçant des dents et en Ă©changeant un coup d’Ɠil avec Concini... Mais d’abord, voyons la marquise Comme il se rendait aux Ă©curies, oĂč se trouvait son che- val tout sellĂ©, il se croisa avec le pĂšre Cotlon devant la fontaine aux Trois-Visages. — Eh bien ? demanda le confesseur du roi. — Tout est manquĂ© Sully est plus puissant que et ce petit aventurier Marcel dĂźne avec le roi cl le surin- tendant. — 11 faut au moins frapper l’officier ce sera plus facile, j’espĂšre. Daubigny m’a assurĂ© que son moyen Ă©tait infail- lible. — Aussi vais-je aller trouver madame Henriette d’En- tragues, qui m’attend Ă  Malesherbes. Etant montĂ© Ă  cheval, le duc d’Epernon gagna le chĂąteau de Malesherbes, situĂ© sur la petite riviĂšre d’Essonne, et qui appartenait aux d’Entragues. La marquise avait quittĂ© sa terre de Verneuil depuis quel- ques jours, pour se rapprocher de la cour, oĂč, comme on le voit, elle avait conservĂ© des intelligences. Elle attendait le duc, et eut avec lui un assez long en- tretien oĂč furent prononcĂ©s plusieurs fois le nom de Marcel et celui de Ravaillac, Digitized by 296 L'ABBESSE DE MONTMARTRE En la quittant, d’Epernon lui baisa la main. — Et vous me la promettez en mariage ? dit le duc. — DĂšs que ma fille, rĂ©pliqua la marquise avec un accent haineux, pourra se passer du consentement d’un pĂšre , elle sera Ă  vous, mon cher duc! Ce dernier comprit parfaitement le sens cachĂ© de ces pa- roles de Henriette d’Entragues, qui avait eu du roi un fils et une fille ; car il eut un sourire aussi abominable que la pensĂ©e mĂȘme de l’ancienne favorite. Mais son dĂ©sappointement fut grand, quand il apprit, en arrivant Ă  Fontainebleau, qu’aprĂšs une confĂ©rence secrĂšte entre le roi, Sully et Marcel, ce dernier avait fait seller son cheval comme pour un long voyage. Le duc alla trouver le pĂšre Cotton, qui lui dit qu’en effet l’officier des gardes Ă©tait parti pour affaires diplomatiques, et ne devait revenir qu’au bout de trois moi3 au moins. — Quel contre-temps! s’écria d’Epernon. Et la marquise qui devait prĂ©parer le piĂšge pour la semaine prochaine ! - — Ce voyage nous servira, au contraire, dit Cotton d’un air fin. — Comment cela? — L’officier est parti de nouveau, sans aucun doute, pour les grands desseins du roi. — C’est Ă  peu prĂšs certain. — Eh bien ! ne devinez-vous pas, connaissant le projet du pĂšre Daubigny, quel parti nous pouvons tirer de ce voyage contre l’officier ? — Ah ! j’y suis... A merveille I Je vais en prĂ©venir la marquise et monsieur Daubigny. Cela retardera la chute de cet aventurier, mais elle n’en sera que plus sĂ»re. Le pĂšre Cotton avait bien conjecturĂ©. Marcel venait d’ĂȘtre chargĂ© par Henri IV de faire une tournĂ©e diplomatique auprĂšs de la plupart des potentats dĂ©jĂ  alliĂ©s secrĂštement au roi de France. Il devait voir notamment les princes protestants de l’AUe- Digitized by Google L’ABBESSE DT? MONTMARTRE 297 magne, ainsi que les seigneurs de BohĂȘme, de Pologne, de Hongrie et de Transylvanie, gagnĂ©s aux desseins du BĂ©ar- nais. Enfin il devait se rabatlre sur les cantons suisses et la Savoie, dont il connaissait le duc. II comptait bien revoir le comte de FuentĂšs en passant. Michel seul l’accompagna. Gargantua fut installĂ© au ma- noir de Glignancourt, d'oĂč il allait presque chaque jour vi- siter ses nouvelles connaissances, les vignerons de Mont- ‱ martre, dont les caves et les grands tonneaux lui causaient la plus profonde admiration. Notre officier ne fut de retour de son voyage que sur la fin de fĂ©vrier 1610 . Il retrouva le roi au Louvre et lui rendit compte de sa mission. IndĂ©pendamment de diverses questions sur lesquelles il Ă©tait tombĂ© d’accord avec les princes et seigneurs qu’il avait vus, il avait fait choix de la ville de Metz, comme lieu de rĂ©union du Grand SĂ©nat de la RĂ©publique chrĂ©- tienne, bien que les souverains allemands eussent penchĂ© pour Cologne ; mais ceux-ci avaient fini par adopter Metz, scion le dĂ©sir du roi. Henri embrassa son officier pour cette bonne nouvelle, et lui donna un congĂ© de plusieurs jours pour se remettre de ses fatigues de voyage et voir les siens. — Maintenant, s’écria le roi, l'Ɠil rayonnant, tous les obstacles sont aplanis, le terrain est prĂ©parĂ©, l’Europe at- tend... Vienne l’occasion prĂ©vue, et nous fondons l’avenir ! Marcel se hĂąta d’aller visiter sa mĂšre, l’abbesse et le sei- gneur de Glignancourt, que la goutte retenait toujours au manoir. Gargantua, lui, malgrĂ© la soixantaine, continuait Ă  grossir ; il narguait goutte et infirmitĂ©s, en lampant et en mĂąchant avec plus d’ardeur que jamais. Le chevalier du Bosc, que Marcel vit aussi, commençait Ă  se faire vieux le chagrin d’avoir perdu son Alice le minait lentement. Il n’avait plus d’espoir, et ne rĂ©pondait qu’en h i&. Digitized by Google 398 L’abbesse de Montmartre soupirant aux paroles de Marcel, qui affectait toujours la mĂŽme confiance. Comme notre officier, aprĂšs avoir quittĂ© le conseiller au Parlement, revenait Ă  Montmartre, il vit accourir au-devant de lui Michel, tout empressĂ© et joyeux. — Qu’y a-t-il ? demanda Marcel. — Madame l’abbesse vous attend avec impatience. — Quoi de si pressĂ©, mon ami? — Une lettre ! — Une lettre de qui ? — Des nouvelles de mademoiselle Alice. Il n’en fallut pas davantage. Marcel courut comme un fou, vola par le cloĂźtre et gravit les escaliers quatre Ă  quatre. Il tomba plutĂŽt qu’il n’entra dans la cellule de l’abbesse. — Une lettre d’Alice? demanda-t-il, tout tremblant d’émotion. — IlĂ©las! non, rĂ©pondit Marie en souriant, mais d’une personne charitable et bien contrite, qui sait oĂč se trouve votre fiancĂ©e et qui est prĂȘte Ă  vous le dire. — Le nom de cette personne charitable? — Madame Henriette d’Entragues. Marcel recula comme si on lui eĂ»t montrĂ© un aspic. Cette femme ne lui produisait plus l’effet que d’un serpent veni- meux, dont elle avait les allures, le regard et les instincts perfides. ' Mais Marie tendait une lettre Ă  Marcel. — Lisez, mon ami ! lui dit-elle de sa voix si douce. L’officier des gardes ne dĂ©plia l’écrit qu’à contre-cƓur et se mit Ă  lire, le front plissĂ© par le doute et la rĂ©pugnance. A mesure qu’il avançait dans la lecture, la contraction de scs sourcils disparut, ses traits prirent une expression moins mĂ©fiante, et bientĂŽt la compassion et l’espĂ©rance s’-y montrĂšrent. — Il serait possible ! s’écria-t-il. Ah ! je lui pardonnerais tout. Digilized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 309 La marquise de Yerneuil Ă©crivait Ă  l’abbesse qu’ayant passĂ© plusieurs mois dans cette sainte maison de Beau- mont-lĂšs-Tours, oĂč Marie de Beauvi Hiers avait laissĂ© de si bons et Ă©difiants souvenirs, la grĂące l’avait touchĂ©e, et que depuis lors elle ne songeait plus qu’à son salut. Elle avait complĂštement dit adieu aux vanitĂ©s de ce monde, et loin de chercher Ă  rentrer en cour, elle avait rĂ©sistĂ© Ă  plusieurs invitations du roi. Bien qu’elle eĂ»t quittĂ© le monastĂšre de Beaumont, et qu’elle se fĂ»t retirĂ©eren sa terre de Verneuil, prĂšs Senlis, toutes ses journĂ©es Ă©taient consacrĂ©es Ă  Dieu, Ă  l’éducation de ses deux enfants, Ă  de pieuses correspondances avec son directeur spirituel, ou Ă  des entretiens avec lui, quand il venait la voir. Mais ce qui la tourmentait le plus dans sa vie de pĂ©ni- tence, c’était le remords que lui causait sa conduite passĂ©e envers M. Marcel de Fontaine. Elle ne cessait de verser des larmes amĂšres, en songeant aux odieuses persĂ©cutions qu’elle avait exercĂ©es contre cet homme si courtois et si , gĂ©nĂ©reux. Il est vrai que la passion, la jalousie, lui avaient fait commettre ces indignitĂ©s. Son plus grand dĂ©sir Ă©tait d’avoir son pardon et de lui procurer enfin le bonheur qu’il mĂ©ritait. * Qu’il vienne, ainsi se terminait la lettre, et il saura de ma bouche oĂč se trouve Alice, sa fiancĂ©e. Mon directeur, le 1*. Daubigny, a consenti enfin Ă  me faire connaĂźtre le monastĂšre oĂč elle est enfermĂ©e en Allemagne. Il m’a per- mis de lui rĂ©vĂ©ler le lieu... Alice a toujours refusĂ© de prendre le voile, et elle lui sera rendue. M. Daubigny n'a mis Ă  Cette rĂ©vĂ©lation qu’une seule condition, Ă  laquelle je ne doute point que ne souscrive le coeur si haut placĂ© de M. de Fontaine. Veuillez, chĂšre et sainte dame, lui communiquer cette lettre d’une pauvre pĂ©cheresse repentie, qui se recom- Digitized by Google 300 L’ABBESSE DE MONTMARTRE mande Ă  vos priĂšres et vous demande Ă  genoux votre bĂ©- nĂ©diction. Henriette d’Entragues. » Mademoiselle de Coman, qui vous portera la prĂ©sente et que je viens de prendre Ă  mon service, parce qu’elle a Ă©tĂ© novice jadis Ă  ce mĂȘme couvent de Beaumont oĂč la grĂące divine est descendue sur moi, pourra donner quel- ques explications sur la route Ă  suivre de Senlis au chĂąteau de Verncuil. » — Ainsi, dit l’abbesse Ă  Marcel, vous allez vous rendre Ă  son invitation? — Je pars immĂ©diatement, madame. — Il respire dans celte lettre un tel parfum de pieuse contrition et de sincĂ©ritĂ©, que je crois que, malgrĂ© le passĂ© de la marquise, vous pouvez y aller en toute confiance. La grĂące a vĂ©ritablement opĂ©rĂ© sur cette Ăąme mondaine. BĂ©ni soit le ciel ! Marcel se mit en route aussitĂŽt pour le chĂąteau de Ver- ncuil, aprĂšs avoir reçu de l’abbesse les explications sur la voie Ă  prendre Ă  partir de Senlis, explications transmises verbalement par mademoiselle de Coman. MalgrĂ© Tardent dĂ©sir qu’il avait maintenant de revoir cette Henriette d’Entragues qui lui avait causĂ© tant de mal, malgrĂ© l’espoir qui l’animait en songeant qu’il allait enfin avoir des nouvelles positives d’Alice, Marcel ne put se dĂ©- fendre d’une pĂ©uible Ă©motion, en apercevant sur une hau- teur, entre la forĂȘt de HalattĂ© et lâ€™ĂŒise, le chĂąteau de Ver- neuil habitĂ© par l’ancienne favorite de Henri IV. Etait-ce un avertissement? Ou disait que de vastes et sombres souterrains s’éten- daient sous ce chĂąteau... Marcel aurait-il peur? Peur de quoi ? D’une violence contre sa personne !... 11 mit le sentiment d’apprĂ©hension qu’il venait d’éprou- Digiiized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE SOI ver sur le compte de ces souterrains dont il avait entendu parler, et n’éperonna que plus vivement son cheval. Les cƓurs courageux ne sont qu’aiguillonnĂ©s par le dan- ger, quand un danger de la nature de ceux auxquels pen- sait Marcel, vient Ă  se montrer devant eux. Il avait sa dague et son Ă©pĂ©e... U saurait se dĂ©fendre. DĂ©s que Marcel eut franchi le pont-levis du chĂąteau de Verneuil et qu’il se fut nommĂ©, les serviteurs s’empres- sĂšrent autour de l’officier des gardes, et bientĂŽt on l’intro- duisit auprĂšs de la marquise. Elle Ă©tait dans son oratoire... Ni lit de repos cette fois, ni parfums enivrants, ni aucun de ces objets charmants et mondains qui pussent faire pen- ser que la femme qui attendait lĂ  voulĂ»t, comme autrefois, exercer sur son visiteur quelque influence prĂ©disposante dont ses charmes personnels eussent ensuite accompli le triomphe. Tout Ă©tait sĂ©vĂšre et sombre dans cette piĂšce prie-Dieu, christ d’ivoire sur un crucifix noir, tentures, chaises et table sur laquelle on voyait ce qu’il fallait pour Ă©crire. Henriette elle-mĂȘme avait des vĂȘtements d’une coupe rigide et de couleur presque lugubre. Un voile noir couvrait sa tĂȘte et son front, et venait se croiser sur sa poitrine, qu’il cachait entiĂšrement sous ses plis Ă©pais. On ne lui voyait mĂȘme pas les boucles de sa chevelure chĂąlain-clair. Une ample pĂšlerine dĂ©guisait sa taille ordinairement si gracieuse. La marquise avait le maintien grave et rĂ©servĂ©. Silencieusement elle montra un siĂšge Ă  Marcel. — Merci Ă  vous, dit-elle d’un ton triste et doux, merci Ă  vous d’ĂȘtre venu. J’osais Ă  peine l’espĂ©rer. — Voire lettre, madame, balbutia l’officier, les senli- ments pieux que vous y exprimez, m’ont dĂ©terminĂ©. — J’ai besoin de votre pardon, monsieur. — Il vous est tout acquis. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE iO> — Ne vous pressez pas trop de le prononcer, murmura- t-elĂźe avec un soupir. Il y a une condition aux rĂ©vĂ©lations que m’a permis de vous faire mon directeur, le pcre Dau- bigny, relativement Ă  votre iiancĂ©c. — Votre lettre en parle, madame. — Et si vous ne consentiez Ă  souscrire Ă  cette condi- tion... Ah! mon cƓur se serre rien qu’en songeant que votre refus me dĂ©fendrait de vous dire quel lieu habite votre... votre Alice , et qu’ainsi je serais frustrĂ©e de ce pardon que j’implore. Disant cela, elle avait aux yeux des larmes qui finirent par dĂ©border et couler en abondance sur ses joues. Soit par suite de ses peines, soit par l'effet de son voile noir, elle semblait avoir pĂąli depuis que Marcel ne l’avait vue. De plus, en prononçant ces mots votre Alice, la mar- quise avait frĂ©mi lĂ©gĂšrement, mais assez pour permettre Ă  l’officier de s’en apercevoir. — Ah ! reprit-elle en remarquant le mouvement de Mar- cel, qui la regardait avec apprĂ©hension. Ah ! n’ayez nulle crainte... Toute passion est Ă©teinte en moi, et si je n’ai pu m’empĂȘcher d’appuyer sur le nom de votre fiancĂ©e, ce n’est que l’effet du souvenir de cet amour que je vous portais et qui me rendait si jalouse autrefois. Et comme pour montrer Ă  Marcel qu’elle sacrifiait tout Ă  Dieu, amour et souvenir, elle se leva lentement et alla se prosterner devant le christ d’ivoire, son visage dans les mains. En la voyant prier avec tant de ferveur, Marcel se dit — Qu’elle est changĂ©e !... Pauvre femme, elle ne songe plus qu’à Dieu !... Et quand, par moments, l’esprit d’au- trefois se rĂ©veille, elle se rĂ©fugie dans le Seigneur... Elle m’aimait pourtant ! Quand elle se releva, son visage paraissait calme, son regard serein. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 303 — Parlons d’elle maintenant, dit la marquise en se ras- seyant. — Vous vous ĂȘtes engagĂ©e, madame, Ă  m’indiquer le lieu oĂč elle sc trouve. — Vous n’ignorez pas qu’ Alice est entre les mains de la Compagnie de JĂ©sus ? — Je- ne le sais que trop, madame. — Vous savez aussi que, pour le but auquel tend la sainte SociĂ©tĂ©, c’est-Ă -dire pour le triomphe de la foi, elle a besoin de grandes ressources. — On la dit effectivement avide de richesses... — Pour la plus grande gloire de Dieu, s’empressa de dĂ©clarer l’ouaille des jĂ©suites. L’officier fit un geste qui signifiait qu’il avait son opinion lĂ -dcssus. — Eh bien ! monsieur, reprit la marquise, en enlevant Alice Ă  un monde pervers, et en voulant la dĂ©terminer Ă  se vouer Ă  Dieu dans une maison religieuse, le mobile de la Compagnie, indĂ©pendamment de l’Ɠuvre de salut qu’elle avait en vue pour la jeune fille, Ă©tait d’hĂ©riter un jour de ses biens. , — Je sais cela, madame. — On avait appris qu’Alice Ă©tait la fille du comte de FuenlĂšs et la niĂšce de monsieur Ligier de Clignaucourt, et comme telle leur unique hĂ©ritiĂšre. — C’est vrai, et le calcul Ă©tait juste. — Vous ĂȘtes, monsieur, le favori du roi, qui fera pour vous certainement encore plus qu’il n’a fait. — Je ne demande rien de plus le roi m’a dĂ©jĂ  comblĂ©. — Vous auriez tort. Si Alice vous est rendue, vous avez besoin pour elle, pour vous et pour vos enfants, d’une for- tune conforme Ă  votre position. — Je me contenterai de ce que j’ai. — Je suis heureuse de vous voir en ces dispositions, car Digitized by Google 304 L'ABBESSE DE MONTMARTRE elles vous faciliteront un sacrifice nĂ©cessaire, si vous voulez revoir votre fiancĂ©e. De nouveau, Henriette poussa un soupir, en ajoutant — En mĂŽme temps elles amĂšneront pour moi... le par- don. — Daignez vous expliquer, madame ! — Pour qu’il me soit permis de rĂ©vĂ©ler le lieu oĂč l’on dĂ©tient votre fiancĂ©e, on exige que vous renonciez Ă  l’hĂ©- ritage d’Alice. Marcel rĂ©flĂ©chit pendant quelques instants. — Je le ferais trĂšs-volontiers, dit-il, s’il ne s’agissait que de m’engager de ma personne ; mais je ne puis lier celle qui sera ma femme. — On ne demande que votre signature au bas de la dĂ©- claration. — Je doute que cela suffise, ma temme ne se trouvant pas engagĂ©e. — Pour nous cela suffit, s’écria vivement la marquise. Marcel se mit Ă  la regarder. Les paroles Ă©chappĂ©es Ă  Henriette venaient de lui inspirer un vague soupçon. Mais dĂ©jĂ  celle-ci avait recomposĂ© son visage. Elle con- tinua — La Compagnie dont je suis l’organe en ce moment, avec le dĂ©sir si ardent que j’ai de vous rendre heureux et d’obtenir votre pardon, — ce qui seul m’a dĂ©terminĂ©e Ă  sup- plier le pĂšre Daubigny, — la Compagtlie, monsieur, s’en rapportera entiĂšrement Ă  votre loyautĂ©, pour que, le jour oĂč votre femme entrera en possession de ses hĂ©ritages, vous la portiez Ă  vous permettre de remplir l’engagement pris aujourd’hui. L’officier hĂ©sitait. La marquise Ă©tait- elle sincĂšre ? N’avait-elle aucune ar- riĂšre-pensĂ©e ? — Ah ! reprit-elle d’une voix Ă©mue, vous refusez le bon- heur que je vous avais prĂ©parĂ© avec tant- de peine. Songez Digitized by Google L’ABBESSE DE MON TM AB THE 305 que j’ai adjurĂ© mon directeur, le pĂšre Daubigny, que je me suis jetĂ©e Ă  ses pieds, pour obtenir de lui qu’il se contentĂąt de cette simple dĂ©claration signĂ©e de vous!... Que de larmes j’ai rĂ©pandues avant de pouvoir le flĂ©chir!... Je me suis portĂ©e garante de votre loyautĂ©, et vous repoussez la seule voie qui vous est offerte pour revoir votre fiancĂ©e... A l’heure qu’il est, elle pleure et gĂ©mit au loin... vous ap- pelant et vous conjurant de venir Ă  son secours. — Madame ! s’écria Marcel, vous me dĂ©chirez le cƓur. — Le sien le sera bien plus, quand elle apprendra que vous avez refusĂ© tout moyen de lui venir en aide et de la tirer de la prison oĂč elle souffre. — OĂč est cet Ă©crit? demanda brusquement l’officier. La marquise s’approcha de la table et y prit un papier. — Lisez! l’engagement n’est que personnel. Vous pou- vez le signer en toute conscience. Marcel prit connaissance de la piĂšce. Elle ne contenait, en fait, que la dĂ©claration qu’il renon- çait pour sa part Ă  l’hĂ©ritage des FuentĂšs et des Clignan- court, avec la promesse de faire son possible pour que sa femme Alice consente Ă  y renoncer, comme lui, en faveur de la SociĂ©tĂ© de JĂ©sus. — Vous n’avez qu’à y apposer votre signature, dit la marquise, et aussitĂŽt, suivant la permission que m’a accor- dĂ©e M. Daubigny, je vous rĂ©vĂ©lerai la maison oĂč est retenue Alice. Marcel prit une plume, et signa. Si, pendant qu’il mettait son paraphe sur cette feuille volante, il se fĂ»t retournĂ© brusquement vers Henriette d’En- tragues, nul doute qu’il n’eĂ»t immĂ©diatement dĂ©chirĂ© l’écri- eu mille morceaux, Ă  la vue du sourire diabolique qui con- tractait les lĂšvres de la fausse dĂ©vote. — Et maintenant, fit-il, rendez la joie Ă  mon Ăąme et dites-moi oĂč est Alice. 19 Digitized by Google 306 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Elle est, eu ce moment, au monastĂšre des CarmĂ©lites de Spandau. , — OĂč est ce lieu, madame? — Dans la margraviat de Braudebourg, sur la SprĂ©e. — On me la rendra? — Voici une lettre pour la supĂ©rieure. Le rĂ©vĂ©rend pĂšre Daubignv l’a Ă©crite de sa propre main. — Merci, madame, dit Marcel en glissant la lettre sous son pourpoint. Et veuillez assurer le pĂšre de toute ma re- connaissance j’oublierai tout le mal qu’il a fait, pour ne plus songer qu’à ce dernier acte de bĂ©niguitĂ©. L’officier des gardes prit congĂ© de la marquise, en la remerciant encore avec effusion. À peine fut-il sorti de l’oratoire, que la tenture d’une porte latĂ©rale se souleva et montrai a tĂȘte Ă  la fois magis- trale et machiavĂ©lique du jĂ©suite Daubigny, Ă  cĂŽty du front sourcilleux du duc d'Epernou. DerriĂšre eux se tenait humblement un frĂšre scolastique , jĂ©suite Ă  vƓu simple, versĂ©, comme la plupart de ceux de sou degrĂ©, dans les lettres et les sciences. — Eh bien ! demanda la marquise, ai-je bien jouĂ© mon rĂŽle ? — Merveilleusement, mon entant ! rĂ©pondit le profĂšs en souriant. Eu vous Ă©coutant, je disais au duc que vous n’eus- siez pu parler mieux, si vous aviez fait pĂ©nitence toute votre vie. — N’est-ce pas, mon pĂšre ? — Mais j’aurais voulu voir le maintien et le jeu. — Il y a Ă©tĂ© trompĂ©, tout diplomate du roi qu’il est. Pourtant j’ai failli me trahir un instant... mais j'ai aussitĂŽt rĂ©parĂ© la faute . — Par une pĂ©roraison pathĂ©tique. Je l’ai trouvĂ©e tout simplement sublime. Mais oĂč est l’écrit signĂ© ? Henriette montra le papier sur la table. Digitized by Google L’ABBESSE UE MONTMARTRE 307 — Faites votre Ɠuvre, commanda le profĂšs au frĂšre scolastique. Tandis que celui-ci s’asseyait sans mot dire Ă  la table, et tirait de sa poche deux flacons et deux pinceaux, Daubigny reprit — Ces gens de guerre ne songent tout d’abord qu’à la brusquerie et Ă  la violence, comme si un esprit habile ne devait pas prĂ©alablement Ă©puiser les moyens dĂ©tournĂ©s et non compromettants... M. le duc ne voulait-il point ap- peler vos gens, marquise, pour saisir l’officier et le jeter au fond des basses-fosses du chĂąteau? — Mais il nous eĂ»t perdus ! — C’est ce que je lui ai fait comprendre Ă  voix basse. — J’avais Ă©crit Ă  madame .Marie de Beauvilliers ; s’il n’eĂ»t pas reparu, l’abbesse eĂ»t su Ă  qui s’en prendre. — Est-ce fini ? demanda Daubigny au frĂšre assis Ă  la table, et qui faisait l’office de scribe. — J’ai Ă©talĂ© le premier liquide avec le pinceau, rĂ©pondit le scolastique, et Ă  mesure qu’il sĂšche, l’écriture s’efface... Voyez, mon pĂšre, il ne reste plus que quelques lettres. — Prenez garde Ă  la signature 1 — Je l’ai soigneusement recouverte d’un papier, mon pĂšre. — Étalez le second liquide, dĂšs que tout aura disparu. — Je commence immĂ©diatement. Le scribe Ă©tendit, avec le second pinceau, le contenu de 1,’autre flacon sur la feuille redevenue blanche, et at- tendit. — Est-ce sec? demanda encore le profĂšs. — Pas encore, mon pĂšre. D’Epernon laissa Ă©chapper un mouvement d’impatience. — Vous n’avez point la vertu des anges, monsieur le duc, lui dit le jĂ©suite en souriant. — Je le confesse je brĂ»le de porter la piĂšce au Lou- vre. Digitized by Google 308 L’ABBESSE ÜE MONTMARTRE * — Attendez ;iu moins qu’elle soit fabriquĂ©e. — Je suis prĂȘt, dĂ©clara le scribe en plongeaut une plume dans l’écritoire. — Ayez soin, recommanda Daubigny, que celte seconde Ă©criture prenne bien la place de la premiĂšre, de maniĂšre Ă  ce que la derniĂšre ligne se trouve naturellement au-dessus de la signature... Vous devez arriver juste ; il y a le mĂȘme nombre de lettres. Le jĂ©suite avait sorti un brouillon. li se mit Ă  dicter Par les prĂ©sentes, Je m’engage envers Sa Grandesse de Boxas de Sando- val, duc de Lerme, ministre de Sa MajestĂ© TrĂšs-Catholique Philippe 111, roi de toutes les Espagnes, ainsi qu’il a Ă©tĂ© convenu verbalement avec don Pedro-Henriquez d'Azevedo, comte de FuentĂšs, lors de mon dernier voyage dans le Mi- lanais pendant ce mois de fĂ©vrier 1610 ; A me rendre, d’ici Ă  un mois, en telle ville de la fron- tiĂšre qu’il daignera m’indiquer ; A l’effet d’y donner par Ă©crit, Ă  son reprĂ©sentant, tou- tes indications et explications touchant les grands projets du roi de France et la guerre qu’il songe Ă  entreprendre, ainsi que l’énumĂ©ration des forces d’icelui et Je ses alliĂ©s, comme aussi sur leur marche pour l’entrĂ©e en cam- pagne ; En Ă©change de quoi, ledit reprĂ©sentant me remettra, en due forme, tant les titres de Grand d’Espagne que l’ap- probation pour Alice, fille du comte de FuentĂšs, de con- tracter mariage avec moi, Marcel de Fontaine, le tout signĂ© par Sa MajestĂ© TrĂšs-Catholique et scellĂ© de son scel d’or. Fait Ă  Paris, le 28 du mois de fĂ©vrier 1610. » Avant fini de dicter, le pĂšre Daubigny regarda par-des- sus l’épaule du scolastique. — Bien, fit-il, la signature suit immĂ©diatement Marcel de Fontaine. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 309 — Donnez ! s'Ă©cria le fougueux d’Epernon, qui aussitĂŽt s’élança hors de l’oratoire. — S’il en Ă©chappe cette fois, dit le jĂ©suite, c’est qu’il aura fait, comme on dit, un pacte avec le diable. — EspĂ©rons, rĂ©pliqua Henriette d’Entragues avec un mauvais sourire, que la hache qui a enlevĂ© si dextreinent la tĂȘte de Biron n’est point Ă©brĂ©chĂ©e. — Vous lui avez nommĂ©, marquise, le couvent oĂč est la fille. — Le mensonge est un pĂ©chĂ©, mon pĂšre je lui ai dit oĂč elle se trouve. — Ï1 ne lui servira de rien d’avoir appris que l’hĂ©ritiĂšre des FuentĂšs et des Clignancourt est enfermĂ©e dans le cou- vent des CarmĂ©lites de Spandau. — Cependant... si, contre toute probabilitĂ©, le roi lui faisait grĂące ? — Je cours Ă  Paris, et immĂ©diatement je fais partir pour le Brandebourg mon lansquenet, Claude le Lorrain, qui parle aussi bien l’allemand que le français. Dans une lettre au pĂšre Geyser, le provincial de notre ordre dans la Saxe et la Marche, je l’avertis et le prie de faire transfĂ©rer la no- vice dans une autre maison. — A merveille ! Je n’aurai pas menti du moins, puisque je lui ai dĂ©clarĂ© qu’en ce moment elle Ă©tait aux CarmĂ©lites. — J’aime Ă  vous revoir cette conscience scrupuleuse, mon enfant, dit en souriant le directeur jĂ©suite. Elle s’était relĂąchĂ©e un peu... — M’en voudriez-vous, mon pĂšre ? N’ai-je point usĂ© de toute mon influence sur l’esprit du roi, pour le rappel de la Compagnie? , — Aussi vous ai-je absoute. Il est des cas, ma fille... — Amen! rĂ©pondit l’ancienne favorite avec un sourire Ăč la fois malin et bigot. Le lendemain, dans l’aprĂšs-midi, heureux et plein d’es- / Digitized by Google 310 L'ABBESSE DE MONTMARTRE pcir, Marcel gravissait l’escalier du Louvre qui menait Ă  la grande galerie. Son dessein Ă©tait de prier le roi de lui accorder une pro- longation de congĂ©, afin de se rendre en Allemagne et d’y chercher sa fiancĂ©e. Les gardes lui dirent que le roi venait de faire dĂ©fense Ă  qui que ce fut de pĂ©nĂ©trer dans son cabinet Comme il se promenait dans la galerie, attendant que la dĂ©fense fĂ»t levĂ©e, le chevalier Castaignac l’aborda. — HĂ©! bonjour, lui dit-il, mon cher monsieur de Fon- taine. Vous me paraissez prĂ©occupĂ© ? — C’est vrai, monsieur. Je voulais parler Ă  Sa MajestĂ© pour une affaire pressante, et sa porte est iuterdite. — Elle l’est mĂȘme pour ses conseillers ordinaires, mil- ladious ! Il n’y a qu’un instant, le secrĂ©taire d’Etat aux af- faires Ă©trangĂšres, M. de Villeroy, s’est prĂ©sentĂ©, et il s’est vu refuser l’entrĂ©e. — Sait-on avec qui est enfermĂ© le roi ? Avec M. de Sully, sans doute ? — Cornibieu ! non, fit la voix de Crillon qui venait de s’approcher en s’appuyant sur le bras du protestant d’Au- bignĂ©, son vieil ami et Ă©ternel contradicteur. C’est le pĂšre Cotton qui le tient. Et il haussa les Ă©paules, le catholique Crillon. Il aimait sa religion, mais non ceux qui la compromettaient. — Mais voici le surintendant que j’aperçois se dirigeant de notre cĂŽtĂ©, son grand portefeuille sous Faisselle, reprit Crillon. La porte va s’ouvrir Ă  deux battants pour lui et son compagnon Villeroy. — On dirait qu’il y a quelque grave nouvelle... fit ob- server d’AubignĂ©. Voyez comme ils paraissent animĂ©s dans leur entretien !... C’est peut-ĂȘtre encore votre pape, Crillon, qui fait des siennes. — Mon pape ! s’écria Crillon en lĂąchant aussitĂŽt le bras Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 314 du calviniste. Harnibieu! oui, c’est mon pape, et je l’aime et le respecte, entendez-vous bien, M. d’AubignĂ© ! — MĂȘme quand il veut contrecarrer lesdesseins de votre roi, Crillon ? Ne vient-il pas d’envoyer son nonce, pour protester contre les prĂ©paratifs de guerre ? — On le dit, mais la preuve? rĂ©pliqua de son air le plus bourru le dĂ©vouĂ© Crillon . — Et n’a-t-on pas recommencĂ© tout aussitĂŽt Ă  Paris, dans vos Ă©glises, les prĂ©dications furibondes du temps delĂ  Ligue? — Je n’entends la messe qu’à la chapelle du Louvre. — A la NoĂ«l derniĂšre, le pĂšre Gonthier n’a-t-il pas tonnĂ© Ă  Saiut-Gervais? — C'est un jĂ©suite. — Le capucin Basile ne l’est pas. Chaque jour, dans ses sermons Ă  l’église Saint-Jacqucs-de-la-Boucherie, ne vo- vnit-il pas des invectives contre l’éiiit de Nantes, l'Etat et la personne du roi mĂȘme ? Henri est redevenu l’hĂ©rĂ©tique d’autrefois cela valait bien la peine de quitter notre prĂȘ- che pour votre messe ! Comme toujours quand il se sentait obligĂ© de se rendre Ă  l’évidence, Crillon avait baissĂ© la tĂȘte et ne rĂ©pondait plus. Les deux amis rudoyeurs s’étaient tournĂ© le dos, suivant l’habitude. En ce moment, Sully, qui avait vu ^'interdire, comme les autres, la porte du cabinet royal, s’approcha de Marcel et lui prit le bras. IV AU GRAND CHATELET. — Savez-vous la grande nouvelle? demanda le surin- tendant Ă  Marcel. Digitized by Google 312 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Nou, monsieur le duc. J’arrive. — L’occasion prĂ©vue par nous se prĂ©sente. Le duc de ClĂšves et de Juiiers est mort. — Il serait possible ! s’écria l’officier, plein de joie. — L’avis m’eu est parvenu il y a dix minutes, et je me rendais auprĂšs de Sa MajestĂ© pour le lui transmettre. — Ainsi, le prĂ©texte d’une intervention en Allemagne... — Va nous ĂȘtre donnĂ©. L’empereur revendique la suc- cession. LĂ©opold d’Autriche, Ă©vĂȘque de Strasbourg, s’est dĂ©jĂ  mis en marche avec ses troupes. — Et le comte palatin de Neubourg, ainsi que le margrave de Brandebourg, ses compĂ©titeurs ? — C’est le Palatin qui nous a Ă©crit il accepte le secours proposĂ© par le roi, Ă  une condition pourtant. — Laquelle, monsieur le duc? — Ne voulant point se brouiller avec son cousin de Bran- debourg, Jean-Sigismond, avec lequel il s’était entendu d’a- vance pour l’éventualitĂ©, il ne croit devoir invoquer le se- cours de Henri IV contre l’Autriche, que si le brandebour- geois y consent. — Eh bien? — Mais le margrave, comme vous le savez, a toujours fermĂ© l’oreille Ă  nos ouvertures. — Que faire alors? — Aviser. Je songeais Ă  vous pour vous envoyer dans le Brandebourg, auprĂšs du margrave Jean-Sigismond. — J’accepterai avec le plus vif empressement, s’écria Marcel, pour qui une pareille mission, dans le pays oĂč prĂ©ci- sĂ©ment il se proposait d’aller chercher sa fiancĂ©e, Ă©tait la plus heureuse des fortunes. — Je vais en parler au roi, et je ne doute point... Sully n’acheva pas. Le capitaine des gardes, M. de Praslin, venait d’aborder Marcel. — Monsieur, dit le capitaine, le roi m’ordonne de vous mener en sa prĂ©sence. Digitized by Google L'A IJ HE SSE DE MONTMARTRE 313 — Me... mener en sa prĂ©sence? fit Marcel Ă©tonnĂ© de cette façon insolite d’ĂȘtre appelĂ© par Henri IV. — Tel est l’ordre de Sa MajestĂ©, rĂ©pliqua Praslin. — Je vous prĂ©cĂšde, mon ami, dit Sully Ă  Marcel. — DĂ©solĂ© de m’opposer au dĂ©sir de monsieur le surin- tendant, fit le capitaine. Le roi a dĂ©fendu l’entrĂ©e de son cabinet, comme j’ai dĂ©jĂ  eu l’honneur de le faire connaĂźtre Ă  monsieur le duc. ÉtonnĂ©, Sully suivit des yeux Marcel qui, de son cĂŽtĂ©, Ă©tait fort surpris et s’inquiĂ©tait mĂȘme de la maniĂšre dont le capitaine des gardes le conduisait vers le roi. Praslin, au lieu de le prĂ©cĂ©der, l’avait fait marcher devant lui, presque comme un prisonnier. Dans l’antichambre, notre officier se croisa avec le pĂšre Cotton, qui sortait du cabinet de Henri IV, et qui lui ren- dit son salut avec un singulier sourire. Leroi marchait Ă  grands pas dans sa chambre, un papier Ă  la main. DĂšs qu’il aperçut Marcel, Henri s’arrĂȘta brusquement et prit un de ces airs royaux qu’il avait dans les circonstances graves. D’un geste il congĂ©dia le capitaine des gardes, qui se re- tira, non sans interroger le roi du regard, et alla, sur un signe qu’il comprit, se placer derriĂšre la porte, l’épĂ©e Ă  la main. Henri IV fixa sur son officier favori un regard perçant, et lui dit lentement, en accentuant chacune de ses paroles — Cette fois, mon fils, je n’ai pas voulu agir et vous con- damner sans vous entendre. StupĂ©fait d’un pareil accueil, Marcel fut plusieurs in- stants sans pouvoir parler. Le roi ne le tutoyait plus, et ces mots mon fils , il ne les avait pas prononcĂ©s de la maniĂšre habituelle ; il y avait mis je ne sais quel ton Ăącre et amer. — Sire, balbutia l’officier, ces paroles... il 19. Digitized by Google 314 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Connaissez-vous cette signature? demanda Henri d’un ton sec, en montrant du doigt le paraphe de Marcel sur une feuille de papier, pliĂ©e en deux juste au-dessus de ce pa- raphe. — C’est la mienne, rĂ©pondit l’officier. — Vous l’avouez ! — Quel est cet Ă©crit, Sire? — Un acte infĂąme... votre condamnation. — InfĂąme condamnation ! rĂ©pĂ©ta Marcel au comble de la surprise. Il rougissait et pĂąlissait tour Ă  tour. L’accent du roi, ses soupçons ou plutĂŽt la conviction qu’il paraissait avoir de quelque crime odieux, sans que Marcel pĂ»t s’expliquer de quelle nature Ă©tait ce crime dont on l’ac- cusait, et comment sa signature se trouvait au bas d’un acte qualifiĂ© d’infĂąme, tout cela le troublait et le boule- versait. , . Henri l’avait observĂ© en silence. Il fut trompĂ© sur la nature des sentiments qui agitaient l’ñme de Marcel, et crut que ce grand trouble n’était, chez son perfide officier, que l’effet de la confusion de voir son forfait dĂ©couvert. — Malheureux! tonna le roi, tout vous coudamne, votre signature, votre visage, votre Ă©moi... Praslin ! Le capitaine des gardes apparut aussitĂŽt, l’épĂ©e nue. — ExĂ©cutez mes ordres ! lui cria le roi en se dirigeant brusquement vers une porte latĂ©rale. — Sire ! implora Marcel, daignez m’écouter, pour l’amour de Dieu, et ayez confiance en ma sincĂ©ritĂ©. — Je ne vous ai que trop Ă©coutĂ©, rĂ©pondit rudement le monarque, et ma confiance n’a Ă©tĂ© que trop aveugle... Monsieur de Praslin, emmenez cet homme ! A. ces mots, Henri disparut. — Votre Ă©pĂ©e ! dit le capitaine des gardes. Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 315 9 — La voici, monsieur ! rĂ©pondit Marcel tranquillement. Elle servit toujours loyalement Sa MajestĂ©. — Suivez-moi ! — OĂč me conduisez-vous aujourd’hui , car deux fois dĂ©jĂ  je suis sorti innocent de la Bastille et de la Tour du Palais? — Dans les cachots du Grand-ChĂątelet. Marcel frissonna. Il connaissait par ouĂŻ-dire les horribles cabanons de cette lugubre prison. Les gardes furent bientĂŽt devant la vieille tour fĂ©odale, d’une pierre si dure, disent les historiens, que le pic, en trois heures, n’en pouvait lever l’épaisseur du poing. » On fit entrer Marcel dans la sombre geĂŽle, dont les murs suintaient l’humiditĂ©, avant-goĂ»t des affreux cachots sou - terrains. LĂ , aprĂšs avoir inscrit son nom sur un registre, on lui demanda cinq sous pour son entrĂ©e il n’était que simple chevalier. Les gentilshommes d’un rang plus Ă©levĂ© payaient de 20 sous Ă  10 livres, les autres personnes de 8 Ă  12 de- niers, sauf les juifs auxquels on demandait 11 sous. — Vous aurez Ă  payer, en outre, dit le geĂŽlier, un de nier par nnit. Ces simples mots glacĂšrent d’effroi notre officier. Il savait quels Ă©taient les usages du Grand-ChĂątelet, et n’ignorait point que lĂ© prix du triste logement de ses di- I verses prisons Ă©tait proportionnĂ© au degrĂ© d’horreur du lieu. Il y avait dix-huit sortps de prisons dans les bĂątiments du Grand -ChĂątelet, reconstruits par Charles V. Dix d’entre elles Ă©taient supportables, puisque les lits y Ă©taient payĂ©s plus cher. C’étaient les ChaĂźnes, Beauvoir, La Motte, La Salle, les Boucheries, Beaumont, la GriĂšche j Beauvais, Barbarie et Gloriette. Les prisonniers y payaient Digitized by Google 316 L’ABBESSE DE MONTMARTRE l’hospitalitĂ©, par nuit, 4 deniers pour un lit, et 2 deniers pour la place. Quant aux autres prisons, oĂč l’on Ă©tait logĂ© pour un de- nier seulement, le nom de plusieurs en donnait une af- freuse idĂ©e. Il y avait la Gourdaine, le Berceau, V Entre-deux-Huis, la Fosse, le Puits, les Oubliettes... AprĂšs les Oubliettes, que pouvait-il y avoir de plus ? DĂ©jĂ , dans la Fosse, on Ă©tait obligĂ© de descendre les prisonniers par une ouverture pratiquĂ©e Ă  la voĂ»te du sou- terrain, comme on descend un seau dans un puits. C’était peu de chose encore , en comparaison de la Chausse d’Hypocras. Dans celle-ci, le captif avait les pieds dans l’eau, et ne pouvait se tenir ni debout ni couchĂ©. La forme du cachot Ă©tait celle d’un cĂŽne renversĂ©. Ordinairement le patient y mourait aprĂšs quinze jours de dĂ©tention. Mais il y avait pis ! On ne murmurait qu'avec Ă©pouvante le nom de l’ef- froyable lieu qu’on avait baptisĂ© Fin d'aise... Quel nom ! Il Ă©tait plein d’ordures, de bĂȘtes immondes et de rep- tiles... un cloaque hideux ! Pierre Gobert, un malheureux calviniste, qu’on y avait jetĂ© sous le rĂšgne de Henri II, y chanta pourtant des psaumes... mais il ne chanta que trois jours, dit-on ! VoilĂ  quel Ă©tait le luxe de pĂ©nalitĂ© dĂ©ployĂ© par nos pĂšres! Et il en est qui exaltent ce bon vieux temps !... C’était donc dans un des cachots de la seconde catĂ©go- rie dont nous venons de faire la sinistre Ă©numĂ©ration qu’on allait plonger Marcel. On ne lui demandait qu’un denier par nuit !... — Ah ! se dit-il en passant devant la Chambre criminelle , puisse le Seigneur Ă©clairer mes juges je n’ai plus que cet espoir. Il y avait Ă  la cour du ChĂątelet quatre sections l’Au- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 317 , -V dience du parc civil, celle du PrĂ©sidial, la Chambre du con- seil, la Chambre criminelle. La cour Ă©tait prĂ©sidĂ©e par le prĂ©vĂŽt, le lieutenant civil et le chevalier du guet; elle se composait, en outre, de cinquante-cinq conseillers et de dix conseillers honoraires. Le ChĂątelet avait, comme le Par- lement, sa Basoche de clercs. Marcel respira quand il vit s’ouvrir devant lui une des moins horribles prisons de la seconde classe, la Gour- daine. Toutefois, Ă  cĂŽtĂ© d’elle, la chambre qu’il avait occupĂ©e Ă  la Bastille pouvait passer pour un boudoir. Il se vit dans un cabanon de quelques pieds carrĂ©s, pres- que sans jour, humide, sentant le remugle gravĂ©olent et plein de miasmes morbifiques. Le cachot Ă©tait en partie au-dessous du sol de la cour. Point de meubles. Pour lit, une botte de paille ; une cru- che prĂšs de la paille ; dans un coin, un baquet. Que doit-ce ĂȘtre plus bas? pensa-t-il en frissonnant. 11 passa dans cette chambre infecte deux jours entiers, sans voir d’autre figure que celle du grossier porte-clefs qui lui apportait une soupe fĂ©tide et un morceau de pain noir. Dans la matinĂ©e du troisiĂšme, quand les verroux eurent glissĂ© avec leur bruit habituel, la porte s’ouvrit, et une blanche apparition, comme celle d’un ange du ciel, lui fit pousser une exclamation de joie. C'Ă©tait l’abbesse Marie de Beauvilliers ! Se jeter Ă  ses pieds, lui prendre les mains, les baiser avec transport, fut pour Marcel l’affaire d’un instant. — Avant tout, dit-elle, sortons d’ici, mon ami ! On y Ă©touffe. — La libertĂ© ! s’écria l’officier des gardes. — Non, hĂ©las ! Mais espĂ©rez ! — Vous avez vu le roi? — Pas encore je n’ai pu arriver jusqu’à lui. — Il me croit coupable cette pensĂ©e est pour moi plus Digitized by Google 318 L’ABBESSE DE MONTMARTRE insupportable encore que le sĂ©jour de cet affreux cachot. — Venez ! dit-elle en rentralnant. Elle avait obtenu du prĂ©vĂŽt siĂ©geant au ChĂątelet qu’on transfĂ©rĂąt Marcel dans une des prisons les moins incom- modes, dans celle de Beauvoir. Il y avait du moins lĂ  un lit, une table, deux chaises. Quand ils y furent tous les deux, Marie apprit Ă  Marcel* qu’elle u’avait pu voir, au Louvre, que le chancelier de Sillery. — Mais comment se fait-il, demanda-t-elle, que votre signature se trouve au bas de cette piĂšce, qui constitue un vĂ©ritable acte de haute trahison ? — Un acte de haute trahison ! s’écria Marcel. C’est dĂ©jĂ  lĂ  ce que m’ont fait comprendre les paroles du roi. — La chose n’est que trop rĂ©elle. D'aprĂšs ce que me dit monsieur le chancelier, en Ă©change du titre de Grand d’Es- pagne et de la main d’Alice, vous vous engagez, par cet acte, Ă  communiquer au ministre de Philippe III tous les secrets de votre souverain. — Mais c’est infĂąme ! Je n’ai jamais rien signĂ© de sem- blable. — L’écrit est datĂ© du 28 fĂ©vrier, et nous sommes au 4 mars. — C’est incomprĂ©hensible! Mon esprit s’y perd. — Voyons! rappelez vos souvenirs. N’auriez-vous pas, ce jour-lĂ , signĂ© quelque chose? Vous Ă©tiez allĂ© au chĂąteau de Verneuil. Une subite lueur Ă©claira l’esprit de Marcel. Il se frappa le front, en s’écriant — J’ai signĂ©, en effet... un Ă©crit, une simple dĂ©clara- tion. — Dans quel but ? — Mais ce serait horrible!... Cette femme serait un dĂ©- mon vomi par l’enfer. — Qui ? Henriette d’Entragues ? Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 319 Marcel raconta alors Ă  l’abbesse ce qu’au nom de la Compagnie de JĂ©sus la marquise avait exigĂ© de lui, pour prix de la rĂ©vĂ©lation promise et de la mise en libertĂ© d’Alice. Marie leva silencieusement les yeux au ciel, comme pour protester, au nom de la sainte foi catholique, contre le monstrueux abus que faisaient de la religion de JĂ©sus ceux qui prĂ©tendaient en ĂȘtre les plus zĂ©lĂ©s dĂ©fenseurs. Puis elle s’écria — Nul doute, il y a eu manigance perfide par des moyens de science condamnables. — AssurĂ©ment... Ab! les misĂ©rables! — J’irai voir la maçquise de Verneuil, dit avec rĂ©solu- tion l’abbesse Marie, en se levant. — Vous vous commettriez avec cette infernalfe crĂ©ature? — Il faut vous sauver... A bientĂŽt, Marcel! Deux heures aprĂšs le dĂ©part de la digne bĂ©nĂ©dictine, un conseiller de la cour, assistĂ© d’un greffier, vint pro- cĂ©der Ă  un premier interrogatoire de Marcel, qui , suivant la coutume, dut jurer sur l’Évangile de dire la vĂ©ritĂ©. Celui-ci rĂ©pondit nettement Ă  toutes les questions, et raconta au magistrat, ainsi qu’il venait de le faire Ă  l’ab- besse de Montmartre, ce qui s’était passĂ© entre lui et la marquise au chĂąteau de Verneuil. Il ajouta qu’il ne pouvait expliquer la prĂ©sence de sa signature au bas d’un Ă©crit, qu’il dĂ©savouait du reste de toutes les forces de son Ăąme, que pr quelque opĂ©ration aussi condamnable qu’habile. Tout se borna cette fois Ă  de simples questions et rĂ©- ponses, qui furent rĂ©digĂ©es par le greffier. L’instruction d’une alfaire criminelle ne marchait alors habituellement qu’avec une grande lenteur, Ă  moins que le roi, comme dans le procĂšs de Biron, n’eĂ»t ordonnĂ© fie faire diligence. Digitized by Google u 320 L'ABBESSE DE MONTMARTRE Quinze jours s’écoulĂšrent, au bout desquels seulement on revint donner suite Ă  l’information. On commença alors Ă  se livrer Ă  des interrogations cap- tieuses, tournant et retournant l’accusĂ© dans tous les sçns, suivant l’expression des auteurs du temps. Pendant huit jours on fatigua ainsi le prĂ©venu. Marcel Ă©tait excĂ©dĂ©, accablĂ©; il en avait la fiĂšvre, les tempes lui battaient. Comme il n'avait pu rien avouer, on l’avertit que la semaine suivante on le soumettrait Ă  la question prĂ©para- toire. On ajouta qu’on la lui infligerait indiciis manentibus , c’est-Ă -dire que, les indices Ă©tant rĂ©servĂ©s, le silence mĂȘme de l’accusĂ© ne pouvait empĂȘcher toutes sortes de condamnations. C’était horrible d’avance il Ă©tait condamnĂ©, qu’il avouĂąt ou qu’il n’avouĂąt pas. Le jour dit, on le mena dans la chambre aux tortures. Le tourmenteur et ses aides se trouvaient lĂ , avec les brodequins et leurs coins, ainsi qu’avec les outres pour la question par l’eau. C’étaient lĂ  habituellement les seuls moyens employĂ©s Ă  Paris. L’eau Ă©tait pour gonfler outre mesure le corps de l’accusĂ©. Par les brodequins, on lui Ă©crasait lentement les jambes. Mais, pour effrayer le prĂ©veuu et le dĂ©terminer Ă  faire des aveux ou des rĂ©vĂ©lations, on affectait parfois de lui mon- trer d’autres instruments de supplice en usage dans les divers prĂ©sidiaux du royaume. Devant Marcel, les questionnaires semblaient prĂ©parer les tenailles, au moyen desquelles on suspendait par les ongles ou l’on Ă©crasait les doigts, comme Ă  Rouen et Ă  Dieppe ; Digitized by GoogI L’ABBESSE DE MONTMARTRE 321 Les lames de fer qu’on introduisait entre les ongles et la chair, comme Ă  Metz; L’estrapade qui disloquait les os, comme Ă  Besançon. Les mĂšches soufrĂ©es qu’on allumait entre les doigts des mnins et des pieds, comme Ă  Lyon; L’huile bouillante qu’on distillait sur les jambes Ă  travers de grandes bottes poreuses, qui parfois prenaient feu et dĂ©voraient les membres, comme Ă  Autun. Enfin, il y avait la poire d’angoisse, l’escabeau de bois taillĂ© en pointe de diamant qui rappelait le pal, les osse- lets, le lit de fer sous lequel on mettait le feu. Puis le frontal, les escarpins, tout un arsenal d’engins, plus effrayants ou raffinĂ©s les uns que les autres. Sur un fourneau, on faisait rougir les ceps... — Dieu ait merci de mon Ăąme, et la benoĂźte Vierge ! murmura-t-il. Seigneur, assistez-moi! Le juge lui dit alors que, par grĂąces de Sa MajestĂ©, on ne lui appliquerait que la question ordinaire et sans rĂ©- serve; qu’ a insi on le renverrait libre, s’il n’avouait rien, aprĂšs avoir purgĂ© les indices qui avaient motivĂ© sa pour- suite. — Il s'est souvenu du passĂ©, pensa Marcel, mais il ne me laisse pas moins torturer. Et le luxe d’apprĂȘts qu’on dĂ©ployait devant lui semblait indiquer assez qu’on voulait ses aveux, et qu’on ne le tiendrait pas quitte Ă  bon marchĂ©. On le fit approcher de l’affreux chevalet. Le bourreau prĂ©parait les brodequins, le juge se dispo- sait Ă  interroger, le greffier Ă  Ă©crire les rĂ©ponses. » Une sueur froide commençait Ă  mouiller les tempes de l’infortunĂ© Marcel... Tout Ă  coup la porte de la salle s’ouvrit, et le prĂ©vĂŽt en personne parut, un papier Ă  la main, en criant — ArrĂȘtez!... Ordre du roil Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 3M DerriĂšre le prĂ©vĂŽt s’étaient prĂ©cipitĂ©s dans ce lieu fu- nĂšbre Gros-Michel et Gargantua. Marcel fut bientĂŽt dans les bras du premier, et de ceux- ci passa dans les bras du capitaine, qui le pressa contre son Ă©paisse poitrine de SilĂšne. — Qu’on mette monsieur en libertĂ© ! ordonna le magis- trat suprĂȘme du ChĂątelet. — Au Louvre ! lui dit Michel, tandis que de la geĂŽle, oĂč s’était faite la levĂ©e de l’écrou, Marcel et ses amis pĂ©- nĂ©traient dans le passage Ă©troit , obscur et humide qui conduisait la rue Saint-Denis. — Le dois-je, mon Dieu? rĂ©pondit l’officier. L’air de la / cour est funeste Ă  respirer. — Un des carrosses du roi nous attend dans la rue Saint-Denis. C’est lui qui nous a amenĂ©s. — Ah ! mein Gott , que c’est choli, ce garrosse, soupira Gargantua, et gu’on y est pien assis! On entraĂźna Marcel vers le lourd, mais brillant vĂ©hicule, qui roula vers le chĂąteau. Henri IV ne put cette fois que tendre la main Ă  son offi- cier chĂ©ri, tant il Ă©tait suffoquĂ© par les pleurs. Il l’attira contre son cƓur, au milieu des sanglots. Marie de Beauvilliers Ă©tait lĂ , souriante et heureuse. Marcel, qui ne doutait point que c’était Ă  elle qu’il devait son salut, la remercia avec transport. Il est temps de raconter comment l’abbesse Ă©tait par- venue Ă  le sauver, et pourquoi l’évĂ©nement avait Ă©tĂ© tant retardĂ©. DĂšs le lendemain de sa visite Ă  Marcel, dans le cachot de la Gourdaine, Marie Ă©tait montĂ©e sur une mule, pour se rendre, en compagnie de Michel, au chĂąteau de Ver-, neuil. Maislle n’y rencontra plus la marquise, et on ne put ou l’on ne voulut pas lui dire oĂč elle trouverait l’ancienne favorite. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 32 3 La pauvre abbesse alla jusqu’à Beaumont- lĂšs-Tours, croyant que Henriette d’Entragues s’y Ă©tait retirĂ©e. Mais celle-ci n’était pas plus Ă  Beaumont qu’à Verneuil. Bevenue Ă  Paris, l’infatigable bĂ©nĂ©dictine courut encore au Louvre plusieurs jours de suite, sans pouvoir obtenir une audience du roi. Une semaine se passa encore elle Ă©tait dĂ©sespĂ©rĂ©e. Depuis prĂšs d’un mois Marcel se trouvait au ChĂątelet, et elle connaissait les horreurs de la question. Enfin, le ciel la servit par l’entremise du frĂšre Corne, le pieux et loyal novice des jĂ©suites. FrĂšre CĂŽme Ă©tait venu Ă  Montmartre, pour rendre visite Ă  Gargantua et Ă  Michel. Ce dernier lui parla de ses peines et de ses transes rela- tivement Ă  l’officier des gardes, ajoutant que, pour par- venir Ă  le sauver, l’abbesse et lui avaient en vain cherchĂ© partout la marquise do Verneuil. — Mais elle est Ă  la maison de la Compagnie, prĂšs de la Porte Saint-Antoine, avait rĂ©pondu aussitĂŽt frĂšre CĂŽrne. Et Michel de courir au cloĂźtre et de donner cette nou- velle Ă  l’abbesse. Celle-ci se rendit immĂ©diatement avec le pĂątre et Gar- gantua Ă  la porte Saint-Antoine et se fit introduire auprĂšs de Henriette d’Entragues. Elle Ă©clata en vifs reproches contre la marquise, qui avait indubitablement, disait-elle, commis un acte odieux de perfidie en falsifiant la piĂšce^ignĂ©e par Marcel. Mais en vain voulut-elle provoquer dans l’àine de l’ar- tificieuse Henriette quelque remords de sa conduite indigne et de l'hypocrisie avec laquelle elle lui avait Ă©crit, en se couvrant du manteau de la religion et en affectant une contrition si loin de son cƓur. La marquise protesta qu’elle ignorait absolument ce qu’on loi voulait. Elle convint, il est vrai, qu’elle avait fait signer Ă  Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE m M. Marcel de Fontaine la dĂ©claration relative aux biens d’Alice, tuais qu’elle avait religieusement remis cette piĂšce entre les mains du P. Daubigny. Quant au reste, elle ne savait rien, ajouta-t-elle. — Eh bien! madame, soyez bonne et charitable, lui dit d’un ton suppliant Marie de Beauvilliers. Donnez-moi par Ă©crit une attestation comme quoi M. de Fontaine n’a signĂ© et n’a jamais cru signer que cet Ă©crit, et nul autre, en votre prĂ©sence, et je vous bĂ©nirai... Dans toutes mes priĂšres j’appellerai Sur vous les faveurs du ciel, je vous le promets. — Je ne puis, madame, rĂ©pondit encore hypocritement la marquise. Je ne puis rien Ă©crire de semblable avant d’avoir consultĂ© mon directeur spirituel ; et, pour le mo- ment, il est absent. — Mais le temps presse. A l’heure qu’il est, on met peut-ĂȘtre cet infortunĂ© Ă  la torture. Henriette d’Ëntragues ne put s’empĂȘcher de tressaillir, mais l’abbesse ne s’en aperçut pas. — Songez qu’un innocent souffre et va pĂ©rir, reprit Marie, les yeux pleins de larmes. Serez- vous impitoyable? — Je ne puis tracer des lignes qui pourraient compro- mettre l’Ordre auquel appartient mon directeur, rĂ©pondit la marquise froidement inflexible. — Venez alors au Louvre avec moi. Vous direz au roi... On eĂ»t montrĂ© le ciel ouvert Ă  l’ex-favorite, que son cƓur orgueilleux n’eĂ»t pas Ă©tĂ© plus vivement impressionnĂ© que par la perspective d’ĂȘtre reçu par le roi. Elle avait menti dans sa lettre Ă  l’abbesse, quand elle avait dit qu’elle avait rĂ©sistĂ© Ă  plusieurs invitations de Henri. Celui-ci paraissait l’avoir oubliĂ©e totalement, et ne lui avait jamais fait d’ouvertures depuis la conspiration des d’Entragues. Revoir le roi! c’était lĂ  son plus ardent dĂ©sir. Digitized by Google L'ABBESSE DE M J N T M A B T H E i25 Elle espĂ©rait reconquĂ©rir en quelques instants son empire d’autrefois, et trĂŽner de nouveau Ă  cĂŽtĂ© de la reine. Maintenant que tout espoir Ă©tait perdu d’approcher du trĂŽne d’une autre maniĂšre, elle se contentait de cette posi- tion secondaire, qui avait lait si longtemps son triomphe. — Quelques oeillades, pensait-elle, et il sera de nouveau Ă  mes pieds! — Nous irions au Louvre? s’écria-t-elle, l’Ɠil en feu. Vous me feriez parler au roi? — Je l’espĂšre. Écrivez quelques mots, dites au roi que vous avez des rĂ©vĂ©lations Ă  lui faire concernant monsieur de Fontaine, que vous savez innocent, et je ne doute pas que les portes ne s’ouvrent devant nous. AussitĂŽt l’ambitieuse Henriette prit du papier, et Ă©crivit ce que dĂ©sirait l’abbesse. Celle-ci lui fit mettre surtout que Marcel Ă©tait innocent. La marquise se couvrit le visage de son loup, et l’on se rendit au Louvre. Comme l’avait prĂ©vu Marie, le billet tendant Ă  rĂ©habi- liter l’officier dans l’esprit de Henri IV fit admettre aussitĂŽt les deux dames. Non-seulement le roi devait ajouter foi Ă  la dĂ©claration d’une femme qu’il savait l’ennemie jurĂ©e de Marcel, mais d’un autre cĂŽtĂ© le BĂ©arnais se sentait intĂ©rieurement heu- reux de revoir celle qu’il avait si longtemps aimĂ©e, et qui venait Ă  lui sous un prĂ©texte lĂ©gitime et charitable. Henri avait Ă©loignĂ© tout le monde. L’ancienne favorite commença Ă  se jeter Ă  ses pieds, en fondant en larmes. Elle fut relevĂ©e avec bontĂ©, et sentit avec joie que la main du roi, en saisissant la sienne, avait frĂ©mi. — Il est Ă  moi, pensa-t-elle. — Vous m’écrivez, chĂšre marquise, dit vivement le roi, que monsieur Marcel de Fontaine est innocent. Mon cƓur en serait bien heureux... Les preuves? Digitized by Google 326 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Elle ne pouvait se rĂ©tracter, et fit connaĂźtre Ă  Henri IV ce que nous savons. Le roi sonna immĂ©diatement. — Qu’on aille dans mon carrosse mĂȘme chercher mon- sieur de Fontaine!... Voici l’ordre de mise en libertĂ©! — Sire, dit Marie, il y a dans la cour deux braves cƓurs que vous rendriez bien heureux, si vous les chargiez de porter cette bonne nouvelle au prisonnier. — Ventre-saint-gris! vous avez raison, madame. C’est, je gage, mon gros capitaine Gargantua-SilĂšne, avec le fidĂšle pĂątre de Pailhat... Monsieur de Vitry, vous les en- verrez dans mon carrosse. Il Ă©tait tout joyeux, le bon Henri, de savoir Marcel inno- cent. — Le roi se mit Ă  causer avec la marquise, qui bientĂŽt joua de la prunelle si bel et si bien, minauda si merveilleu- sement, eut de si adorables sourires, que le vert-galant oublia son caprice nouveau, la belle Charlotte de Montmo- rency, princesse de CondĂ©. Marie observait avec inquiĂ©tude les manƓuvres de l’an- cienne favorite. Elle redoutait avec raison que le retour en faveur de Henriette d’Eulragues, toute dĂ©vouĂ©e aux jĂ©suites, ne dĂ©- tournĂąt le roi de ses grands projets, Ă  la veille d’ĂȘtre ac- complis, et ne l’y fĂźt mĂȘme renoncer tout Ă  fait. DĂ©jĂ  le BĂ©arnais, malgrĂ© la prĂ©sence de l’abbesse, se laissait aller aux vieux penchants de son cƓur. Il soupirait, prenait les mains de la marquise, les bai- sait... En peu plus, et il allait tomber Ă  ses pieds. — Sire! dit alors d’une voix grave Marie de Beauvilliers, est-ce le moment de vous livrer Ă  de semblables Ă©bats... et en ma prĂ©sence ? Songez Ă  vos desseins et Ă  la grande tĂąche que vous allez entreprendre, plutĂŽt qu’à ces frivo- litĂ©s. Vous n’avez que trop perdu d’annĂ©es aux pieds de cette dame. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 327 Henri tressailli, et se leva brusquement. Ces paroles sĂ©vĂšres, prononcĂ©es par une personne si dĂ©- vouĂ©e, l’avaient rappelĂ© Ă  lui. — Madame, dit-il Ă  la marquise et de son^ geste royal la congĂ©diant poliment, madame, il me reste Ă  vous remercier de votre bienveillante intervention en faveur du gentil- homme que j'aime, et de la franchise que vous y avez mise. Je ne l’oublierai point, et quand vous aurez une grĂące Ă  me demander, veuillez me l’écrire. Henriette d’Entragues se retira, blĂȘme de colĂšre, en lan- çant Ă  l’abbesse et au roi un regard foudroyant. Ce regard Ă©tait comme une menace de mort... Un quart d’heure aprĂšs, Marcel entrait dans le cabinet du roi. L’abbesse s’étant retirĂ©e bientĂŽt pour retourner Ă  Mont- martre, Sully et le chancelier Sillery furent mandĂ©s par Henri IV. Il y eut une confĂ©rence d’une heure sur l’affaire de ClĂšves et de Juliers. On Ă©tait embarrassĂ©. En vain avait-on expĂ©diĂ© au mar- grave de Brandebourg, Jean-Sigismond, un envoyĂ© pour le dĂ©terminer Ă  consentir, avec le palatin de Neubourg, Ă  l’intervention de la France, et Ă  appeler Henri IV Ă  leur secours. Le margrave avait rĂ©sistĂ©. Quoique protestant, il avait malheureusement souffert encore dans ses Etats les mem- bres de la Compagnie de JĂ©sus, et ceux-ci agissaient secrĂš- tement sur lui, on ne savait trop comment. Il les dĂ©testait, et pourtant il les tolĂ©rait. Comment faire? La fin de l’hiver approchait, et il fallait profiter du printemps pour commencer la campagne. — Sire, j’y songe, dit tout Ă  coup Marcel. Le capitaine Gargantua est du Brandeboug. Peut-ĂȘtre a-t-il encore des relations avec son pays. Si je le consultais... ^ — Au fait, oui, rĂ©pliqua le BĂ©arnais. L’ñne de Buridan , Digitized by Google 8 L’ABBI'.SSE DE MONTMARTRE pour autre chose que l’avoine, Ă©tait peut-ĂȘtre de bon con- seil... Va le voir, mon fils. Marcel trouva le capitaine dans la cour du Louvre, oĂč sa bonne face et sa grosse bedaine faisaient les dĂ©lices des pages et des laquais. Il parla au reĂźlre brandebourgcois de son pays et de son margrave, lui demandant si par hasard il n’avait pas quel- que avis Ă  lui donner sur la maniĂšre dont on pourrait sous- traire Jean-Sigismoud Ă  l’influence des jĂ©suites, et le dĂ©ci. der Ă  se tourner vers Henri IV. — Oh ! oh ! fit Gargantua en se grattant l’oreille. Che ne savrebas, moi... . — RĂ©flĂ©chissez bien, capitaine! Pour le gros retire, rĂ©flĂ©chir c’était une difficile besogne. Il aurait mieux valu lui demander d’accomplir les travaux d’Hercule. Gargantua plongea lentement la main dans la poche de ses larges braies, et en sortit non moins gravement une bougette de peau avec un instrument singulier, composĂ© d’un roseau et d’une espĂšce de creuset en terre cuite, dont Marcel ne connaissait pas l'usage. Le reĂźtre se mit Ă  extraire de la bougette une sorte d’herbe brune, sĂ©chĂ©e et hachĂ©e menue, qu’il fourra dans le creuset avec le pouce et l’index. — Qu’est-ce que cela? demanda Marcel. — C’est pon, ça... ça tonne tes itĂ©es. — Cette herbe!... vous voulez rire. — Che ne ris bas du dut, moi. Disant cela, Gargantua prit Ă©galement dans sa poche de l’amadou et un briquet, qu’il battit. — Qu’allez-vous donc faire, capitaine? demanda encore l’officier, dont la curiositĂ© Ă©tait Ă©veillĂ©e partout ce manĂšge. — Vumer te la nigodiane, mon bedit. — Fumer de la nicotiane! ... Mais je croyais qu’on ne la Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 329 prenait qu’en poudre, comme jadis la reine Catherine de MĂ©dicis. — Oh ! les femmes, ils ne salent chaĂźnais gomment ou se sert des ponnes joses. On sait que le tabac avait Ă©tĂ© introduit en France par Jean Nicot, ambassadeur du Portugal, qui avait fait cadeau d’une petite quantitĂ© en poudre Ă  Catherine de MĂ©dicis. A cette double circonstance il dut d’ĂȘtre primitivement dĂ©si- gnĂ© chez nous sous les noms de nicotiane et d'herbe Ă  la reine. On l’appela aussi herbe du grand- prieur, parce qu’un prince de la maison de Lorraine, qui Ă©tait grand-prieur de Fi ance, contribua beaucoup Ă  le mettre Ă  la mode. Le mot de tabac, qui vient des rouleaux tabaccos, ne prĂ©valut que beaucoup plus tard. Au commencement du seiziĂšme siĂšcle, les Espagnols introduisirent en France la coutume de fumer la nicotiane, soit en feuilles roulĂ©es, soit dans des pipes. Mais le tabac ne devint d’un usage gĂ©nĂ©rai que cinquante ans plus tard. — Eh bien ! capitaine, les idĂ©es viennent-elles? demanda Marcel, qui voyait les grosses joues du relire se gonfler et ses lĂšvres Ă©paisses lancer la fumĂ©e autour de lui, Ă  la grande joie des pages, qui se le montraient du doigt. — Dut ducement, rognonna Gargantua en continuant d’exhaler ses bouffĂ©es. — Voyons!... le roi attend. — Eh pien ! gu’il addende ch’avre pieu addendu un mois, bur avoir votre mise en liperdĂ© Et Gargantua fuma de plus belle. — Oh!... ah!... oh!... fit-il tout Ă  coup, en levant un doigt dans l’air comme un magot de la Chine. — Qu’est-ce? demanda Marcel. — la, ia... der Teufel ! c’est pien ça... ta, ia. — Qu’avez-vous donc, capitaine ? % ^ U 20 Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE Ml V LA MAISON DU PONT NOTRE-DAME. Du sachet que le capitaine Gargantua venait d’extraire de son pourpoint avec tant de prĂ©caution, il tira un objet gros comme une fĂšve, mais tout brillant. Tenant cet objet aussi dĂ©licatement que ce fĂ»t possible Ă  ses gros doigts, qui ressemblaient Ă  de petits saucissons de Francfort, il le fit miroiter au soleil. — Voyez-vus? demanda-t-il en clignant de l’Ɠil. — On dirait un pur parangon !... Il a des reflets merveil- leux des Ă©tincelles semblent en jaillir. — C’est un vrai tiamant, mon bedit Marcel ! — Un diamant ! D’oĂč tenez-vous cet admirable joyau ? — ÀhlfoilĂ ... Mais laissez-moi t’apord direr guelgues pouffĂ©es. Buis, che vus ragonderai le bedit histoire. — Une histoire comme celle de votre femme du Bran- debourg ? — Ah ! bauvre Gretehen !... C’est burdant elle qui m’a valu ce tiamant. — Voyons l’histoire, en ce cas! Gargantua reprit la narration du cachot et de la pen- daison de l’aimable bourreau de Turin, Matteo Ruffio, au point oĂč il l’avait laissĂ©e Ă  Pont-de-Beauvoisin, quand les spasmes de l’indigestion l’avaient pris aprĂšs son imprudente goinfrade. — Et ce diamant, s’écria Marcel, est celui des margraves de Brandebourg ? — Auguel ils denaient gomme Ă  la brunelle de leurs yeux, avre tit l’Idalien... ia, ia. — Mais en ce cas, on pourra... Digitized by Google 332 I/ABBESSE DE MONTMARTRE — Ia,ia... buisgue l’Idalien tu tiable il ni’avre titgue le magraf tonnerait che ne savre guui poitr le ravoir. — Mais votre idĂ©e est admirable, capitaine. — Oh ! ch’en avre quelguefois gomme ça, guand... — Vous ne les rĂ©vĂ©lez pas souvent. — Guand un gamarade m’y aide un beu, dit modeste- ment le reĂźtre en achevant sa phrase. — Un camarade ? — la, ia... du bays. Ch’avre chobinĂ© hier avec luiauga- baret du Feau-qui-dĂȘte, devant le ChĂądelet, oĂč debuis un mois che puvais chaque soir, en vus addendant. — Et que vous disait ce camarade ? — Un cbeune reĂźtre... pien chentil il avre bayĂ© cinq bintes de fin... Il arrife du bays. — Comment enfin ce jeune reĂźtre du Brandebourg vous a-t-il aidĂ© Ă  avoir cette idĂ©e mirifique? — VoilĂ  le margraf, il n’aime bas les cbĂ©suites, mais gomme ils lui ont bromis de ravoir ce peau tiamant de sa gouronne, il les audorise Ă  resder au bays. — A merveille ! nous lui permettrons de se passer et de se dĂ©barrasser d’eux... Je ne suis Ă©tonnĂ© que d’une chose c’est de la grossiĂšretĂ© du moyen pour se maintenir, de la part d’esprits aussi fĂ©conds que les jĂ©suites. — la, ia... Et mĂŽme gue, dans le bays, on groit que ce sont les chĂ©suites qui embĂȘchent le margraf de se meddre avec Henri Quadre. Marcel n’avait pas besoin d’en entendre davantage. Il gravit rapidement le grand escalier, et courut au cabinet du roi, oĂč se trouvaient encore Sully et Sillery. — Sire, s’écria-t-il tout joyeux, envovez-moi dans le Brandebourg. Je rĂ©ussirai. — Tu as donc un talisman ? demanda Henri en voyant la confiance peinte sur le visage de l’officier. — Un talisman, c’est le mot. Gargantua le possĂšde. Je vbus rapporterai la rĂ©ponse voulue. . — Va, mon fils, brĂ»le le pavĂ© ! Mes postes sont Ă  ton Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 333 service. Quant Ă  moi, je vais commencer Ă  concentrer mes armĂ©es, et, ventre-saint-gris ! dĂšs que tu m’auras rapportĂ© le consentement du margrave, je tirerai l’épĂ©e comme Ă  Coutras, Ă  Fontaine-Française et Ă  Ivrv. — Faut-il partir ce soir mĂȘme ? Marcel songeait Ă  Alice, sa fiancĂ©e. — Demain matin, dit le roi. Je vais expĂ©dier Ă  l'heure mĂȘme un coureur de mes Ă©curies, pour te faire prĂ©parer les relais jusqu’à la frontiĂšre, afin que tu ne perdes pas une minute en route... Combien de chevaux? — J’emmĂšne le capitaine Gargantua et Michel. Quatre chevaux ne seront pas de trop, en cas d’accident entre deux relais. — Dont un des plus robustes^ pour notre Ă©norme reĂźtre. On y veillera. Les postes, Ă©bauchĂ©es seulement par Louis XI, avaient reçu une organisation plus parfaite de Henri IV, et des itinĂ©raires rĂ©guliers ‱ avaient Ă©tĂ© Ă©tablis de ville en ville jusqu’aux principaux points de chaque frontiĂšre. MĂȘme- dans tous les bourgs et bourgades, suivant l’édit de 1597, on avait créé des relais et des maistres particuliers pour chacune traite et journĂ©e. » Comme Marcel traversait la galerie, chacun lui demanda pourquoi il avait l’air si heureux, la mine si riante, aprĂšs avoir passĂ© un mois au Grand-ChĂątelet. Le chevalier de Castaignac se montrait un des plus em pressĂ©s. — HĂ© ! cadĂ©dis, dit notre Gascon, jamais je ne vous vis aussi souriant et Ă©panoui. Quelle bonne aubaine vous trans- forme de la sorte, mon cher .monsieur de Fontaine? — C’est que je pars pour l’Allemagne, et je suis heureux pour deux raisons. — Lesquelles, s’il vous plaĂźt? — D’abord parce que je suis sĂ»r d’y rĂ©ussir pour le ser- vice du roi, ensuite... / Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 3 . 1 $ — Ensuite? HĂ© ! inilladious, Ă  votre front qui rougit, e gage qu’il y a quelque amour sous jeu. — Comme vous le dites, mon cher monsieur de Cas taignac. — Ah! l’Allemagne! soupira le cadet... L’Allemagne est un vrai pays de cocagne, dit-on, pour les femmes et ‱ l’amour. — Vous ĂȘtes ingrat envers la France, rĂ©pliqua Marcel, rendu de bonne humeur par l’espĂ©rance aux rĂȘves d’or. — Que non, mordious ! mais on m’a assurĂ© que ce pays Ă©tait couvert de sentimentales baronnes, et que de riches veuves douairiĂšres y raffolaient surtout de nous autres Français... — Quand ils ont bonne mine et le coeur bien nĂ©, ajouta en riant l’heureux Marcel. Le cadet n’était plus qu’un grison, mais il n’était pas moins restĂ© godelureau et fort satisfait de lui-mĂȘme, comme par le passĂ©, bien qu’il n’eĂ»t jamais eu Ă  se flatter du nombre de ses aventures galantes, ou de leur succĂšs. NĂ©anmoins, aux malignes paroles de l’officier des gardes, il se rengorgea comme un paon qui fait la joue. La main fiĂšrement posĂ©e sur la coquille de sa coliche- inarde, se tortillant la moustache sous son long nez en harmonie avec ses jambes, il se cambra majestueusement et repartit avec un air superbe. — HĂ© 1 inilladious, si le chevalier de Castaignac parais- sait en Allemagne, je gage que toutes les dames rendraient hommage Ă  sa belle prestance et lui demanderaient l’au- mĂŽne de son cƓur... En noble paladin et chevalier, je leur octroierais un courtois retour. — Pourquoi n’iriez-vous pas avec moi? demanda Marcel en plaisantant. Mais le cadet de Gascogne prit la balle au bond, et s’écria avec empressement — Vous le permettez !... Tope ! je suis des vĂŽtres... A Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 335 — SĂ©rieusement, vous voudriez... — De ce pas je cours le demander au reyot, du moment que vous y consentez. Le roi ne refusa point, et Marcel se dit qu’il avait bien fait de parler Ă  Henri de quatre chevaux pour le voyage. Notre officier profita du reste de la journĂ©e pour aller faire ses adieux et rĂ©veiller l’espoir au cƓur du vieux che- valier du Bosc. L’abbesse, en lui faisant ses recommandations, lui remit un flacon. — C’est un antidote souverain, dit-elle, contre maint poison. J’en suis toujours pourvue ici, ajouta-t-elle avec un soupir. — Vous craindriez donc, madame, qu’on essayĂąt... — HĂ©las ! il est des gens capables de tout ; mĂȘme l’habit religieux, comme vous le savez, recouvre des Ăąmes crimi- nelles. Souvenez-vous de votre mĂšre Jeanne qui, un jour, but du poison que l’on me destinait. Le lendemain, au moment oĂč Marcel allait se mettre en route avec ses trois compagnons, un petit embarras, suscitĂ© par Gargantua, retarda le dĂ©part de quelques heures. Le relire, Ă  cause de son embonpoint devenu vraiment phĂ©nomĂ©nal, ne pouvait plus mettre spn casque et encore moins sa cuirasse. En vain essaya-t-on de le persuader de se passer de ces piĂšces d’annure, puisqu’on n’allait pas en guerre on ne put lui faire entendre raison. — No, no, criait-il Ă  tue-tĂšte,je suis un retire, der Teufel! et un relire doit avoir un gasque et une guirasse. Il fallut se rendre avec lui Ă  l’Arsenal, mais il fut impos- sible d’y trouver une cuirasse qui allĂąt Ă  sa corpulence. Un casque du rĂšgne de Philippe-Auguste le coiffa passa- blement encore la tĂȘte de Gargantua n’avait pas augmentĂ© de volume dans la mĂȘme proportion que le corps. Comme l’enfant du Brandebourg tenait absolument Ăą Digitized by Google 336 L'ABBESSE DE MONTMARTRE reparaĂźtre convenablement dans son pays, et qu’il voulait mordicus que son torse prĂ©cieux fĂ»t, Ă  la façon des reĂźtres, bardĂ© de 1er, on exhuma de la poussiĂšre qui la couvrait une cotte de mailles du temps de la premiĂšre croisade, et ayant dĂ» servir Ă  quelque colosse normand de l’époque. Laissons nos quatre compagnons sortir de Paris, pour gagner la frontiĂšre d’Allemagne, et voyons si, malgrĂ© les relais de poste prĂ©parĂ©s Ă  l’avance par le coureur des Ă©curies du roi, quelque personnage suspect ne les a point dĂ©jĂ  prĂ©cĂ©dĂ©s de plusieurs heures dans la direction du pays d’outre-Rhin. En sortant du Louvre, la marquise de Verneuil, ayant remis son loup sur son visage, avait regagnĂ© en toute bĂąte, au trot prĂ©cipitĂ© de sa mule, la maison des JĂ©suites prĂšs de la porte Saint-Antoine. Elle avait la rage au coeur, et ses lĂšvres ne murmuraient que des paroles de haine et d’abominables menaces de mort. — Le pĂšre Daubigny est-il dans sa cellule ? demanda- t-elle rapidement au frĂšre CĂŽme, qu’elle trouva dans la cour du GesĂč, disant son chapelet. — Madame la marquise, rĂ©pondit humblement le novice, le rĂ©vĂ©rend pĂšre est sorti. — Jour de Dieu ! il faut pourtant que je lui parle, s’écria-t-elle en frappant du pied le pavĂ©, sur lequel elle venait de s’élancer lĂ©gĂšrement. — Si madame veut permettre que je la conduise, elle le verra bientĂŽt. — OĂč est-il? Je veux le voir, n’importe oĂč. — Il m’a chargĂ© d’attendre madame, et de la mener auprĂšs de lui. — Que ne le disiez-vous donc ! reprit Henriette en se re- mettant aussitĂŽt en selle. Marchons ! FrĂšre CĂŽme, prĂ©cĂ©dant la marquise, la fit redescendre la rue Saint-Antoine et, par les ruelles qui entouraient Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 317 l’HĂŽtel de ville, gagna la rue Planche-Mibray et le pont Notre-Dame, sur lequel il s’arrĂȘta devant la mĂȘme maison oĂč s’est dĂ©jĂ  passĂ©e une scĂšne de notre rĂ©cit. LĂ , le novice frappa trois coups d’une certaine façon. BientĂŽt un petit guichet s’ouvrit, et le visage tout ridĂ© d’une septuagĂ©naire se montra pour demander — Qui est lĂ ? — Ouvrez, dame Brigitte, rĂ©pondit frĂšre CĂŽme. — Un verrou glissa dans ses crampons, et la porte tourna sur ses gonds pour livrer passage Ă  la marquise et Ă  son conducteur. La mule avait Ă©tĂ© attachĂ©e par le novice Ă  l’anneau de la maison voisine, qui Ă©tait un cabaret, et re- commandĂ©e au maĂźtre du lieu. Henriette d’Entragucs, ayant retirĂ© son loup, fut intro- duite dans la piĂšce Ă  la trappe que nous connaissons, et oĂč l’attendait Daubigny. Le novice, restĂ© dans l’anti- chambre, se remit dĂ©votement Ă  Ă©grener son rosaire. — Pourquoi vous trouvĂ©-je dans ce sombre logis, mon pĂšre? demanda vivement la marquise. — Parce que dĂ©sormais, pour nos rĂ©unions, il faut prendre les plus grandes prĂ©cautions, et que les allĂ©es et soupçons GesĂč de diverses gens pourraient Ă©veiller des venues au dont il faut se gardar. — Vous ĂȘtes prudent, mon pĂšre. — La prudence est la mĂšre de la sĂ»retĂ©. — Mais elle nuit Ă  la rapiditĂ© de l’exĂ©cution. — Celle-ci ne sera que mieux prĂ©parĂ©e... Il faut, du reste, au moment oĂč nos plans vont entrer dans une voie nouvelle, puisqu’ au lieu de n’avoir en vue que des per- sonnages secondaires, c’est au chef lui-mĂȘme que les cir- constances nous obligent Ă  nous attaquer; il faut, dis-je, avoir le plus grand soin, en cas de succĂšs mĂȘme, qu’on ne puisse incriminer notre Ordre... — Je comprends, mon pĂšre, s’écria la marquise avec Digitized by Google L’A BRESSE PE MONTMARTRE ’.ss une joie diabolique, et je suis aise qu’enfin vous son- giez Ă ... — La Compagnie doit rester complĂštement en dehors; il faut qu’elle puisse, au besoin, me renier et condamner mon acte... J’ai d’avance fait le sacrifice de uiavieetde mon nom, pour la gloire de Dieu et de son Église. — Ainsi, c’est dĂ©cidĂ©? demanda Henriette d’Entragues en serrant 1rs dents. — Vous y mettez une ardeur, mon enfant!... Vos yeux lancent des flammes. Que vous est-il arrivĂ©? La marquise confessa au profĂšs la fausse dĂ©marche qu’elle avait faite auprĂšs du roi, croyant ressaisir le sceptre de sa domination. — Dans l’intĂ©rĂȘt de l’Église et de votre Ordre, s’em- pressa-t-elle d’ajouter. — Et vous ayez fait mettre en libertĂ© cet odieux aven- turier? — HĂ©las! mon pĂšre, pardonnez-moi le but Ă©tait saint... Mais sans doute vous attendez ici une autre personne que moi? — J’attends le due d’Épernon. Je suis mĂȘme impatient de ne point le voir arriver, il est temps de combiner tout pour la rĂ©ussite. — Avez-vous appris du nouveau? — A mesure que nous approchons du printemps, les signes se multiplient. Loin de tenir compte des remon- trances du Saiut-PĂšre, et de renoncer Ă  la guerre, le BĂ©ar- nais s’y prĂ©pare plus que jamais. De plus, il a travaillĂ© toute l’Europe par ses agents. — Les princes protestants d’Allemagne... — Avant tout. 1 a mĂȘme attirĂ© Ă  lui des souverains catholiques, le duc de Savoie en tĂȘte. — Comment savez-vous cela, mon pĂšre? — Notre sainte milice n’est-elle pas rĂ©pandue en tous lieux, et n’a-t-elle pas su conserver ses positions par tous Digitized by Google 1/ AD b KS SE DE MONT MA DIRE 339 les moyens possibles, mĂȘme Ă  certaines cours luthĂ©riennes? C’est grĂące Ă  nous que le margrave de Brandebourg a rĂ©- sistĂ© jusqu’à prĂ©sent aux sollicitations les plus pressantes. Mais... — Vous craignez qu’il ne Unisse par cĂ©der? — Le stratagĂšme employĂ© pour le maintenir dans sa rĂ©solution est si grossier ! Mais nous n'avons pas toujours le choix des moyens. — Et quel est ce stratagĂšme ? — Un beau diamant de la couronne des margraves a Ă©tĂ© volĂ© il y a bien des annĂ©es, du temps du grand-pĂšre de Jean Sigismond. Les deux successeurs de l’aĂŻeul l’ont toujours regrettĂ©, et Dieu sait Ă  quelles recherches ils se sont livrĂ©s pour le dĂ©couvrir. — Sans pouvoir y parvenir ? — Le voleur, un Italien du nom d’Àngelo Oneste... — Ange HonnĂȘte ! joli nom pour un larron ! — Ne put jamais ĂȘtre retrouvĂ©. — Et les rĂ©vĂ©rends pĂšres du Brandebourg... — Ont su caresser la manie des margraves, en promet- tant qu’ils finiraient par connaĂźtre le voleur et ravoir le diamant, grĂące Ă  leurs relations multipliĂ©es et aux ramifi- cations de notre puissante sociĂ©tĂ©. On entendit en ce moment le signal des trois coups Ă  la porte de la maison. » — C’est sans doute le due, dit le profĂšs. Quelques minutes aprĂšs, la vieille vint annoncer qu’un inconnu, disant venir du Louvre, se prĂ©sentait de la part de M. Toncot. Daubigny ordonna de faire entrer l’inconnu. — M. Toncot? demanda la marquise Ă©tonnĂ©e. — Un personnage de la cour, insinua Daubigny avec un sourire. — Je n’y connais personne de ce nom, mon pĂšre. — Les anagrammes ne sont-ils pas de mode ? — Je cherche en vain, dit Henriette en rĂ©flĂ©chissant. Digitized by Google 340 L’ABBESSE DE MONTMAKTRE Le jĂ©suite se pencha k sou oreille et lui souffla un nom. — Ah ! fort bien, murmura la marquise. H y a du nouveau, mon enfant, et quelque chose de fort grave, pour qu’un pareil message m’arrive. Un grand gaillard fut introduit. Une lettre du padre, dit-il avec un accent italien prononcĂ©. — Vous appartenez k la maison de M. Concini? demanda le profĂšs en dĂ©cachetant la missive. — Si, signora. Je me nomme Risaccazza. Daubigny lut, et, k mesure qu’il avançait daus la lec- ture, son front se plissait. — Dites au pĂšre, recommanda-t-il Ă  Risaccazza quand il eut terminĂ©, que j’ai pris bonne note de ses avertisse- ments. L’envoyĂ© italien se retira en saluant. , — La lecture de celte lettre a assombri votre front, mon pĂšre, fit observer la marquise. Lisez, ma fille, et dites si ces nouvelles ne sont pas de la plus haute gravitĂ©. Comme elle allait prendre connaissance de la missive, le duc d’Épernon ouvrit la porte. — Vous arrivez bien, duc, lui dit le profĂšs. Ecoutez ce qu’on m’écrit. Henriette d’Enlragues lut k haute voix. Le billet de monsieur Toncot annonçait que le roi, aprĂšs avoir reçu avis de la mort du duc de ClĂšves et de Juliers, allait saisir l’k-propos de la compĂ©tition rela- tivement k l’hĂ©ritage princier, pour intervenir en Alle- magne et commencer la guerre contre la maison d’Autriche. On envoyait l’officier des gardes, Marcel de Fontaine, sorti des "prisons du ChĂątelet, vers le margrave de Brandebourg... — OĂč le damnĂ© chenapan, interrompit Daubigny en grinçant des dents, trouverait peut-ĂȘtre la fille, bien que Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 34 » le lansquenet, revenu hier, l’ait fait changer de monas- tĂšre... Mais j’y songe... Il appela frĂšre CĂŽme et lui ordonna de courir Ă  la taverne du Pot d'Ă©tain, et d’en ramener immĂ©diatement le lans- quenet Claude le Lorrain. — Allez-vous le renvoyer en Allemagne, mon pĂšre? demanda Henriette. — Sans aucun retard... il faut que ce maudit aventurier pĂ©risse avant d'arriver Ă  Brandebourg. — La chose sera peut-ĂȘtre difficile, car monsieur Toncot ajoute que l’officier des gardes part avec trois valeureux compagnons, le capitaine Gargantua, maĂźtre Michel le gĂ©ant et le chevalier de Castaignac. — Nous sĂšmerons la route d’embĂ»ches. Il sera impos- sible qu’il Ă©chappe Ă  toutes. — Ne nĂ©eligez rien, dit vivement la marquise. Non- seulement il peut retrouver sa fiancĂ©e... — Et le double hĂ©ritage nous Ă©chapperait. — Mais encore, reprit Henriette, d’aprĂšs ce qu’écrit monsieur Toncot , cet officier de malheur a dĂ©clarĂ© au roi qu’il Ă©tait sĂ»r de rĂ©ussir auprĂšs du margrave, qu’il avait un talisman certain. — Un talisman ! s’écria d’Épernon. — Ce sont les propres paroles prononcĂ©es par cet in- trigant. Monsieur Toncot termine en disant qu’il a tout Ă©coutĂ© derriĂšre une portiĂšre, sur les marches de l’escalier secret. Le roi avait avec lui, dans son cabinet, Sully et Sillery. — Eh bien ! qu’en dites-vous, monsieur le duc? demauda le pĂšre ĂŒaubigny. — Je dis qu’il n’y a plus Ă  hĂ©siter, s’écria d’Épernon avec emportement, et que, suivant vos propres paroles, il est temps de mettre la volontĂ© du roi dans l’impossibilitĂ© d’agir. » L’ancienne favorite de Henri IV ne se trompa point sur U 9 bonne rĂ©compense, que l'homme, aprĂšs s’ĂȘtre bien fait prier, consentit enfin Ă  se risquer. Les chevaux furent tirĂ©s dans la barque, non sans se cabrer et hennir d’inquiĂ©tude. Le batelier s’assit Ă  l’arriĂšre du bachot, et avec sa gaffe poussa le petit bĂątiment au large. Puis, dĂ©posant la gaffe Ă  sa droite, il saisit la godille, aviron qui sert Ă  manƓuvrer Ă  la poupe, et dirigea l’em- barcation. Il eut besoin de toutes ses forces et de toute son habiletĂ© pour lutter contre le torrent, et ne pas ĂȘtre entraĂźnĂ© ou tournoyer. DĂ©jĂ  on Ă©tait au milieu de la riviĂšre, et nos amis regar- daient vers la rive opposĂ©e, lorsque tout Ă  coup, aprĂšs s’ĂȘtre baissĂ© un instant, le batelier bondit hors de la barque, sauta dans le batelet, coupa lestement l’amarre; puis, avec la gaffe qu’il avait saisie, il poussa fortement le bachot et se dirigea sur l’üle. Michel fut le premier qui s’aperçut que le bateau sur lequel ils se trouvaient allait un peu Ă  la dĂ©rive. En mĂȘme temps, un bruit sourd et un clapotement frap- pĂšrent ses oreilles. Il se retourna. Une exclamation d’effroi s’échappa de sa bouche. Par un large trou dans le fond plat, derriĂšre un rable solive qui traverse le fond, l’eau jaillissait Ă  gros bouil- lons. Le cri de Michel ayant averti du danger ses compagnons, tous se prĂ©cipitĂšrent vers la voie d’eau, tandis que le per- fide batelier faisait force de rames pour s’approcher de l’üle. DĂ©jĂ  ils avaient de l’eau jusqu’à la cheville. En vain essaya-t-on de boucher le trou avec la couver- ture d’un des chevaux. — Nous enfonçons ! cria Michel, qui s’était redressĂ©. En effet, la barque, devenue immobile, coulait Ă  foud len- tement 22 . Digitized by Google 370 L'ABBESSE DE MONTMARTRE — Der Teufel ! hurla le reĂźtre, en montrant le poing an batelier. Du me le bayeras, doi ! Et tirant un de ses pistolets des arçons, il le fourra entre sa poitrine et la cotte de mailles, pour qu’il ne fĂ»t pas mouillĂ©. — Ah ! le Franciscain ! ajouta Michel en apercevant, de son cĂŽtĂ©, sur une Ă©minence, le froc brun et le capuchon du moine qui contemplait cette scĂšne. — Savez-vous nager ? demanda Marcel Ă  Castaignac. — Un peu... bien peu, rĂ©pondit le Gascon tout pĂąle, quoiqu’il se fĂ»t vantĂ© d’avoir pris un bain dĂ©licieux dans la Garonne inondant le chĂąteau de ses pĂšres. — Michel et moi, nous vous aiderons. — Mais moi, Der Teufel! ch’envoncerai c’hĂšdreunbeu lurd. On voit que, dans cette extrĂ©mitĂ©, chacun reconnais- sait ce qu’il savait ĂȘtre la vĂ©ritĂ©. Le Gascon h’était plus vantard, et le reĂźtre ne se disait plus si choli homme. — Doue, Ă  la grĂące de Dieu ! dit encore Marcel. Aidons- nous de nos chevaux, et tĂąchons de gagner ce radeau de bois amarrĂ© au bord de la riviĂšre. La barque se dĂ©roba bientĂŽt sous les pieds des chevaux. ChargĂ©s de leurs cavaliers, ceux-ci se mirent Ă  nager. Marcel fut le premier qui, en dirigeant bien sa monture, atteignit le radeau. U se cramponna k l’une des perches courbĂ©es eu ber- ceau qui servent k la manƓuvre de l’aviron, et s’y hissa ; puis, faisant faire le tour du train de bois Ă  l’intelligente bĂȘte, il l’aida k prendre pied sur la rive. Michel et Castaignac avaient imitĂ© l’exemple, et se virent bientĂŽt Ă  cĂŽtĂ© de l’officier des gardes. Restait le malheureux Gargantua. Son cheval Ă©tait, comme lui, plus lourd que les autres. Aussi n’obĂ©it-il pas Ă u mors. En revanche, ses larges flancs offraient plus de rĂ©sistance Ă  l’eau, et il en Ă©tait portĂ© Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 371 naturellement. Son instinct le fit se diriger droit sur l'tle. Le batelier, voyant arriver sur lui le gros reĂźtre, voulut l’empĂȘcher d’aborder, en lui allongeant un furieux coup de sa gaffe. Mais Gargantua avait aperçu le traĂźtre derriĂšre un saule, et, au moment oĂč le fer crochu du harpon s’abattait sur son Ă©paule dĂ©fendue par la cotte de mailles, un coup de pistolet retentit. Le marinier fĂ©lon tomba, la tĂȘte fracassĂ©e. En s’aidant des branches des saules, Gargantua put enfin atterrir ; aprĂšs quoi, il tira son cheval Ă  lui. — Ah ! mein Gott , oĂč est mon bedit Marcel ? Ce fut la premiĂšre prĂ©occupation du digne capitaine. La deuxiĂšme fut plus Ă©goĂŻste. — Der Teufel ! marmotta-t-il aprĂšs avoir jetĂ© les yeux tout autour de lui et avoir reconnu avec joie l’officier des gardes sur l’autre rive. Der Teufel! me voilĂ  dans une Ăźle . tĂ©serte... Bas le moindre bnchon ! Marcel et ses deux compagnons Ă©taient tout aussi en peine de leur ami, que Gargantua lui-mĂȘme. On ne voyait Ăąme qui vive Ă  la ronde. Le Franciscain mĂȘme avait disparu. Comment faire? Comment dĂ©livrer le pauvre diable ? Michel finit par dĂ©couvrir Ă  quelque distance de l’endroit oĂč ils Ă©taient, derriĂšre un tournant muni d’une estacade, un bateau de dimension convenable pour pouvoir y risquer le sauvetage du nouvel Ulysse, qui se lamentait dans son Ăźle, si dĂ©pourvue de toute Calypso. On laissa pĂąturer les chevaux, et les trois amis se mi- rent Ă  ramer vers le lieu oĂč l’infortunĂ© reĂźtre lançait dans les airs tous les jurons de son vocabulaire tudesque. On n’y aborda qu’aprĂšs mille difficultĂ©s, car il avait fallu re- monter le courant. Gargantua ne se calma que lorsqu’il se revit sur la terre ferme, et son premier soin fut de se jeter sur la valise de Digitized by Google 372 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Michel, qui, ce jour-lĂ , avait Ă©tĂ© chargĂ© des provisions de route. Dieu sait avec quelle aviditĂ© il dĂ©vora la moitiĂ© d’uu gigot, pour se remettre en son Ă©tat normal aprĂšs la vio- lente crise qu’il venait de subir. Le soleil avait reparu, et grĂące Ă  ses rayons on put se sĂ©cher, tout en dĂ©jeunant. On espĂ©rait atteindre dans la journĂ©e encore la grande et cĂ©lĂšbre ville de Magdebourg, mais un nouvel incident fit que le galant Gascon ne voulut jamais consentir Ă  con- tinuer la route ce jour-lĂ . Comme on approchait d’une maison rustique d’appa- rence assez aisĂ©e, on entendit des cris de femme en dĂ©- tresse. Les cris partaient d’une avenue de vieux ormes qui con- duisait Ă  cette maison, dont les bĂątiments Ă  toits d’ardoise se voyaient Ă  l’entrĂ©e d’un jardin. Nos amis s’élancĂšrent vers l’avenue et aperçurent une femme dont la monture se livrait Ă  des bonds extravagants, et menaçait de la jeter dans un marĂ©cage qui bordait l’allĂ©e. — HĂ©! milladious, s’écria la Gascon en brochant vive- ment son cheval, c’est la dame Ă  la haquenĂ©e blanche, la chĂątelaine de ces lieux!... Je reconnais son voile vert. Ses compagnons le suivirent, Marcel et Michel en riant, Gargantua en tempĂȘtant; ce dernier avait remarquĂ© un peu plus loin une auberge dont l’enseigne se balançait gra- cieusement, comme pour l’inviter Ă  venir se restaurer. Castaignac eut bientĂŽt saisi la bride de la capricieuse monture, qu’il maintint en respect, puis, sautant Ă  terre, il ploya le genou Ă  la façon des chevaliers d’autrefois, et tendit son bras restĂ© libre vers la dame couverte de son voile . — O belle et ravissante Oriane! s’écria le cadet de Gas- cogne, qui faisait de VAmadis de Gaules sa lecture favo- rite, et qui, malgrĂ© son Ăąge dĂ©jĂ  respectable, se prenait Digitized by Google t L’ABBESSE DE MONTMARTRE 373 volontiers encore pour le Damoysel de la mer ; — ĂŽ beautĂ© accomplie, divine fleur des jardins Scandinaves! le ciel m’a permis de vous retrouver... Ah! ne dĂ©tournez point la tĂȘte avec cette aimable pudeur vos soupirs ont Ă©tĂ© droit Ă  mon tendre cƓur... — Ah ! Gott im Himmel! murmura la belle. — Daignez, continua le galant, abaisser sur votre fidĂšle chevalier du Lion le doux rayon de vos prunelles il en est digne, je vous le jure, et si vous n’en Ă©tiez point con- vaincue, cĂ©leste fille de BrisĂšne, mettez Ă  l’épreuve celui qui meurt Ă  vos pieds adorables. — Ah! soupira encore la dame voilĂ©e. — Dites un mot , divinitĂ© incomparable, et pour vous j’irai conquĂ©rir .a Terre Ferme ! et dans le palais d’Appo- lidon, je dĂ©roberai l’arc qui sert d’épreuve aux loyaux amants... Je vous protĂ©gerai contre toutes les entreprises de Ciladant et des autres gĂ©ants, ainsi que contre les em- bĂ»ches de l’enchanteur ArcalaĂŒs... Ne craignez point sur- tout que j’aille vous trahir jamais pour votre rivale Briolanie ! Nouveau soupir de la part de l’inconnue, mais soupir de joie et de contentement. — Que plutĂŽt cette Colicheraarde de mes nobles aĂŻeux me perce le cƓur, poursuivit le vieux CĂ©ladon, ou que j’aille faire pĂ©nitence Ă  l’ermitage de la Roche Pauvre !... Rendez-vous aux vƓux les plus ardents de votre chevalier, ĂŽ chaste et douce Damoyselle de Saxe ou de Danemark ! et courons vers l’ermite Nascian, pour qu’il bĂ©nisse notre union. — Digne paladin! rĂ©pondit en français la dame, mais avec un accent tout aussi prononcĂ© que celui de Gar- gantua; noble Ă©tranger, dont les paroles mĂ©lodieuses ont touchĂ© mon Ăąme, lorsque je vous ai vu dans la prairie Ă©maillĂ©e, vous ĂȘtes bien, je le vois, la fleur de la chevalerie française. Comme vous, j’ai le cƓur tendre, et mes larmes Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE HTl ont coulĂ© maintes fois en lisant le rĂ©cit des araonrs d’Oriane et du Beau TĂ©nĂ©breux... Mais, avant d’aller de- mander sa bĂ©nĂ©diction Ă  l’ermite Nascian il nous faudra implorer le consentement d’un frĂšre barbare, chef de ma famille. En attendant, bel Ă©tranger, daignez, avec les preux, vos compagnons, recevoir l’hospitalitĂ© sous mon toit! — L’hosbidalitĂ©! s’écria le reĂźtre. Che veux pien, moi ! Pon vin et ponne dable, ça me vas duchurs. Marcel avait fait tous ses efforts pour ne pas Ă©clater de rire. La haquenĂ©e blanche n’était autre chose, en effet, que l’ñne gris qu’il avait distinguĂ© ; et si le visage de la dame voilĂ©e rĂ©pondait aux formes anguleuses de son corps, Ă  sa taille d’autruche, Ă  ses longs bras maigres, Ă  la peau de parchemin de ses grandes mains, Ă  ses doigts osseux, elle ne devait ressembler arien moins qu’à la princesse Oriane, la passion du Beau TĂ©nĂ©breux. Il fallait que l’imagination du cadet de Gasgogne fĂ»t pro- digieusement complaisante, pour prendre cette grande et sĂšche DulcinĂ©e pour une VĂ©nus, et son Ăąne pour une ha- quenĂ©e. Mais l’amour fut toujours aveugle... Toutefois, tandis que la dame se dirigeait vers la maison sur son baudet redevenu docile, Marcel insista vi- vement auprĂšs du Gascon sur la nĂ©cessitĂ©, pour le service du roi, de prĂ©cipiter leur voyage et de ne point s’amuser en route Ă  des intrigues galantes. Castaignac ne voulut rien entendre. Le voraCe Gargantua s’était du reste mis de la partie. Il prĂ©tendait qu’il ne fallait jamais refuser l’olfre d’une bonne table suivie d’un bon lit, et l’officier des gardes finit par se rendre aux doubles vƓux de l’amour et de la gour- mandise. Quand la dame se dĂ©voila et montra son visage de vieille fille, oĂč dĂ©jĂ  la patte d’oie commençait Ă  poindre, Marcel et Michel en furent Ă©pouvantĂ©s pour elle-mĂȘme, croyant Digitized by Google L’ABBESSE UE MONTMARTRE 373 que le chevalier, Ă  cet aspect, allait s’enfuir Ă©perdu et mortifier la pauvre demoiselle. Mais le Gascon parut, au contraire, Ă©merveillĂ©, et le reĂźtre, qui avait dĂ©jĂ  visitĂ© la cuisine et tenait Ă  la main une moitiĂ© d’oie fumĂ©e, jura qu’il n’avait chamais fu une si pelle fĂąme. Tous deux voyaient Ă  travers Je prisme de leur passion naturelle. Avant comme aprĂšs le dĂźner, le chevalier joua de la mandoline et chanta toutes les romances et chansons du temps, celles de du Bellay et de BaĂŻf, de Passerat et des de La Taille. La poĂ©tique Allemande, la tendre et impressionnable CĂ©lina — c’était le petit nom de la quadragĂ©naire — se li- vrait Ă  tout le charme des effets mĂ©lodieux du romanesque Gascon. Elle poussait des ah! sans nombre, mouillait de douces larmes son mouchoir blanc, et son Ɠil bleu, plein de langueur, ne pouvait se dĂ©tacher de son Amadis. La nuit se passa, pour elle et le cadet de la Garonne, en rĂȘves dĂ©licieux. Ils se voyaient dĂ©jĂ  unis et roucoulant en- semble le reste de leur vie. — Une princesse dĂ©guisĂ©e! se disait Castaignac. Au moins une duchesse!... Quels yeux admirables! Quelle taille!... Un frĂšre barbare, m’a-t-elle dit, dont il faudra implorer le consentement... Sans doute quelque roi tyran qui, par crainte d’un beau-frĂšre entreprenant ou de ne- veux ambitieux, l’a relĂ©guĂ©e loin de la cour, dans celte contrĂ©e retirĂ©e... Ah! tu iras lui parler, Ă  ce frĂšre inhu- main, et tu t’engageras, sur l'antique honneur des Cas- taignac, Ă  le laisser jouir tranquillement de sa couronne!, ne lui demandant... Que lui demanderas-tu, mon fils? Presque rien... un chĂąteau et un apanage pour toi et ton Oriane adorĂ©e. DĂšs l’aube, le Gascon fut debout, sous la fenĂȘtre de sa princesse, Ă  pincer de sa mandoline... Cette fenĂȘtre s’ou- Digitized by Google 376 L’ABBESSE DE MONTMARTRE vrit alors tout doucement, et une main furtive lui jeta un billet ainsi conçu O le plus aimable des chevaliers! toute la nuit j’ai pensĂ© Ă  vous... Mais je crains les indiscrĂ©tions de mes gens, qui pourraient prĂ©venir un frĂšre sĂ©vĂšre, et je n’ose plus vous revoir, de peur de trahir mes sentiments... Partez pour Magdebourg, oĂč vous suit le cƓur de votre CĂ©lina, en attendant qu’elle-mĂȘme vous y rejoigne... Lo- gez-vous Ă  rhĂŽtellsrie de la Ville de Brunswick, oĂč dĂšs ce soir une messagĂšre fidĂšle vous donnera de mes nou- velles. A vous pour la vie! Votre CÊLiNA. » \ — Ah! noble damoyselle, adorable CĂ©lina! s’écria le chevalier en couvrant de baisers le tendre poulet. La Ville de Brunswick sera pour Castaignac l’Àpollidon d’Amadis, et Magdebourg verra son bonheur. L’ñrie gris s’étant mis Ă  braire en ce moment , le nou- veau Don Quichotte se tourna vers l’étable. — O blanche haquenĂ©e de ma princesse! dit-il, toi qui dĂ©jĂ  hennis de plaisir d’avoir Ă  transporter ta maĂźtresse auprĂšs de son armeret chevalier, tu lui diras que mon im- patience Ă©gale au moins la tienne... Adieu! ajouta-t-il, en envoyant un baiser vers la fenĂȘtre mystĂ©rieuse qui lui ca- chait le sĂ©jour de la beautĂ©. Ses compagnons, Ă©veillĂ©s par le son de la mandoline, le rejoignirent bientĂŽt. On remonta Ă  cheval, et par l’avenue on regagna la route. Gargantua fermait la marche, ayant pendu d’un cĂŽtĂ© de la selle un jambon, de l’autre deux canards rĂŽtis, dons de la prĂ©voyante chĂątelaine. Dans ses mains, il tenait un flacon d’eau-de-vie de Dantzig, prĂ©cieusement enveloppĂ© de paille. Ce fut lĂ  le dĂ©jeuner de nos voyageurs aprĂšs une heure Digitized by Google L'ABBESSE l>e Montmartre 377 de marche, et vers midi ils firent leur eutrĂ©e dans la for- midable place de Magdebourg. Formidable en effet I Murailles Ă©paisses et Ă©levĂ©es, tours, bastions, galeries couvertes, ouvrages tenaillĂ©s, ravelins, contre-gardes et lunettes dĂ©fendaient ce boulevard du pro- testantisme. Magdebourg devait rĂ©sister Ă  Wallenstein, en triomphant d’un des plus mĂ©morables siĂšges de ce temps, pendant la guerre de Trente Ans , mais elle finit par succomber sous les coups du gĂ©nĂ©ral et ancien jĂ©suite ĂŻilly, qui la saccagea et en fit un monceau de cendres. La ville est jetĂ©e sur l’Elbe, qui la divise en plusieurs parties avec ses trois bras . Ses rues Ă©troites et tortueuses, ses maisons Ă  pignons et Ă  sculptures en font une vraie citĂ© du moyen Ăąge, dont les traditions s’y sont conservĂ©es comme on va le voir. En effet, toute la population semblait ĂȘtre debout, quand nos cavaliers y pĂ©nĂ©trĂšrent, et ceux-ci eurent quelque peine Ă  avancer au milieu de ces flots humains qui criaient — Vivat! vivat! Vivat! c’est le cri de fĂȘte allemand, c’est notre NoĂ«l / français. D’autres ajoutaient avec force gestes — Gourons! courons!... DĂ©jĂ  le cortĂšge doit ĂȘtre sorli de l’HĂŽtel-de-Ville. Et l’on se poussait, on se rudoyait chacun voulait jouir du spectacle. Gargantua s’informa de l’auberge de la Ville de Bruns- wick. Un jeune garçon lui rĂ©pondit — Suivez la foule! On se rend de ce cĂŽtĂ©. Ce n’est pas loin. — Il y a donc une cĂ©rĂ©monie dans la ville? demanda le reĂźtre, employant cette fois sa langue maternelle. — Oh ! une belle et curieuse cĂ©rĂ©monie! — Quelque fĂȘte ou farce, mon petit? H 23 Digitized by GoogI 378 L’ABBESSE UE MONTMARTRE — Une drĂŽle de farce! Vous allez bien rire. — Rire de quoi? — De sa figure, lieber Herr! — De quelle figure? — Celle du condamnĂ©. — Ah! il y a un condamnĂ©... au gibet peut-ĂȘtre? dit Gargantua, qui ne put s’empĂȘcher de faire une grimace au souvenir de la pendaison dans laquelle il avait failli, Ă  Turin, jouer le principal rĂŽle — Oh! non, rĂ©pondit l’enfant. Mais le Henker pendeur, bourreau y sera, monsieur le bailli aussi, ainsi que le bourgmestre et les Schoeppe Ă©chevins. — Que lui fera-t-on alors, au condamnĂ©? — On le promĂšne par la ville. Mon pĂšre m’a racontĂ© avoir dĂ©jĂ  vu le spectacle il y a une vingtaine d’annĂ©es. — Quel est donc ce spectacle? — Celui d’un sorcier, mein Herr. — D’un sorcier!... Ah, 1er Teufel! Il n’aimait ni les sorciers ni les sorciĂšres, notre naĂŻf Gargantua, qui ne pouvait oublier les transes cruelles que .ui avait causĂ©es si longtemps la vieille Hexe de son vil- lage, avec ses prĂ©dictions sinistres. — Mais enfin, que lui fait-on, au sorcier? demanda-t-il encore. — Ou lui fait faire d’abord amende honorable devant le portail de la cathĂ©drale de Saint-Maurice, puis on le con- duit par toute la ville... Oh! c’est une vieille coutume que vous devez connaĂźtre. — Moi? pas du tout. Je n’ai jamais vu cela. — Vous ĂȘtes Allemand pourtant? — Non... c’est-Ă -dire si... ou plutĂŽt non! cela dĂ©pend. — Ne savez-vous pas que c’est de mĂȘme dans la plu- part des villes ? Dans toute l’Allemagne, ui’a dit mon pĂšre, cette cĂ©rĂ©monie existe. — La cĂ©rĂ©monie du sorcier? Digitized by Google L’ABBESSE 1E MONTMARTRE 379 — Vu tailleur et du bouc . — Explique-moi cela, petit. — Pardon, me in herr! mais je veux voir la ligure de meister Simon Grob devant la cathĂ©drale, et en me faufi- lant dans la foule, j’avancerai plus vite que vos chevaux... Guten Abend, bonsoir, me in Herr! Et le petit bonhomme de se glisser entre les jambes des gens, pour arriver plus vite et jouir d’une des scĂšnes les plus intĂ©ressantes de la fĂȘte. Les quatre cavaliers finirent par arriver Ă  l’hĂŽtellerie de la Ville de Brunswick , sur la place du MarchĂ©, laquelle Ă©tait ornĂ©e de la statue de l’empereur Othon l r , mort eu 973 et enterrĂ© dans la cathĂ©drale. Othon le Grand avait fait de Magdebourg sa rĂ©sidence, en y fondant un archevĂȘchĂ©, Ă©rigĂ© en primatie d’Allemagne par le pape Jean XIII. A peine Marcel et ses amis, aprĂšs ĂȘtre descendus de cheval, furent-ils installĂ©s Ă  la fenĂȘtre d’une tourelle de l'hĂŽtellerie, en forme de lanterne, qui s’avançait en saillie sur la place et oĂč plusieurs autres personnes s’étaient dĂ©jĂ  rendues pour jouir du spectacle, que la tĂȘte du cortĂšge dĂ©- boucha par une rue voisine. Des archers aux couleurs de la ville ouvraient la mar- che ; puis venait un hĂ©raut qui publiait l’arrĂȘt du Tribunal des Èchevins. Ce Tribunal des Echevins de Magdebourg avait une grande renommĂ©e. Pendant longtemps il jouit, dans toute l’Allemagne, d’une haute considĂ©ration ; le Code de Mag- debourg avait Ă©tĂ© adoptĂ© par beaucoup de villes. AprĂšs le hĂ©raut s’avançaient les mĂ©nestrels, jouant des airs burlesques. Ensuite marchaient le bailli et ses greffiers, le bourg- mestre et les Ăšchevins. Enfin le bourreau conduisant un bouc noir. Digitized by Google 3S0 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Sur le bouc Ă©tait juchĂ© le prĂ©tendu sorcier, tournĂ© vers la queue, qu’il tenait Ă  la main. C’était un vieux tailleur aux jambes cagneuses, Ă©tique, contrefait, biscornu, racorni et recroquevillĂ©, tel que l’a- vaient rendu l’aiguille, les ciseaux, le fer Ă  repasser et son attitude invariable sur l’établi. Il faisait, sur son bouc, la plus grotesque mine qui se pĂ»t voir. Tandis que le peuple le huait, et que de temps en temps le bourreau le houspillait avec une verge, sur ses traits se lisaient toutes les passions irritantes de l’fime la colĂšre, la vanitĂ© blessĂ©e, la confusion, le mĂ©pris, la menace, la rĂ©volte intĂ©rieure contre les traitements humiliants qu’on lui faisait subir. Chacun se montrait l’écriteau que l’on avait attachĂ© sur le dos du tailleur-sorcier. Sur cet Ă©criteau Ă©taient tracĂ©s ‱ ces mots en grosses lettres VOLEUR, MENTEUR, ORGUEILLEUX! Gargantua expliqua Ă  ses compagnons la signitication des mots allemands, et ce qu’il entendait raconter autour de lui sur le tailleur condamnĂ© Ă  cette promenade infa- mante, seule peine que l’on appliquĂąt encore daus Magde- bourg protestant. Un siĂšcle auparavant, on l’eĂ»t pendu comme sorcier; maintenant tout se bornait Ă  la cĂ©rĂ©monie humiliante et auxeoups de verge du Henker. Mais comme cette humiliation le faisait souffrir, notre orgueilleux tailleur ! Or, voici quelle Ă©tait la cause de la condamnation de meister Simon Grob. Il y avait longtemps qu’on le disait sorcier, allant au sabbat, ayant fait un pacte avec le diable, jetant des sorts et des malĂ©fices, se livrant Ă  des pratiques et Ă  des mani- gances secrĂštes. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 3S1 On sait d’ailleurs qu’en Allemagne, pendant tout le moyen Ăąge, cette accusation de sorcellerie fut dirigĂ©e par la superstition populaire contre ceux qui exerçaient l’art de vĂȘtir leurs semblables. Aucun artisan, en effet, ne pouvait prĂȘter Ă  ces suppo- sitions plus que le tailleur. Accroupi dit matin au soir dans son coin, sur l’établi, presque toujours silencieux, semblant rouler dans la tĂȘte, pendant son travail routinier, des pensĂ©es mĂ©phistophĂ©liques ou au moinsd^une mĂ©taphysique louche et suspecte, poussant son aiguille d’une façon aussi bizarre que la maniĂšre dont il est assis, lançant parfois, sur ceux qui passaient devant son Ă©choppe, un regard en des- sous avec quelque parole caustique ou envieuse, cet homme devait naturellement ĂȘtre soupçonnĂ© de rapports secrets avec le monde invisible, et de se livrer, araignĂ©e dans son ‱ trou, Ă  des sortilĂšges dĂ©monomanciens. Mais Ă  l’époque oĂč se passe notre rĂ©cit, la croyance aux sorciers commençait Ă  se perdre parmi les libres penseurs et les magistrats protestants de l’Allemagne, et il est probable qu’on n’eĂ»t pas inquiĂ©tĂ© le tailleur Simon Grob pour ses prĂ©tendus malĂ©fices, si lui-mĂȘme, par ses dĂ©fauts et surtout par son entĂȘtement, ne se fĂ»t attirĂ© le cruel dĂ©- boire dont il souffrait en ce jour. — Et comment cela? demanda Marcel. — Il avre, disent-ils, dravajllĂ© longdemps pour le bourg- mestre Kraus, le ministre Thadcus et 1 ’amtmann Mclchior, gui est le bailli du bavs, rĂ©pondit Gargantua. — Il a habillĂ© le bourgmestre? Quel honneur! — la , ia , mais il lui avre volĂ© une aune de drap. — Ah ! peste !... c’était un crime. — Le bourgmestre Kraus, lui, avre vulu dut de suile le faire gondamner gomme voleur et Hexenmeister sorcier. — Il n’y allait pas de main morte, monsieur le bourg- mestre. — No, no, mais gomme le dailleur dravaillait en mĂȘme Digitized by Google 38t> L’ABBESSE DE MONTMARTRE deinps pur le ministre et le bailli, eux n’avre bas vulu. — Fort bien le tailleur se moquait lu bourgmestre. — la, ia, le ministre Thadeus, il avre grossi beaugup. et le dailleur, qui voulait rogner du drap bur s’en faire un bonnet, a fini par mĂ©gondender le ministre. Alors, le mi- nistre aussi s’est mis gondre lui. — Ah ! cela se gĂątait. Mais il y avait toujours le bailli. Et c’est le bailli qui informe, juge et condamne. — la, ia, et le bailli ne vulait ducburs bas. — Le tailleur continuait Ă  narguer le bourgmestre et le ministre ? — la, ia, mais voilĂ  qu’à son dur le bailli Melchior se fĂącha dut ruge. — Diable'... Et pourquoi, s’il vous plaĂźt? — Baroe que le dailleur dit un jur au bailli, qui se blaignait d’ĂȘtre gĂȘnĂ© d’un gĂŽtĂ©, que les deux gĂŽtĂ©s Ă©daient bareils; mais le bailli voyait pien gu’il y en avait un blus Ă©troit que l’audre et gue ça le rendait bossu gomme le dailleur. — 11 mentait, le tailleur. — la, ia, et il finit bar dire avec golĂšre gu’il savait son mĂ©dier, et que dut le monde Ă©dait goudrefait gomme lui. — Orgueilleux et insolent !... Que fit 1§ bailli? — L ’amtmann se raneha du gĂŽtĂ© du bourgmestre et du ministre... Et voilĂ  burguoj Je dailleur fut gondamnĂ© gomme sorcier, mais avec l’égriteau que vus savez... C’est bienfait! der Teufel! Voleur, mendeur , orgueilleux! — Mais le bouc noir, capitaine ? — Le bue noir, il rebrĂ©sende le tiaple. Gargantua finissait Ă  peine ses explications un peu em- brouillĂ©es, lorsque des archers de la ville envahirent tout Ă  coup la salle dont nos amis occupaient la tourelle. En mĂȘme temps, un homme en costume de paysan, Ă  cheveux et Ă  barbe fauves, montrait du doigt les Français- — Les voilĂ ! cria-t-il en allemand. Digitized by Google 1 L'ABBESSE DE MONTMARTRE 383 VIII LE BOURGMESTRE DE MAGOEBOURG ET LE GATEAU A’ X OIGXONS. — Le carme ! le franciscain ! s’écria Michel en s’élan- çant, le poing levĂ©, sur l’homme Ă  la barbe fauve, qui s’enfuit aussitĂŽt. DĂ©jĂ  du reste les archers avaient entourĂ© le colosse et ses trois compagnons. — Point de rĂ©sistance! dit le sergent en sortant un pa- pier aux armes de la ville. Voici l’ordre du bourgmestre. Michel eĂ»t bien voulu jouer du bras, Gargantua de son schwert , pour se frayer un passage. Mais Ă  quoi cela eĂ»t- il servi? Us Ă©taient au milieu de Magdebourg; on les eĂ»t bientĂŽt rattrapĂ©s ou arquebusĂ©s. Gargantua grondait sourdement comme un boule dogue tandis qu’on le dĂ©sarmait, ainsi que ses amis. On conduisit les quatre Français Ă  l’IIĂŽtel-de— Ville , oĂč ' ils durent attendre lu fin de la promenade du bouc et du tailleur. Le bourgmestre Kraus les tit alors comparaĂźtre en sa prĂ©sence. C’était un gros petit homme Ă  la face cramoisie, mais qui, grĂące Ă  son air patelin, avait su gagner l’ami- tiĂ© des Magdebourgeois et s’élever jusqu’à la premiĂšre ma- gistrature urbaine. Il leur apprit qu’ils Ă©taient accusĂ©s de meurtre sur la persoune du batelier Tell, patron d’une barque sur la ri- viĂšre de Bude, et qu’on allait instruire leur procĂšs. Digitized by Google 384 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Survint aussi le bailli Melchior, avec son greffier. On procĂ©da Ă  un premier interrogatoire; et bien que Gargantua, au nom de ses compagnons, fĂźt connaĂźtre la conduite et la trahison du batelier, on les maintint en Ă©tat d’arrestation- Le bailli Ă©tait un grand blond aux yeux bleus, qui affec- tait des airs fort sĂ©vĂšres et le ton d’importance qu’exigeait sa charge. Il dit aux accusĂ©s que leur devoir eĂ»t Ă©tĂ© de venir Ă  Magdebourg dĂ©poser une plainte contre le marinier, mais que ce n’était pas Ă  eux de se faire justice. Il ajouta, en donnant l’ordre de les mener en prison, que celte affaire leur coĂ»terait cher, que les lois du pays voulaient qu’ils payassent de leur vie l’homicide commis. — Mais, ajouta le bourgmestre de son air doucereux, si ces Herren français ne professent pas la religion rĂ©formĂ©e, on pourra faire venir du Brandebourg un prĂȘtre romain pour les assister Ă  leurs derniers moments. — Ah ! der Teufel ! vocifĂ©ra Gargantua sans le moindre respect pour les deux magistrats. Il beut pien resder oĂč il est, le frogard ! — Nous sommes, du reste, humains, reprit le bourg- mestre avec un sourire mignard, et si ces Herren ont une grĂące Ă  nous demander avant l’exĂ©cution, nous la leur accorderons. — Eh bien 1 s’empressa de crier le reĂźtre, laissez-nous bardir. C’est dut ce que nus demandons. — Sauf cela, rĂ©pliqua le bailli d’un ton rogue cette fois, on satisfera vos dĂ©sirs. Mais avant tout, tĂąchez de prendre un maintien plus en rapport avec votre position et le sort qui vous attend. Abstenez-vous surtout de jurer, si vous voulez qu’on ait quelques Ă©gards pour vous. — Y a-d-il du moins de guoi mancher et poire dans votre brison? demanda Gargantua, qui n’oubliait jamais son ventre. ‱ ‱ — On vous servira suivant votre degrĂ© de soumission et la conduite que vous tiendrez. Digitized by Google L’ABBESSE DK MONTMARTRE 385 — Oh! chesuis dux gomme un mudon, rĂ©partit Je reĂźtre, tranquillisĂ© par ces paroles. Les archers conduisirent Marcel et ses amis Ă  la prison de la ville. Cette prison n’était pas encore celle oĂč plus tard fut en- fermĂ© le fameux baron de Trenck. La forteresse nommĂ©e l'Etoile, oĂč sĂ©journa le baron, ne fut construite que sous FrĂ©dĂ©ric le Grand par le gĂ©nĂ©ral Walbrane, qui y fut Ă©ga- lement dĂ©tenu. Les quatre Français furent claquemurĂ©s dans une tour Ă©levĂ©e aux murailles Ă©paisses. Michel inspecta les quatre coins de la chambre. Il ne fallait pas songer Ă  la fuite. La fenĂȘtre percĂ©e dans le mur avait deux barreaux gros comme le bras, et l’Elbe roulait ses Ilots au bas de la tour. L’hercule, aidĂ© de Gargantua, eĂ»t bien essayĂ© de briser ou de desceller les barreaux, et peut-ĂȘtre il y fĂ»t parvenu ; mais derriĂšre la solide porte, bien verrouillĂ©e, se promenait un arquebusier, et Ă  tout moment celui-ci regardait dans la chambre par un petit guichet pratiquĂ© dans cette porte. Les prisonniers avaient Ă©tĂ© prĂ©venus qu’à la moindre tentative de fuite, le factionnaire avait ordre de tirer sur eux. Us furent donc obligĂ©s de se rĂ©signer au sort fatal qui les attendait. La premiĂšre nuit qu’ils passĂšrent dans le cabanon fut des plus tristes. A la veille de retrouver Alice, sa fiancĂ©e, et de pĂ©nĂ©trer dans ce Brandebourg oĂč il avait espĂ©rĂ© mener promptement Ă bonne fin l'importante affaire dont la rĂ©ussite devait com- bler de joie son roi et changer bientĂŽt la face de l’Europe, Marcel se voyait arrĂȘtĂ© et menacĂ© d’un trĂ©pas ignominieux. Aussi ne put-il fermer l’Ɠil que bien tard. Le chevalier de Castaignac, de son cĂŽtĂ©, ne cessait de pousser des soupirs et de se lamenter. U songeait Ă  sa Il 43. Digitized by Google 386 L'ABBESSE DE MONTMARTRE CĂ©lina, Ă  son adorable princesse; tous ses rĂȘves d’or s’éva- nouissaient. — Mordious ! se disait-il, Ă©chouer en arrivant au port !... Mourir au moment mĂȘme oĂč la beautĂ© et la fortune me souriaient enfin!... Ah! mon pauvre Castaignac, je te plains tu n’es dĂ©cidĂ©ment pas nĂ© sous une heureuse Ă©toile, sans quoi depuis longtemps dĂ©jĂ  ta bonne mine ou ta vail- lante Colichemarde t’eussent conquis un royaume ! Gargantua, lui, dormait, mais il avait le cauchemar. U revoyait devant lui Matteo Ruffio, l’aimable bourreau du duc de Savoie, qui prenait sa revanche et le pendait bel et bien. Michel seul goĂ»tait un vĂ©ritable sommeil. Le calviniste de Pailhat avait recommandĂ© son Ăąme au Seigneur, avant de s’endormir. — Ah ! 1er Teufel!' fit tout Ă  coup le reĂźtre d’une voix Ă©tranglĂ©e, comme s’il eĂ»t senti la corde de chanvre lui serrer dĂ©jĂ  le cou. Le Gascon, qui venait de s’assoupir Ă  la fin, en fut rĂ©- veillĂ© en sursaut. 11 se mit sur son sĂ©ant... mais tout aussitĂŽt il referma les yeux, comme Ă©bloui. Un rayon de lumiĂšre venait de le frapper eu plein visage. — Ciel ! s’écria-t-il en Ă©tendant les mains, est-ce une illusion de mes sens? L’enchanteur ArcalaĂŒs exercerait-il sur moi ses charmes magiques?... Oriane! divine Oriane ! est-ce vous ou seulement votre ombre? — C’est bien moi, cher et infortunĂ© chevalier ! rĂ©pondit une Voix langoureuse. C’est moi, votre CĂ©lina bien-aimĂ©e, qui viens jusque dans cet affreux cachot vous apporter consolation et espoir. — U serait possible ! dit le chevalier en se levant tout Ă  fait de la couchette, sur laquelle il s’était jetĂ© sans se dĂ©shabiller. Le ciel propice Ă  nos amours vous a-t-il rendue invisible, ĂŽ ma CĂ©linn, pour vous permettre dp Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 387 pĂ©nĂ©trer en ces lieux, malgrĂ© les fĂ©roces gardiens et peut-ĂȘtre les monstres et les dragons qui y veillent? — Ces monstres et ces dragons sont au service du tyran, mon frĂšre. — Milladious ! que dites-vous lĂ ? C’est le bailli de Magdebourg qui nous a fait enfermer dans cette tour. — Mon frĂšre, c’est le bailli. 7 / — Ce grand blond fadasse ?... — HĂ©las ! oui, cher et tendre cƓur. , — Vous ĂȘtes la sƓur du bailli? — CĂ©lina Melchior est mon nom. L’ambitieux Gascon tombait du haut de ses rĂȘves. Quoi ! sa princesse n’était que la sƓur d’un obscur bourgeois, d’un bailli de ville ! Son premier mouvement faillit lui faire repousser loin de lui, avec une indignation superbe, cette fausse Oriane qui avait surpris son cƓur. L’aspect du cachot, en le rappelant Ă  sa triste situation et Ă  celle de ses amis, fit surgir en son esprit une pensĂ©e plus habile. Il rĂ©solut de profiter de la passion sentimen- tale de l’Allemande, pour prĂ©parer le salut. Mais la sƓur du bailli y avait dĂ©jĂ  songĂ©. — Beau chevalier, dit-elle, j’ai quelque empire sur mon frĂšre, et je m’en servirai pour vous faire rendre Ă  la li- bertĂ©. DĂ©jĂ , comme vous le voyez, il a accĂ©dĂ© Ă  mes dĂ©sirs, en me laissant venir vous visiter. — Que me disiez-vous donc, charmante CĂ©lina? Votre frĂšre, suivant vous, Ă©tait un sĂ©vĂšre tyran. La vieille tille, imbue des romans chevaleresques, n’avait voulu que se rendre intĂ©ressante, en cherchant Ă  faire accroire qu’elle Ă©tait sous la domination d’un maĂźtre dur et violent. Ne faMait— il point qu’elle parĂ»t ĂȘtre une pauvre persĂ©cutĂ©e comme les princesses infortunĂ©es, jadis enfer- mĂ©es dans une sombre tour ? Le fait est que c’était au contraire Jungfrau CĂ©lina qui Digitized by Google 388 L'ABBESSE DE MONTMARTRE tenait le sceptre dans la maison du cĂ©libataire Melchior, Yamtmann de Magdebourg. Non-seulement elle Ă©tait libre de ses volontĂ©s, mais encore son caractĂšre despostique et acariĂątre faisait plier comme un roseau le doux bailli, qui n’osait prendre un ton plus Ă©levĂ© et conforme Ă  ses fonc- tions que lorsqu’il Ă©tait hors de sa maison. CĂ©lina, la douce et tendre colombe, Ă©tait une vraie Xantippe, rĂȘche et impĂ©rieuse pour le pauvre bailli, son frĂšre. — Las! rĂ©pondit-elle Ă  l’observation du chevalier, mon frĂšre est vĂ©ritablement un tyran pour moi, en ce qui con- cerne les sentiments du cƓur, qu’il ne comprend pas. Mais quant Ă  tout le reste, il s’empresse de se rendre Ă  mes vƓux. Elle dit alors Ă  Castaignac d’avoir bon espoir. Le bailli lui avait promis de ne point les condamner, mais de les rendre Ă  la libertĂ©. Il est vrai que le bourgmestre paraissait avoir pris celte affaire fort Ă  cƓur ; il prĂ©tendait, avec son air patelin et tout mielleux, qu’il Ă©tait nĂ©cessaire de donner un exemple de sĂ©vĂ©ritĂ© Ă  ces aventuriers Ă©trangers, trop licencieux pour la plupart, qui traversaient le pays. Or, il fallait que le bailli eĂ»t l’air de se livrer Ă  une ins- truction longue, et minutieuse, afin d’avoir le droit de dĂ©- clarer Ă  la fin qu’ayant bien approfondi la chose, il ne pouvait, en sa conscience, condamner des gens qui n’a- vaient tuĂ© le batelier que dans un cas de lĂ©gitime dĂ©fense. Les prisonniers devaient donc prendre patience, et ne point s’affliger d’une longue dĂ©tention qui tournerait Ă  leur avantage. On leur adoucirait, du reste, autant que pos- sible, les rigueurs de la captivitĂ©. Marcel, Michel et Gargantua s’étaient Ă©veillĂ©s et Ă©cou- taient en silenee. Quand la sƓur du bailli, Ă  l’apparence si sentimentale, pnt congĂ© de son adorĂ© chevalier, on la remercia avec Digitized by Google 1,' ABBESSE DE MONTMARTRE 38* effusion de son intervention venue si Ă  propos pour tirer d’inquiĂ©tude les captifs. Elle quitta le cabanon, non sans jeter encore sur son Amadis grisonnant un long et tendre regard. Tout se passa heureusement comme l’avait promis CĂ©lina. Seulement la dĂ©tention dura plus d’un mois. DĂšs le lendemain, lorsque le bailli Melchior se prĂ©senta, il se montra d’une humeur toute diffĂ©rente de celle qu’il avait affectĂ©e Ă  l’HĂŽtel-de-Ville, devant le bourgmestre. Les interrogatoires qu’il fit subir aux accusĂ©s furent affables, amicaux mĂȘme. Il allait au-devant de leurs expli- cations, leur facilitait la dĂ©fense, et quand ils furent con- frontĂ©s avec l’homme Ă  la barbe fauve qui les avait dĂ©non- cĂ©s au bourgmestre, il aida Ă  la confusion de ce dernier, qui finit par avouer qu’il avait portĂ© l’habit de moine fran- ciscain le jour du crime. Ce fut bien autre chose alors. Le bailli, qui dĂ©testait intĂ©rieurement le bourgmestre Kraus, commença en secret une enquĂȘte contre ce magis- trat, et, au bout de six semaines, le jour mĂȘme oĂč il dĂ©- clarait absous les quatre Français, il se livra devant le Tribunal des Echevins Ă  une violente sortie contre le pa- telin et cauteleux magistrat de la citĂ©. Il le signala comme un alliĂ© des Pfaffen prĂȘtres romains et hostile aux ten- dances françaises que commençait Ăą manifester l’Allemagne protestante. L'amtmann Melchior n’eut aucune peine Ă  jeter tout l’odieux de la poursuite contre ces gentilshommes dĂ©vouĂ©s Ă  Henri IV, sur un affidĂ© des jĂ©suites, que compromettaient plusieurs Ă©crits trouvĂ©s chez lui, et le bourgmestre Kraus fut dĂ©crĂ©tĂ© d’accusation. On rechercha le paysan dĂ©nonciateur, que les Français dĂ©clarĂšrent ĂȘtre le mĂȘme que celui qu’ils avaient dĂ©jĂ  rencontrĂ© plusieurs fois sur leur route, chaque fois sous un costume diffĂ©rent, et au momeut oĂč ils allaient ĂȘtre Digitized by Google 390 L'ABBESSE DE MONTMARTRE l’objet d’une attaque ou d’un attentat perfide. Ce paysan Ă©tait indubitablement un agent de la Compagnie de JĂ©sus. Mais l’émissaire du pĂšre Daubiguy — car ou a dĂ» de- viner que c’était lui — avait disparu. La sensible et romanesque CĂ©lina avait Ă©tĂ© voir plusieurs fois Ă  la tour son cher Amadis, et elle avait eu soin que rien ne manquĂąt Ă  lui et Ă  ses compagnons. Elle mit la maison du bailli sens dessus dessous, le jour oĂč les portes de la prison s’ouvrirent devant les Français. Elle voulait qu’ils demeurassent chez elle jusqu’à la cĂ©rĂ©- monie du mariage, dont elle prĂ©tendait faire publier les bans dĂšs le dimanche suivant. Mais le Gascon, revenu sur le compte de sa princesse quadragĂ©naire, et ayant fini par convenir avec Marcel que la prĂ©tendue haquenĂ©e blanche n’avait Ă©tĂ© rĂ©ellement qu’un Ăąne gris, ne fit aucune difficultĂ© de suivre ses amis, qui l’entraĂźnĂšrent le lendemain matin Ă  l’hĂŽtellerie de la Ville de Brunswick, oĂč Ă©taient restĂ©s les chevaux. On les fit seller promptement, et comme le bailli avait fait rendre leurs armes Ă  nos quatre amis, ceux-ci se hĂątĂšrent de dĂ©camper sans tambour ni trompette, se prĂ©oc- cupant peu des lamentations auxquelles dut se livrer l’inconsolable Oriane. Le dithyrambique Gascon crut pourtant devoir chanter les louanges de la sentimentale CĂ©lina, dont la belle passion les avait tirĂ©s de ce mauvais pas ; mais il reconnaissait, en soupirant, que les baronnes allemandes Ă  marier ne pous- saient pas plus aux branches des arbres que les duchesses françaises. Le surlendemain, on fut en vue de Brandebourg, la ca- pitale du margrave Jean Sigismond. Comme le cƓur battait Ă  Marcel!... Il respirait le mĂȘme air que sa fiancĂ©e. Mais oĂč Ă©tait Alice ? Le margrave ac- cueillerait-il favorablement sa double demande, politique et amoureuse? Son cƓur lui disait Oui. Digitized by Google I/ABBESSE DE MONTMARTRE 391 Cependant il Ă©tait plus inquiet que jamais. C’est l’ordi- naire quand on approche du but. — Eu avant ! cria-t-il Ă  ses compagnons en apercevant, au loin, la vieille cathĂ©drale qui dominait la ville. Nos amis sortaient du petit village de Hekahn, quand, au delĂ  de la derniĂšre maison, qui Ă©tait une auberge portant l’enseigne du Cygne blanc , ils virent la route barrĂ©e par une Ă©norme voiture de bois qui s’était renversĂ©e, et dont la charge entiĂšre couvrait la voie. On Ă©tait sur une chaussĂ©e en remblai ; Ă  droite et Ă  gauche, se voyaient des marĂ©cages. Impossible de passer avec des chevaux la chaussĂ©e Ă©tait complĂštement ob- struĂ©e. Le voiturier et deux hommes paraissaient occupĂ©s Ă  re- charger l’énorme chariot. — Dans un quart d’heure au plus nous aurons fini, cria-t- on aux cavaliers. Patientez un peu... L’auberge du Cygne blanc est renommĂ©e pour sa bonne biĂšre de Berlin et ses pĂątisseries ; vous y serez bien reçus. — Mais, fit observer Marcel par son interprĂšte Gargan- tua, nous sommes pressĂ©s. N’y a-t-il point un chemin dĂ©tournĂ©? — Ces Herren perdraient certainement une bonne heure Ă  suivre ce chemin, qui tourne derriĂšre la montagne de Harlung, tandis qu’ils n’ont qu’un quart d’heure Ă  prendre patience jusqu’à ce que nous ayons dĂ©barrassĂ© la chaussĂ©e. Le reĂźtre, affriandĂ© par la biĂšre de Berlin et les pĂątis- series du Cygne blatte, opina fortement, pour qu’on atten- dĂźt. On se dĂ©cida donc Ă  entrer dans l’auberge. Au moment oĂč ils pĂ©nĂ©traient dans la salle basse, Michel vit, par une fenĂȘtre donnant sur la cour, un cordelier gagner un bois de bouleaux derriĂšre le jardin. Mais il ne put distinguer son visage. — Il y a donc un couvent de eordeliers dans le voisinage? Digitized by Google 392 L’ABBESSE DE MONTMARTRE demanda le pĂątre d’Auvergne Ă  l’aubergiste qui servait la biĂšre brune. — Versteh nicht , je ne comprends pas, rĂ©pondit le caba- retier. Michel, qui avait oubliĂ© qu’il Ă©tait en Allemagne, pria Gargantua de traduire sa question. Mais Marcel se hĂąta d’intervenir, pour s’opposer Ă  ce que le reĂźtre trahĂźt son origine allemande. — Ne jurez mĂȘme pas, capitaine 1 ajouta-t-il; Si proches du but, ne nĂ©gligeons pas la moindre prĂ©caution. J’ai mĂȘme eu tort de vous faire parler Ă  ces gens sur la route. — En ce gas, repartit le reĂźtre, che va pien mancher, bur ne bas churer. AussitĂŽt il se jeta sur une assiettĂ©e de zwiebel huchen gĂąteau aux oignons dont on est trĂšs-friand en Allemagne, et se mit en train d’en dĂ©vorer une Ă©norme tranche. — Ces Herren, demanda l’aubergiste avec un gracieux sourire, n’en mangeront-ils pas aussi? Le gĂąteau es excellent. — Ia,ia , ne put s’empĂȘche/ d’affirmer Gargantua, pour marquer son approbation. — C’est la renommĂ©e ici, insinua Ă  son tour la caba- retiĂšre. Le dimanche et les jours de fĂȘte, tout Brandebourg vient s’en rĂ©galer. — Est-ce que vous parleriez allemand, lieber Herr? de- manda l’homme Ă  Gargantua. Celui-ci, oubliant la consigne, interrompait dĂ©jĂ  sa for- midable mastication, pour rĂ©pondre Ă  l’hĂŽte dans sa chĂšre langue, lorsqu’un coup d’Ɠil de Marcel lui fit mordre de plus belle dans le succulent gĂąteau aux oignons. — Gombrends bas, mossiĂ©! grommela-t-il la bouche pleine, enchantĂ© de faire croire qu’il Ă©tait Français pur sang et n’ayant pas le moindre accent. Michel, aprĂšs avoir bu de la biĂšre de Berlin, voulut Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 393 comme ses compagnons goĂ»ter Ă  la tarte aux oignons- Mais chacun fil la grimace ce mets n’allait guĂšre Ă  leurs palais français. — Allez donc voir, Michel, dit l’ofĂ»cier des gardes, si ces gens ont bientĂŽt fini sur la route. Le pĂątre de Pailhat sortit de l’auberge. Deux des hommes seulement faisaient l’ouvrage, mais le plus lentement pos- sible. Quant au voiturier... — Ah ! le brigand ! s’écria tout Ă  coup Michel. Il venait d’apercevoir, sur une Ă©minence Ă  gauche de la route, le moine cordelier, avec qui le voiturier Ă©changeait . des signes. Il voulut s’élancer daus la direction du frocard, dont il avait reconnu la barbe fauve ; mais le marĂ©cage Ă©tait un obstacle invincible. — A la male heure ! s’exclama-t-il en se prĂ©cipitant dans le cabaret. Il y a un piĂšge ici je viens de voir l’homme Ă  la barbe fauve... Mais qu’y a-t-il donc? Il voyait Marcel et le chevalier s’empresser autour du relire, qui, sans lĂącher le reste de son gĂąteau aux oignons, se tordait de douleur en hurlant — LĂ ... lĂ  !... dans fesdomac...laboidrine... ça brĂ»le... Ah ! der Teufel ! — OĂč sont l’aubergiste et sa femme? demanda Michel, en prĂ©parant dĂ©jĂ  ses mains aux rudes coups de poing qu’il savait si bien administrer. Mais l’homme et sa digne moitiĂ© avaient disparu. — Pauvre ami ! disait Marcel... empoisonnĂ© ! — Avec le gĂąteau aux oignons, ajouta Michel. Ah ! quand tiendrai-je cet homme, ce carme, ce franciscain, ce cor- delier maudit ! Le malheureux Gargantua, victime de sa gourmandise, continuait Ă  se crisper sous les atroces douleurs que lui causait le gĂąteau empoisonnĂ©. Les progrĂšs de l’intoxication Ă©taient rapides dĂ©jĂ  il changeait de couleur. Digitized by Google 394 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Comment faire? disait l’officier des gardes... Mais j’y songe, fit-il tout Ă  coup, le flacon de l’abbesse! Il tira aussitĂŽt de son pourpoint le prĂ©cieux antidote, et desserrant les dents du reĂźtre avec l’aide de ses amis, il lui en versa plusieurs gouttes dans la gorge. La liqueur Ă©tait souveraine, comme l’avait dit Marie de Beauvilliers elle fit bientĂŽt sentir son action bienfaisante, et, au bout d’un quart d’heure, le reĂźtre Ă©tait complĂšte- ment remis. — Dut brĂȘt Ă  regommencer, cria-t-il de sa voix de stentor. — Pas avec ce gĂąteau toujours, fit Michel. — No, no, der Teufel ! mais je poirais pien de la piĂšre. On ne le permit pas. Gargantua dut souffrir plutĂŽt qu’on lui administrĂąt encore trois gouttes du contre-poison. — A nos chevaux maintenant ! s’écria Marcel. On se remit en selle, et l’on reprit la chaussĂ©e. Elle n’était pas tout Ă  fait dĂ©barrassĂ©e, mais les hommes avaient dĂ©campĂ©, et l’obstacle qui restait fut franchi. Une demi-heure aprĂšs, comme on approchait de la ri- viĂšre du Havel et des premiĂšres maisons de Brandebourg Michel se dĂ©tacha tout Ă  coup de ses amis, sans mot dire. Ces derniers ne s’en aperçurent que lorsqu’il Ă©tait dĂ©jĂ  Ă  cent pas. Ils s’arrĂȘtĂšrent pour l’attendre. Michel volait sur son cheval vers une fabrique Ă  sa gauche, oĂč, au milieu de toileries blanches suspendues Ă  des piquets, il venait d’apercevoir quelque chose comme un froc gris de cordelier, ceint de la corde blanche. BientĂŽt on vit reparaĂźtre l’ancien pĂątre, tenant de la main gauche, par son capuee, le moine Ă  barbe fauve, qui se dĂ©battait ainsi qu’un diable le long des flancs du cheval. — Le voilĂ  enfin ! cria-t-il Ă  ses amis, en levant le faux cordelier en l’air comme une plume. C’est bien mon laus- quenet de Turin. Puis, sans mĂȘme descendre de sa monture, et tenant Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 39 .% toujours le frocard suspendu avec la main gauche, il lui assĂ©na sur le crĂąne un premier coup de poing qui arrĂȘta immĂ©diatement toute gesticulation. — QuĂ© simple ! fit l’athlĂšte examinant un instant la face du misĂ©rable, qui s’était aussitĂŽt couverte d’une pĂąleur livide. Une deuxiĂšme talmouse rĂ©sonna moins que la premiĂšre, comme si la boĂźte osseuse fĂ»t dĂ©jĂ  fĂȘlĂ©e. L’hercule pauma de la sorte deux fois encore. A la qua- triĂšme, la cervelle jaillit. — Assez, Michel, assez! implora Marcel apitoyĂ©. — Oui, il en a assez, dit tranquillement le montagnard auvergnat. Et saisissant Ă  deux mains le corps du bandit, il l’éleva au-dessus de sa tĂȘte, le balança un instant dans l’air, et le jeta dans les flots du Havel, qui se refermĂšrent sur lui. L’abominable lansquenet Claude le Lorrain ne pouvait finir mieux. Heureusement que personne n’avait Ă©tĂ© tĂ©moin de cette prompte exĂ©cution. Pour accomplir cet acte de haute justice, Michel avait arrĂȘtĂ© son cheval sous des tilleuls qui bordaient la riviĂšre. Marcel et ses amis allĂšrent s’installer Ă  l’hĂŽtellerie de l'Aigle noir, sur la grande place de Brandebourg. C’est une ville trĂšs-ancienne que la capitale du margra-’ viat, le Brennador des Wendes, la plus importante des citĂ©s bĂąties par ce peuple en Allemagne. L’empereur Henri le Boiteux la leur avait enlevĂ©e Ă  la fin du dixiĂšme siĂšcle. Des margraves, ou comtes des frontiĂšres, rĂ©gnaient lĂ  depuis l’empereur Henri l’Oiseleur, qui fonda la Marche du Nord province frontiĂšre. ‱‱ Parmi eux il y avait eu des Albert l’Ours, des FrĂ©dĂ©ric Dent de Fer, vrais noms .fĂ©odaux ! Une branche de la maison de Hohenzollern tenait alors Digitized by Googl 396 L’ABBESSE DE MONTMARTRE le margraviat; elle devait s’allier un peu plus tard Ă  la fa- mille teutonique de la Prusse ducale, et fonder la dynastie des rois de Prusse actuels. Jean-Sigismond Ă©tait, comme on sait, le margrave rĂ©- gnant. Sans prĂ©ambule, Marcel, qui connaissait son margrave, alla le lendemain lui offrir le prĂ©cieux diamant, volĂ© jadis par le Maltais Matteo Rufio, en Ă©change de son consente- ment Ă  demander le secours de Henri IV , de concert avec le Palatin de Neubourg, pour chasser les troupes d’Au- triche de ClĂšves et de Juliers. En mĂȘme temps, il le pria de lui octroyer son aide pour faire mettre en libertĂ© Alice, la fille du comte de FuentĂšs, dĂ©tenue par les jĂ©suites au monastĂšre des CarmĂ©lites de Spandau. — Qu’à cela ne tienne! s’écria Jean-Sigismond, plein de joie. Puisque le diamant m’est rendu, je n’ai plus besoin des jĂ©suites. Quant au secours du roi Henri IV, il y a lon- temps que je l’aurais invoquĂ©, si ces pajmilts, avec leurs promesses, ne m’en eussent dĂ©tournĂ©. Pater Geyser, leur provincial, j>eut dĂ©guerpir maintenant je lui donne pour cela trois jours, Ă  lui et aux siens. On voit que le margrave ne tenait guĂšre aux saints personnages. Muni d’un ordre du souverain, et suivi d’une bonne escorte pour faire exĂ©cuter cet ordre, Marcel se rendit dĂšs le lendemain Ă  Spandau, au couvent des CarmĂ©lites. Le dĂ©sappointement fut cruel. Il y avait deux mois dĂ©jĂ  qu’on Ă©tait venu reprendre aux CarmĂ©lites Alice la novice, et l’on ignorait oĂč elle avait Ă©tĂ© conduite. Seulement la supĂ©rieure avait entendu parler de la Pologne Ă  ceux qui Ă©taient venus, de la part du Pater Geyser, extraire du couvent la jeune femme. — En Pologne ! murmura Marcel au, comble du dĂ©sese poir, aprĂšs qu’on eut visitĂ© le cloĂźtre de fond en comble. Digitized by Google L'ABBESSE DK MONTMARTRE 397 S’il n’eĂ»t suivi que les impulsions de son cƓur, l’officier des gardes se fĂ»t remis aussitĂŽt en voyage, pour frapper Ă  la porte de tous les couvents de la Pologne, de la Li- thuanie et de l’Ukraine, depuis Wilna jusqu’à Kiew. Mais chargĂ© d’une mission politique qui ne souffrait aucun re- tard, et dont le rĂ©sultat Ă©tait attendu par le roi Henri IV avec la plus grande impatience, il dut renoncer Ă  l’aven- tureuse entreprise et songer Ă  retourner Ă  Paris. La douleur dans l’ñme, Marcel rentra Ă  Brandebourg. Il fit connaĂźtre au margrave l’infructueux rĂ©sultat de son voyage Ă  Spandau. — J’aurais dĂ» menacer le pĂšre Geyser et mĂȘme le faire jeter en prison pour savoir de lui oĂč il avait fait conduire votre fiancĂ©e, dit le prince, qui s’empressa de lui tĂ©moi- gner toute la part qu’il prenait Ă  ses chagrins. Plus tard, ajouta Jean-Sigismond, vous eussiez pu aller jusqu’en Pologne... Mais le provincial a quittĂ© le collĂšge et la ville ce matin, avec tous les siens. Comme Marcel regardait sur la place par une des fenĂȘtres du chĂąteau margravial, auprĂšs de laquelle il se tenait avec Jcan-Sigismond, il aperçut Michel et Gargantua qui lui faisaient des signes. Ses deux amis Ă©taient avec un personnage qu’il reconnut aprĂšs quelques minutes d’examen. C’était l’Irlandais O’Vern qu’il avait rencontrĂ© Ă  Don- chĂ©ry, prĂšs de Sedan, quelques annĂ©es auparavant, lors de l’expĂ©dition contre le duc de Bouillon. Presque au mĂȘme instant se prĂ©senta le chevalier de Castaignac, qui, aprĂšs avoir saluĂ© le margrave, dit vivement Ă  l’officier des gardes — HĂ© ! milladious, venez donc ! Il y a lĂ  sur la place un homme qui vous donnera des nouvelles de mademoiselle Alice. — Faites-le monter, monsieur! fit le prince avec cour- toisie. Digitized by Google 30S L’ABBESSE DE MONTMARTRE BientĂŽt l’Irlandais parut. — Vous sauriez oĂč est ma fiancĂ©e ! s’écria Marcel en l’apercevant. Ah ! monsieur O’Vern ! je vous bĂ©nirais, si vous pouviez me la faire retrouver. — Je vous devais bien cela, monsieur de Fontaine, rĂ©- pliqua le fils de la verte Crin, Ă  vous qui m’avez tirĂ© de la misĂšre et procurĂ© les moyens de venir jusqu’en ce pays, retrouver ma sƓur. GrĂące Ă  vous aussi, je pus sauver ma fille malade. — C’est vrai ! C’est donc dans le Brandebourg que votre sƓur est abbesse ? — A l’abbaye des Bernardines, prĂšs de Potsdam. — Mais parlez vite ! Savez-vous oĂč est Alice? — En traversant la place du chĂąteau, je reconnus le gros capitaine, en compagnie de M. Michel. Je m’informai aussitĂŽt de vous. — Mais Alice ?... Donnez-moi des nouvelles d’Alice. — Vos amis me firent connaĂźtre pourquoi vous veniez de vous rendre au monastĂšre de Spandau... — D’oĂč on l’a enlevĂ©e il y a quelques mois. — Par saint Patrick! m’écriai-je, c’est des CarmĂ©lites de Spandau qu’on amena Ă  ma sƓur, l’abbesse Godeste, de la part du pĂšre Geyser, provincial des jĂ©suites, une no\ice qui pleurait fort. — C’était elle ! s’exclama Marcel au comble de la joie. — Elle se nomme Alice, en effet. — Et elle se trouve toujours aux Bernardines? — EnvoyĂ© par ma sƓur, je venais Ă  Brandebourg pour demander au provincial ce qu’il fallait faire de la jeune femme que rien n’avait pu dĂ©cider Ă  prendre le voile. — Ah! courons volons Ă  l’abba\e ! s’écria Michel. — Prenez avec vous, monsieur, un dĂ©tachement de mes hommes d’armes, dit le prince. — Que Votre Altesse se rassure ! fit observer O’Vern. Ma sƓur, l’abbesse Godeste, ne refusera point de rendre Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE sa fiancĂ©e Ă  ce gentilhomme Ă  qui j’ai tant d’obligations. Marcel et ses amis, ainsi que l’Irlandais, remontĂšrent aussitĂŽt Ă  cheval et coururent Ă  Potsdam au galop. L’abbesse Godeste, comme l’avait prĂ©vu O’Vern, se rendit au vƓu de son frĂšre, d’autant plus qu’elle n’avait plus rien Ă  craindre du ressentiment du pĂšre Geyser, dĂ©- , sormais expulsĂ© du margraviat. Quelques instants aprĂšs la fiile du comte de FuentĂšs Ă©tait dans les bras de Marcel.... DĂ©crire la joie et le bonheur des deux fiancĂ©s, rĂ©unis enfin aprĂšs tant d’annĂ©es de sĂ©paration et de douloureuses aspirations, serait inutile. On devine ce qui se passa dans leur Ăąme, ce qu’ils se dirent, les doux et charmants projets qu’ils formĂšrent pour l’avenir. Ce fut du reste le sujet inĂ©puisable de leurs entretiens pendant toute la route, lorsqu’aprĂšs avoir remerciĂ© vive- ment l’Irlandais et sa sƓur, et pris congĂ© du margrave Jean- Sigismond, qui donna Ă  Marcel, pour Henri IV, la lettre tant dĂ©sirĂ©e, ils reprirent le chemin de la France. On Ă©tait en plein printemps, Ă  la fin d’avril. Les len- teurs du voyage pĂ©rilleuxjusqu’à Brandebourg, l’emprison- nement Ă  Magdebourg, les excursions Ă  Spandau et Ă  Pots- dam avaient fait Ă©couler du temps. Il y avait dans le ciel bleu oĂč resplendissait l’astre vivi- fiant, dans les airs peuplĂ©s d’oiseaux chanteurs, sur la terre couverte de sa parure printaniĂšre, comme un immense concert d’amour, dont l’harmonie ne faisait que rĂ©pondre Ă  ce que nos deux amants ressentaient eux-mĂȘmes. Ils respiraient avec bonheur les parfums que le soleil pompait, avec la rosĂ©e, des champs verdoyants et des halliers en fleur. Le cƓur Ă©mu, plein d’espĂ©rance, Marcel chantait l’hymne au rhythme charmant d’un des poĂštes de la PlĂ©iade Avril, l’honneur et des bois El des mois; Digitized by Google 4'0 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Avril, la douce cspĂ©ranee Des fruits, qui sous le coton Du bouton Nourrissent leur jeune enfance! Avril, la grĂące et le ris De Cypris, Le flair et la douce haleine; Avril, le parfum des dieux Qui,descieux, Sentent l’odeur deOa plaine. Et les strophes gracieuses n France le bruit se rĂ©pandait que le roi allait ĂȘtre frappĂ© d’un coup mortel. — Mais c’est horrible ! s’écria Marcel, fortement impres- sionnĂ© et ajoutant presque foi, dans sa sollicitude pou- Henri IV, Ă  ces Ă©pouvantables dĂ©tails. Messieurs 1 permettez que je vous quitte. — DĂ©jĂ  ! fit-on. — Je cours Ă  Paris. — Demain matin... — Non, cette nuit mĂȘme. Tout pĂąle de ce qu’il venait d’entendre, Marcel se rendit Ă  l’hĂŽtellerie avec Castaignac, le fidĂšle Gascon du roi, non moins bouleversĂ© que lui. Il fit connaĂźtre* Ă  Alice, ainsi qu’au capitaine et Ă  Michel, ce qu’il venait d’apprendre. On rĂ©solut de ne goĂ»ter que les quelques heures de sommeil cont on avait besoin pour rĂ©parer ses forces, et longtemps avant le jour on se remit en voyage, eu laissant derriĂšre soi cette armĂ©e frĂ©missante, toute prĂȘle Ă  s’ébran- ler, et Ă  laquelle il ne manquait plus que sou roi, son chef, son pĂšre. Il 24 Digitized by Google WG L’ARBESSE DE MONTMARTRE Ce fut un vendredi matin que Marcel, avec Alice et ses compagnons, rentra dans Paris. Marie de MĂ©dicis avait Ă©tĂ© nommĂ©e rĂ©gente* avec un conseil de quinze personnes, pour le gouvernement du royaume en l’absence du roi. La veille, avaient eu lieu Ă  Saint-DĂ©nis le sacre et le couronnement de la reine, sui- vant la promesse qu’elle avait obtenue de Henri IV. L’entrĂ©e officielle de la rĂ©gente devait avoir lieu le len- demain, et Marcel, qui avait pĂ©nĂ©trĂ© dans la capitale par la porte Saint-Denis, vit en passant les apprĂȘts de la fĂȘte que l’on faisait aux alentours de l’HĂŽtel— de— Ville et du pont Notre-Dame. Dans la foule qui revenait de voir les prĂ©paratifs, il en- tendit gloser sur la cĂ©rĂ©monie du sacre. — Ah! dame Perronnel le, disait une voix, on dit de singuliĂšres choses sur ce qui se passe au Louvre. — Oui, j’en ai entendu parler, la LouvĂšte ! rĂ©pliqua la Bidaude, qui donnait le bras Ă  Jehanne la Jocette, nĂŽtre vieille connaissance. Mais cette derniĂšre, si joviale d’ordinaire comme l’in- diquait son surnom, Ă©tait silencieuse et paraissait prĂ©oc- cupĂ©e. — Notre bon roi Ă©tait tout triste, reprit Marthe la Lou- vĂȘte. On prĂ©tend qu’il n’a consenti Ă  ce sacre qu’à contre- cƓur, assurant qu’il lui porterait malheur. — Monsieur de Sully avait beau le rassurer le pauvre Henriot ne s’est point dĂ©ridĂ©. — 11 est frappĂ©, la Perronnelle c’est sĂ»r. Jacqueline, ma cousine de la porte Saint-Antoine, qui porte du lait chaque matin Ă  l’Arsenal pour madame la surintendante, a entendu rapporter de navrantes paroles. — Que disait-on Ă  l’Arsenal, dame Marthe? — La semaine passĂ©e, le roi, venant voir monsieur de Sully, lui avait dit dĂ©jĂ  Mon amy, que ce sacre me des- Digitized by Google L’ABBESSE IE MONTMARTRE toi plaist ! Je ne sçay ce que c’est, mais le cƓur me dit qu’il m’arrivera quelque mĂ©saventure. » — Que ces choses sont donc cruelles Ă  entendre de la part d’un si excellent prince ! — Le lendemain, revenant encore Ă  l’Arsenal avec le duc de Guise et M. de Bassompierre, il leur dit Vous ne me connaissez pas encore, vous autres mais je mourrai un de ces jours, et, quand vous m’aurez perdu, vous con- naĂźtrez lors ce que je valois et la diffĂ©rence qu’il y a de moy aux autres hommes. » — Ah ! cela me perce l’ñme, la Bidaude ! — Enfin, avant-hier, il arriva tout chagrin, et s’asseyant sur une chaise basse, rĂȘvant et battant des doigts sur l’étui de ses lunettes, il se relevait tout Ă  coup et, frap- pant des deux mains sur ses cuisses, disait Par Dieu ! je mourrai en cette ville et n’en sortirai jamais ! Ils me tueront, car je vois bien qu'ils n’ont d'autre remĂšde en leurs dangers que ma mort! Ah ! maudit sacre, tu seras cause de ma mort. » — Mais c’est piteux et lamentable ! — Puis, tout songeur, on l’ouĂŻt murmurer Il ne re- viendra donc pas, pour que je puisse partir. » — Le roi attend donc quelqu’un? — Il faut croire, dame Perronnelle... Sans doute il s’agit de quelque nouvelle importante, dont le retard l’impa- tiente. Marcel Ă©peronnait son cheval pour percer la multitude, ^lont les rangs Ă©pais, en le forçant d’aller au pas, lui avaient permis d’entendre cette conversation. Mais il lui fut impos- sible de faire avancer plus vite sa monture et celle d’Alice que suivaient ses trois compagnons. — Et le roi qui se meurt d’ennui, se dit-il, de ne point me voir arriver ! Il fut obbligĂ©, de la sorte, d’entendre encore quelques paroles des commĂšres. Digitized by Google 408 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Mais qu’a donc notre Jocette ? demanda la Bidaudc. Elle n’ouvre pas la bouche, et ses yeux sont tout Ă©garĂ©s... HĂ©! Jehanne, Ă  qui songez- vous, ma mie ? — Moi! fit la Jocette, comme rĂ©veillĂ©e en sursaut. Moi ! je ne pense Ă  rien. . — OĂč donc est votre langue, tna commĂšre?... Etes-vous en si grande peine, parce que maĂźtre Guille ne vous a point accompagnĂ©e? ... Mais, au fait, oĂč est-il, notre quĂ©reur pardons enrichi? Jehanne tressaillit et murmura — Ah! je tremble... — Vous tremblez de quoi? — Depuis huit jours je n’aperçois presque plus Jeau Guille, et j’ai vu arriver chez lui des figures qui ne me plaisent point, comme dans le temps... — Comme dans le temps? Que voulez- vous dire? — Chaque fois qu’on a commis quelque attentat. — Contre le roi ? — Les vieux de la Ligue se remuent nuit et jour, dit-on. Il y a surtout un vilain rousseau... — L'homme rouge! s’écriĂšrent Ă  la fois la Perronnelle et la LouvĂšte. — Il n’était question que de lui ce matin sous les pi- liers des Halles, ajouta la premiĂšre. On assure que c’est un fou on le voit toujours aiguiser son petit couteau et baiser son cƓur de Cotton. — Quelqu’un, reprit la Perronnelle, l’a rencontrĂ© hier soir, Ă  la tombĂ©e de la nuit, rĂŽdant sur la butte Mont- martre, autour de l’abbaye. — Vraiment? Que peut-il avoir Ă  faire lĂ ? — Il a parlĂ© un instant au frĂšre Gilles, le surveillant du For-au-Dames. Ce fut au tour de Marcel et de Michel de tressaillir. — Et ce qu’il y a de singulier, ajouta la Bidaude, c’est que la personne qui m’a contĂ© cela, a aperçu, une heure Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE iO*> aprĂšs, l'homme rouge dĂ©valant, comme un fou qu’il est, la butte Montmartre, et se prĂ©cipitant vers Paris, aprĂšs avoir vu quatre seigneurs de la cour pĂ©nĂ©trer dans l’abbaye. — Quatre seigneurs de la cour? — Parmi lesquels cette personne a cru reconnaĂźtre le roi Henri IV. — Ah çà! fit Marthe, Henri va donc toujours visiter l’abbesse Marie de Beauvilliers? ’ — Dame! on dit qu’il la consulte dans les grandes occa- sions, car c’est une trop sainte femme pour que tous les autres bruits scandaleux ne soient point tombĂ©s. Les trois commĂšres avaient quittĂ© la rue Saint-Denis, pour prendre la rue de la Ferronnerie et rentrer en leurs logis respectifs, et la petite cavalcade y avait pĂ©nĂ©trĂ© avec eux. Gomme il y avait lĂ  moins de monde que* dans la rue Saint-Denis, Marcel put enfin faire trotter son cheval et laissa derriĂšre lui la Perronnelle, la Jocette et la Bidaude. En sorte qu’il ne put entendre l’exclamation de cette der- niĂšre, au moment oĂč les trois commĂšres passaient devant la boutique de maĂźtre Kogier Leblanc, le quincaillier. — L'homme rouge ! s’était Ă©criĂ©e la Perronnelle. Et elle montrait le rousseau avec son feutre Ă  plumes, son grand rabat blanc et son pourpoint noir. Il Ă©tait assis sur une borne, en face de la boutique du quincaillier, qui Ă©tait celle du CƓur couronnĂ© percĂ© d'une flĂšche. Et lĂ , il semblait examiner avec attention la boutique et le voisinage. La rue Ă©tait flanquĂ©e lĂ  de loges et d’échoppes joignant la muraille du cimetiĂšre Saint-Innocent. Le 14 mai 15o4 — il y avait juste cinquante-six ans — le roi Henri II Ă©tant Ă  CompĂŻĂšgne, et considĂ©rant que cette rue de la Ferronnerie Ă©tait la voie ordinaire que sui- vaient les rois de France pour s’en aller du Loqvre en leur Digitized by Google HO L’ABBESSE DE MONTMARTRE chĂąteau des Tournelle», avait rendu un Ă©dit suivant lequel ces boutiques, qui encombraient la rue, devaient ĂȘtre dĂ©- molies et abattues. L’édit avait Ă©tĂ© ratifiĂ© en Parlement, mais son exĂ©cution nĂ©gligĂ©e. Deux des commĂšres se contentĂšrent de hausser les Ă©paules, en passant devant celui dont on ne parlait que comme d’un maniaque. Mais Jehaune la Jocette frĂ©mit... Était-elle, plus qu’elle ne voulait le dire, dans les confidences du vieux ligueur Jean Guille, le quĂ©reur de pardons? Dix minutes aprĂšs, l’homme rouge quittait son poste pour gagner le pout Notre-Dame. Chemin faisant, il murmurait — L'homme rouge!... toujours l’homme rouge! ... Ils m’appellent tous ainsi... Il eut un rire sec et nerveux. . — Oui, fit-il en reprenant son soliloque habituel, oui, je suis l’homme rouge... Le sang est rouge, et ce soir il y aura du sang!... Ha... ha... ha! je pourrai enfin venger la religion et me venger en mĂȘme temps... Je l’ai revu hier soir, le Navarrais, se rendant auprĂšs d’elle!... Et j’ai couru vers le pĂšre j’arrivai Ă  propos. On me faisait cher- cher... Monsieur le duc, la marquise et les autres qui doi- vent m’aider, y Ă©taient tous... Malheur Ă  lui! J’ai eu une vision cette nuit sou heure a sonnĂ©... Au moment oĂč Ravaillac frappait Ă  la maison mystĂ©- rieuse que nous connaissons, arrivaient Ă©galement deux autres personnages. C’était le vieux Jean Guille et frĂšre Gilles. Mais ni l’un ni l’autre ne portaient leur costume ordi- naire. Tous deux Ă©taient dĂ©guisĂ©s le premier en paysan, le second en marinier du port aux vins. Ils tenaient un fouet Ă  la main. Toutefois, frĂšre Gilles avait une cape grise qui lui couvrait la tĂȘte, comme toujours. Digitized by Google L'ABBESSE UE MONTMARTRE 41 1 Marcel avait d’abord conduit Alice chez son pĂšre adoptif, le conseiller du Bosc. Le vieux chevalier faillit mourir de bonheur en serrant la jeune femme dans ses bras. — A bientĂŽt! dit l’oflicier des gardes, aprĂšs avoir baisĂ© la main de sa fiancĂ©e. Puis il s’élança vers le Louvre. Le roi venait d’entendre la messe aux FeuillainS. Marcel le rejoignit au moment oĂč il rentrait dans son cabinet. — Sire! rĂ©jouissez-vous! s’écria Marcel. Voici la lettre du margrave de Brandebourg. Henri eut un Ă©clair de joie dans les yeux, et lut rapide- ment cette missive si ardemment dĂ©sirĂ©e. Mais aprĂšs avoir pressĂ© l’officier contre son cƓur, il lui dit, avec un ton dont la mĂ©lancolie frappa Marcel doulou- reusement — Ah! dĂ©sormais personne ne te sĂ©parera plus de moi, mon fils. J’étais bien inquiet et je craignais... — Vous craigniez, Sire? — De ne plus te revoir. — J’ai couru quelques dangers, c’est vrai, mais... — Las! je me comprends, reprit le roi en l’interrom- pant avec un soupir. Si Dieu me permet d’aller en guerre... Sire! j’ai vu vos armĂ©es en roule elles brĂ»lent de % vous voir Ă  leur tĂȘte et de courir Ă  la victoire sons un si grand gĂ©nĂ©ral . Henri acheva sa phrase, sans paraĂźtre tenir compte de l’interruption enthousiaste de son officier des gardes Mais tu m’acccompagneras partout. Tu seras, Ă  mes cĂŽtĂ©s, mon cher Ă©cuyer d’autrefois. Mon unique soin sera de veiller sur mon roi. Le Sei- gneur m’assistera, lui qui m’a sauvĂ© en route des em- bĂ»ches des jĂ©suites... — Toi aussi, mon fils?... Ah! les enragĂ©s!... i’ii com- mis une grande faute, je le reconnais maintenant; d’avoir rappelĂ© ces gens, qui n’ont rien appris, rien oubliĂ©... Mon Digitized by Google 412 L’ABBESSE ÜE MONTMARTRE indulgence ne m’aura servi Ă  rien, car ils ont repris leur prĂ©dictions et leurs fureurs. — Sire! chassez-les Ă  jamais du royaume. — Trop tard maintenant... HĂ©las! en ces jours criti- ques, que de fois je me suis ressouvenu des paroles solen- nelles de ton aĂŻeul, dans le bourg de Pailhat incendiĂ©... — Lu ministre Massin, dont me parle si souvent Michel? — Chaque fois que je n’ai point consultĂ© madame Marie de Beauvilliers, ce qui correspondait Ă  ton Ă©loignement de la cour, mon fils, mauvaises rĂ©solutions je pris, et des orages se formĂšrent contre moi. — Confiez-vous en l’avenir, Sire! Avec votre vaillante armĂ©e, vous pouvez braver tout orage et pĂ©ril. — HĂ©las ! rĂ©pondit Henri en soupirant encore. Marcel prit congĂ© du roi, qui l’engageait Ă  aller voir ses amis et Ă  le rejoindre dans la soirĂ©e. Dans la galerie, l’officier n’aperçut que des visages tristes et soucieux. On s’entretenait Ă  voix basse des sinistres prĂ©dictions qu’on colportait, des paroles inquiĂštes du roi, de tous les signes prĂ©curseurs d’une catastrophe. — Il y a des anges et des dĂ©mons, se mit Ă  dire un gen- tilhomme, qui Ă©tait Haramboure, de bons et de mauvais gĂ©nies... — Oui, rĂ©pliqua d’ÀubignĂ©, il y a la reine Marguerite et les gens de l’autre reine — — Les Cortcini! — Avec les jĂ©suites. — Harnibieu! fit Crillon, vous avez raison, M. d’Au- bignĂ©. — C’est la premiĂšre fois, M. de Crillon, que je vous vois si complĂštement de mon avis. EspĂ©rons que ce ne sera pas la derniĂšre. — Au fait, intervint Belzunce, j’ai vu tantĂŽt Ă  une lenĂȘtre la GaligaĂŻ, avec sa figure chafouine. Elle parlait bas Ă  son Digitized by Google L’ABUESSE DE MONTMARTRE 413 I mari, et tous deux avaient un sourire de joie diabolique. On eĂ»t dit qu’ils se gaudissaicnt de l’anxiĂ©tĂ© de notre Henriot. — Tandis que hier, lit observer Chicot, la bonne Margot envoyait au roi une lettre de son hĂŽtel du petit PrĂ©-aux- Clers, pour l’avertir qu’elle connaissait une prophĂ©tie de La Brosse, qui dĂ©signait le 14 - mai comme un jour de danger mortel. Elle le suppliait de ne point quitter le Louvre. — J’espĂšre bien qu’il ne sortira point, le reyot, dit Cas- taignac. — D’Epernon et le pĂšre Cotton se trouvaient lĂ , avec PĂ©rinet. Henri leur montra la lettre de Marguerite. — Que dirent le duc et les autres? — PĂ©rinet prĂ©tendit que La Brosse Ă©tait un ignorant, un bĂ©lĂźtre, un pĂ©dant; que lui, PĂ©rinet, pouvait garantir, sui- vant ses Ă©tudes, qu’il n’y avait nul pĂ©ril Ă  craindre. — Et d’Epernon? — Le duc rappela au roi qu’il avait dĂ©sirĂ© voir, vers quatre heures, aprĂšs le dĂźner, les prĂ©paratifs de fĂȘte aux environs de rHĂŽtel-de-Ville et du pont Notre-DamĂ©; que sa visite accĂ©lĂ©rerait certainement le travail... — Quelle Ă©tait l’opinion du confesseur? — Le pĂšre Cotton ne disait pas grand’chose. Seulement il opina par signes de tĂȘte dans le sens du duc, quand celui-ci ajouta que Sa MajestĂ© ne pouvait partir pour l’armĂ©e avant la cĂ©rĂ©monie solennelle de la rentrĂ©e de la rĂ©gente; que si les apprĂȘts ne s’achevaient promptement, le roi se verrait obligĂ© de diffĂ©rer son dĂ©part pour cette guerre qui lui tenait tant au cƓur. — Et qu’a rĂ©pondu le roi ? — Qu’il verrait... qu’aprĂšs tout il avait besoin de causer avec Sully, qui Ă©tait malade et retenu Ă  l’Arsenal. En entendant tout cela, Marcel rĂ©solut de retourner dans le cabinet royal, pour conjurer Henri IV de ne point n 25 . Digitized by Google 4U L'ABBESSE DE MONTMARTRE s’exposer dans les rues de Paris pendant cette journĂ©e, que tant de circonstances, fortuites ou non, semblaient si- gnaler comme funeste et calamiteuse. Il se proposait en mĂȘme temps de lui rapporter ce qu’il avait entendu dire, une heure auparavant, dans les rangs du peuple. Mais les gardes lui apprirent que le roi venait de se rendre dans l’appartement de la reine, avec laquelle il devait dĂźner. Marcel alla retrouver scs amis, Michel et Gargantua, qui l’attendaient dans la cour. Tous les trois remontĂšrent Ă  cheval, et atteignirent bientĂŽt Montmartre. Marcel embrassa sa vieille mĂšre, qui le mena en pleurant auprĂšs de Marie de Beauvilliers. L’esprit de la pauvre femme Ă©tait toujours un peu dĂ©- rangĂ©, mais avait maintenant de longs jours lucides. Ses moments d’égarement duraient peu et revenaient plus ra- rement. L’abbesse retint notre officier, pour entendre le rĂ©cit de son pĂ©rilleux voyage. Mais il Ă©tait pressĂ© de revoir aussi monsieur de Cliguancourt, et, dĂšs qu’il eut terminĂ©, il courut au manoir. Le seigneur Ligier Ă©tait clouĂ© au lit par un de ses vio- lents accĂšs de goutte. Marcel comprit que ce n’était pas le moment de lui parler d’Alice, comme il l’eĂ»t dĂ©sirĂ©. Il remit donc Ă  un autre jour la tĂąche si difficile de re- concilier l’oncle et la niĂšce, et remonta la bulle sur la- quelle il avait laissĂ© Michel et Gargantua. Il trouva le capitaine entourĂ© d’une douzaine de vigne- rons, auxquels il racontait, avec force c 1er Teufel , son voyage du Brandebourg, et avec lesquels il fĂȘtait joyeuse- ment le vin de France, dont il avait Ă©tĂ© privĂ© si longtemps. — OĂč est Michel? demanda l’officier au reĂźtre. — Au cloĂźtre, mon bedit, avec un frogard. — Un religieux? Lequel? Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 415 — Le chĂ©suite, vous savez... le frĂšre GĂŽme, qui est arrivĂ© en gourant. — Le frĂšre CĂŽme, le servant du pĂšre Daubigny! — la, ia. Ils n’ont bas vulu poire et ont gouru dus deux auprĂšs de matante l’appesse... Michel levait les mains au ciel et bussait des ah! et des oh! — Quelque nouvelle grave! dit Marcel. — la, ia, drĂšs-crave, mon bedit, buisgue cbe vus dis gu’ils n’ont bas vulu poire... Mais moi, je pois duchurs. Pressentant quelque chose, Marcel se prĂ©cipita vers le cloĂźtre. Marie de Beauvillers Ă©tait pĂąle comme un spectre, Michel consternĂ©; le frĂšre GĂŽme, tout pantelant encore de sa course, leur faisait un rĂ©cit qui les frappait d’horreur et d’épouvante. — Marcel, s’écria l’abbesse dĂšs qu’elle aperçut l’officier des gardes, courez sauver le roi! — Sauver le roi ! — Vous n’avez pas un instant Ă  perdre. Sa vie est me- nacĂ©e par un assassin. — Que dites-vous, madame? De quel attentat s’agit-il? OĂč trouverai-je le misĂ©rable? — Ecoutez ce frĂšre, et frĂ©missez! — Oui, monsieur, dit le pieux novice des jĂ©suites, un abominable forfait a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© cette nuit. J’en suis encore tout tremblant... En entendant cette exĂ©crable trame, le sang se figeait dans mes veines. — Expliquez-vous donc mon anxiĂ©tĂ© est extrĂȘme. — Dans la maison du pont Notre-Dame, oĂč depuis plu- sieurs mois se rend mon maĂźtre... — Le pĂšre Daubigny! — Un homme que je croyais si saint I... Dans cette maison, se sont rĂ©unis hier soir, Ă  minuit, le duc d'Epernon et la marquise de Verneuil. — Digne amie de ce monstre 1 Digilized by Google 416 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Le profĂšs les a laissĂ©s seuls, et m’a dit tout bas en sortant Demeure lĂ , et sois tĂ©moin que je me suis re- tirĂ©. Je lie veux pas ĂȘtre compromis, et je blĂąme un pareil complot. » On voit qu’au dernier moment, le profĂšs jugeait prudent de ne plus se mĂȘler de l’affaire, du moins en apparence, et, avec un habile calcul, il laissait lĂ  quelqu’un pour at- tester son innocence au besoin. — Ces paroles, reprit le novice, me frappĂšrent. Il s’agissait donc d’un complot? Contre qui? Je ne tardai pas Ă  le savoir le duc et la marquise attendaient trois hommes, qui se prĂ©sentĂšrent l’un aprĂšs l’autre. — Quels Ă©taient ces hommes? — Un vieux bourgeois que je voyais pour la premiĂšre fois; un autre personnage bien enveloppĂ© dans sa cuculle et si bien couvert de son capuce, que je ne pus voir son visage; enfin... — Enfin? — L'homme rouge. — Encore l'homme rouge ! s’écria Marcel, qui se souve- nait des paroles qu’il avait entendues le matin dans la foule. * — Oui, un rousseau, un praticien d’AngoulĂȘme, qu» maintes fois dĂ©jĂ  Ă©tait venu dans la maison et au GesĂŒ de la Porte Saint-Antoine, pour parler tantĂŽt au pĂšre, tantĂŽt Ă  la marquise, tantĂŽt aussi au duc. — Son nom? — François Ravaillac. — Et cet homme? — C’est lui qui doit frapper le roi. — OĂč? quand? — Aujourd’hui mĂȘme, rue de la Ferronnerie... Mais en- tendez le reste. — Pour l'amour de Dieu, hĂątez-vous ! — Ah! j’écoutais de toutes mes oreilles. Le duc et la Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 417 marquise ne se gĂȘnaient guĂšre , du reste ils parlaient haut. La voix de l’homme ronge avait par moments des Ă©clats sinistres... Celle du vieux bourgeois, je l’entendais moins, mais el,le rĂ©sonnait sourdement... La troisiĂšme, celle de l'homme au capuce sans doute, Ă©tait seule inintel- ligible. — Mais que disait-on 9 Parlez, au nom du ciel! — On frappa de nouveau, soudain, Ă  la porte qui s’ouvre sur le pont. — Quel Ă©tait ce nouveau venu? — Un grand Italien de la maison de monsieur Concini, que j’avais dĂ©jĂ  vu. — Ali ! que venait-il faire? — On l’accueillit avec joie. Il dit ces mots, qui retentis- sent encore Ă  mon oreille A quatre heures il sortira du Louvre dans son carrosse, pour se rendre Ă  l’Arsenal. Il passera rue de la Ferronnerie, pour aller voir les apprĂȘts de la fĂȘte... Il l’a annoncĂ© Ă  la reine. » — C’est moi, s’écria d'Epernon, qui l’ai dĂ©terminĂ©. Ainsi, tout est com- binĂ© Ă  propos, comme je viens de l’expliquer. » — Mais quelle est cette horrible combinaison? demanda vivement Marcel. — L’Italien ajouta que les gens du signore son maĂźtre, seraient rue de la Ferronnerie, comme il avait Ă©tĂ© convenu. Oui, je sais, des aventuriers soldĂ©s par Concini, » dit d’Epernon. — Ah ! l’abominable Florentin ! — L’envoyĂ© de Concini, poursuivit le novice, se retira bientĂŽt. Ce fut aprĂšs son dĂ©part que le duc et la marquise assignĂšrent leur rĂŽle Ă  chacun des trois hommes. — Et ce rĂŽle exĂ©crable? — Le voici. L’homme rouge, Ravaillac, attendra le roi devant la boutique d’un quincaillier, qui est adossĂ©e au mur du charnier des Innocents, et qui porte pour enseigne un CƓur couronnĂ© percĂ© d'une /lĂšche. Les deux autres Digitized by Google 418 L’ABBESSE DE MONTMARTRE obstrueront la rue dĂ©jĂ  si Ă©troite, afin d'ai rĂȘter le carrosse du roi et de faciliter Ă  Ravaillac son horrible forfait. — Comment s’v prendront-ils? — Le premier conduira une voiture de foin, destinĂ©e Ă  tenir le milieu mĂŽme de la rue, pour forcer le carrosse de prendre Ă  main gauche, tout contre la boutique du quin- caillier. — Et l’autre? — Aura un baquet chargĂ© de futailles de vins qui, pivo- tant tout Ă  coup, au moment mĂŽme oĂč le carrosse sera contre la boutique, barrera la rue par derriĂšre et em- pĂȘchera d’avancer les gardes et les valets. — Les dĂ©mons! ils ont tout prĂ©vu, — Quand les trois hommes se retirĂšrent, acheva le frĂšre CĂŽme, je vis au rousseau et au vieux des yeux Ă©tincelants; mais l’homme au capuce, encore plus soigneusement enve- loppĂ© qu’auparavant, et qui paraissait bien se cacher de moi, tenait la tĂȘte baissĂ©e d’un air morne, comme quel- qu’un qui eĂ»t obĂ©i Ă  contre-cƓur. — Ah! l’infernal plan!... C’est tout? X QUATORZE MAI ! — Oui, monsieur... Le roi est bon, il m’a sauvĂ© des mains des mĂ©chants. Je voulais accourir dĂšs l’aube pour prĂ©venir de toute cette dĂ©testable machination madame l’abbesse, qui est l’amie du roi. Mais le pĂšre Daubigny Ă©tant rentrĂ© aprĂšs le dĂ©part de ces gens odieux, je ne pus Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 419 m’échapper que cette aprĂšs-midi... En arrivant devant le monastĂšre, j’aperçus monsieur Michel. — Courez donc, Marcel! s’écria Marie de Beauvifliers. Vous connaissez tous les dĂ©tails de l’abominable trame puissent-ils vous aider Ă  conjurer le pĂ©ril ! — Je vole droit au Louvre prĂ©venir le roi... Michel, Ă  cheval ! Quelques minutes aprĂšs, tous deux montaient en selle et descendaient la butte au grand trot de leurs chevaux. En les voyant si pressĂ©s et si bouleversĂ©s, le capitaine Gargantua s’arracha de la sociĂ©tĂ© de ses chers amis les vignerons, et enfourcha Ă©galement son roussin, en se disant — Oh 1 oh ! che grois qu’on aura pesoin de moi. Il rejoignit ses amis auxPorcherons. Ventre Ă  terre, les trois cavaliers arrivĂšrent au Louvre. — Le roi? demanda Marcel aux gardes. — Parti en carrosse depuis dix minutes, pour l’Arsenal. — Par oĂč? — Par la rue Saint-HonorĂ©. — Courons! nous le rattraperons. Comme des furieux, ils s’élancĂšrent dans la direction indiquĂ©e. Voici ce qui s’était passĂ© au Louvre, avant le dĂ©part de Henri. Les historiens du temps ont conservĂ© les moindres gestes et paroles de l’infortunĂ© monarque. AprĂšs le disnĂ©, raconte Lestoile, le roy s’est mis sur son lit pour dormir; mais, ne pouvant recevoir de sommeil, il s’est levĂ©, triste, inquiet et rĂȘveur, et a promenĂ© dans sa chambre quelque temps, et s’est jetĂ© derechef sur le lit. Mais ne pouvant dormir encore, il s’est levĂ©, et a de- mandĂ© Ă  l’exempt des gardes quelle heure estoit. a L’exempt luy a rĂ©pondu qu’il estoit quatre heures, et a dit Digitized by Google 420 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Sire, je vois Votre .MajestĂ© triste et toute pensive il vaudroit mieux prendre l’air, cela la rĂ©jouiroit. — C’est bien dit ; eh bien, faites apprĂȘter mon carrosse J’irai, comme je l’avois rĂ©solu, Ă  l’Arsenal voir le duc de Sully, qui est indisposĂ© et qui se baigne aujourd’hui. Cependant le roi hĂ©sitoit encore. Il alla voir Marie de MĂ©dicis, et plusieurs fois dit Ă  la reine — Mamie, irai-je? n’irai-je pas? Il sortit mĂȘme deux ou trois fois, et puis tout d’un coup retourna et disoit Ă  la reine — Ma mie, irai-je* encore? et faisoit de nouveau doute d’aller ou de demeurer. Enfin il se rĂ©solut d’y aller, et ayant plusieurs fois embrassĂ© la reine, luy dit adieu, et, entre autres choses qu’on a remarquĂ©es, il lui dit — Je ne ferai qu’aller et venir, et serai ici Ă  cette heure mesme. 9 Comme il fut en bas de la montĂ©e escalier oĂč son carrosse l’attendoit, monsieur de Praslin, son capitaine des gardes, le voulut suivre. Il luy dit — Allez- vous-en, je ne veux personne; allez faire vos affaires. Ainsi, n’ayant autour de luy que quelques gentils- hommes et des valets de pied, il monta en carrosse, se mit au fond, Ă  sa main gaucbc, d’Epernon se plaçant Ă  sa main droite. Il fit entrer ensuite dans le carrosse messieurs de Montbazon, Roquelaure, le marĂ©chal de Lavardin, La Force, Mirebeau et le premier Ă©cuyer Liancourt. » Le vaste et lourd vĂ©hicule s’ébranla, prĂ©cĂ©dĂ© seulement de Serviteurs Ă  cheval et accompagnĂ© de quelques valets de pied. Comme il faisait chaud, on Ă©carta les mantelets ou rideaux de cuir des portiĂšres. , Le cocher ayant demandĂ© oĂč il fallait toucher, le roi rĂ©pondit d’abord d’un ton chagrin Digitized by Google L’ABBESSE 1>E MONTMARTRE 421 — Mettez- moi hors d’ici. Mais un peu plus loin, Henri passa sa tĂȘte par la portiĂšre et dit tout haut — A l’Arsenal, par le cimetiĂšre des Innocents. Cela voulait dire par la rue delĂ  Ferronnerie. Et, Ă  cause de la chaleur, le roi quitta le manteau qu’il avait sur lui, et le posa sur ses genoux. Marcel, en se prĂ©cipitant sur les traces de Henri IV, avait espĂ©rĂ© rejoindre facilement le lourd carosse. Gar- gantua et Michel l’avaient suivi. On fut bientĂŽt dans la rue Saint-HonorĂ©.' Le peuple se range d’abord devant l’officier des gardes. Tout en galopant, celui-ci se dresse sur les Ă©triers, pour regarder devant lui, par-dessus les tĂȘtes. Tout Ă  coup il s’écria avec joie — VoilĂ  le carrosse!... En avant! Mais la foule est devenue plus compacte. Des charrettes des halles, plusieurs coches desservant les environs de Paris, quelques carrosses mĂȘme car l’usage en Ă©tait de- venu moins rare, Ă  la file les uns des autres, commençaient Ă  encombrer la rue Saint-HonorĂ© entre celle des Provoires PrĂȘtres ou Prouaires et la rue Tire-Chape. Marcel ne peut plus avancer que lentement. A la rue des Bourdonnais, il regarde. — Le carrosse entre dans la rue de la Ferronnerie, crie- t-il. Place ! place!... Mais sa voix s’entend Ă  peine au mi- lieu du brouhaha. 11 tire son Ă©pĂ©e. Le capitaine et l’ancien pĂątre l’imitent, en se mettant Ă  ses cĂŽtĂ©s. L’oflicier et le reĂźtre , du plat de leurs lames, frappent Ă  droite, Ă  gauche, sur les haridelles des charrettes, sur les mazettes des coches, pour les faire ranger et s’ouvrir un passage. Gros-Michel pousse devant lui un coche avec tant de force, qu’il envoie le timonier briser la devanture d’une boutique de pelletier, au coin de la rue des DĂ©chargeurs. Digitized by Google 422 L'ABBESSE DE MONTMARTRE — QuĂ© simple! s’était-il contentĂ© de murmurer. — Ciel! je ne vois plus l’équipage, dit l’officier. Il est engagĂ© au milieu de toutes ces voitures qui le cachent... Au nom de Dieu! laissez-moi passer. Marcel commande, jure, menace, implore c’est en vain. — Mais nous ne pouvons ni avancer ni nous garer, rĂ©- pondent les conducteurs des carrioles, en montrant la file devant eux et les Ă©choppes Ă  leurs cĂŽtĂ©s. — A la male heure! s’écrie Marcel. Voici les valets de pied qui ont quittĂ© le carrosse... — Ils prennent par une des galeries du charnier, fait observer Michel. — Les insensĂ©s! ils vont laisser tuer le roi... A pied, Michel! Ă  pied, capitaine! et ouvrons-nous un passage, les armes Ă  la main. L’officier des gardes a sautĂ© de son cheval, qu’il aban- donne au milieu de la bagarre. Gros-Michel, qui en a fait autant, l’a dĂ©jĂ  dĂ©vancĂ© ; distribuant scs maĂźtres coups de poing, il fait une trouĂ©e, par laquelle il s’élance. Marcel marche sur ses traces; Gargantua, Ă  pied aussi, derriĂšre l’officier, s’avance en soufflant bruyamment. Ils atteignent de la sorte la rue de la Ferronnerie, et s’y jettent en dĂ©sespĂ©rĂ©s. Le carrosse royal marchait toujours, mais Ă  grand’peine. — Enfin! s’écrie Marcel. Merci, seigneur Dieu! Il voyait le vĂ©hicule dorĂ© et armoriĂ© Ă  quinze pas devant lui. Mais l’équipage est en face de la boutique du quincaillier. L’officier reconnaĂźt en frĂ©missant le CƓur couronnĂ© percĂ© d'une pĂšche. Ce qui le fait frissonner surtout et le remplit d’effroi, c’est qu’il aperçoit en mĂȘme temps, au delĂ  du carosse, au milieu de la rue, une Ă©norme voiture de foin. Au moment oĂč il va se prĂ©cipiter, uu baquet plein de Ji Digitized by Google I/ABBESSE DE MONTMARTRE 423 tonnelets, qui s’était rangĂ© pour laisser passer le carrosse royal, tourne subitement sur lui-mĂȘme et barre la rjie dans toute sa largeur. — Place! place! crie l’officier. Et il se jette sur le haquet. Un homme, habillĂ© en garçon de riviĂšre, le fouet Ă  la main, mais une cape grise sur le front, se dresse soudain devant lui et, avec une voix Ă©videmment contrefaite, se met Ă  gronder — MorguĂ©! ne voyez-vous point que... Mais le marinier a levĂ© la tĂȘte. Il a tressailli de tout son corps, Ă  la vue de Marcel. — Place I ordonne encore l’officier, ou ma lame... Et il veut repousser cet homme, pour arriver Ă  l’un des bricoliers et saisir le cheval par le licou. Mais alors, et au moment mĂȘme oĂč le carrosse du roi dĂ©- viait Ă  gauche, pour Ă©viter la voiture de foin, et se rappro- chait de la boutique du quincaillier, une demi-douzaine de grands coquins s’élancĂšrent d’une allĂ©e Ă  droite qui com- muniquait avec la place aux Chats. C’étaient les gens du Concini. L’un d’eux, qui paraissait ĂȘtre le chef, bondit sur - Marcel, la dague Ă  la main. Prompt comme l’éclair, l’homme Ă  la cape grise se jette au devant du chenapan et reçoit le coup en pleine poitrine. Mais un cri a retenti... un cri qui glace Marcel jusqu’à la moelle des os. Il a reconnu cette voix cette voix est celle de Henri IV. Tandis que Michel et Gargantua mettaient en fuite les estafiers envoyĂ©s par Concini, dont la besogne, du reste Ă©tait achevĂ©e, car ils avaient, eux aussi, entendu le cri dĂ©- chirant ' parti de l’équipage royal, Marcel avait fini par Ă©carter les chevaux du haquet, et tout haletant, tout pĂąle, arrivait devant la boutique. Horrible spectacle! L’infortunĂ©e Henri avait la tĂȘte ap- Digitized by Google 424 - L'ABBESSE DE MONTMARTRE puyĂ©e sur l’épaule du duc d’Epernon, et le sang jaillissait Ă  gros bouillons de sa bouche et de deux blessures au cƓur. Il Ă©tait dĂ©jĂ  mort..,.. Les seigneurs avaient rapidement ouvert les portiĂšres, les uns s’empressant autour du roi, les autres tenant l'as- sassin, qui ne bougeait pas. C’était le rousseau d’AngoulĂȘme, François ftavaillae. Voici comment il avait accompli son exĂ©crable forfait. Un seul des valets de pied Ă©tait restĂ© prĂšs du roi, Ă  cĂŽtĂ© de la voiture, tandis que les autres avaient voulu se porter en avant par le charnier, pour dĂ©gager la voie. Par mal- heur, au moment oĂč le carrosse Ă©tait forcĂ©, devant la voi- ture de foin, de se rapprocher de ia boutique, ce valet se baissa pour rajuster sa jarretiĂšre. Ravaillac -se glissa entre lui et le carrosse, et, par- dessus la roue, passa son bras par la portiĂšre et frappa ra- pidement le roi de deux coups d’un couteau tranchant des deux cĂŽtĂ©s. Il lui en porta un troisiĂšme, mais celui-lĂ , le duc de Montbazon le reçut manche de son pourpoint. Au premier coup, le roi avait jetĂ© le cri entendu par Marcel, en ajoutant — Je suis blessĂ©. Au deuxiĂšme, il avait poussĂ© un soupir qui fut Ă©touffĂ© aussitĂŽt par le vomissement de sang, et sa tĂȘte tomba sur l’épaule du duc Ă  ses cĂŽtĂ©s. La mort fui presque instantanĂ©e. Un des gentilhommes s’était Ă©criĂ© — Le roi est mort! On l’avait entendu. Ce fut d’abord un long frĂ©missement dans la foule. Puis les plus rapprochĂ©s voulurent se prĂ©ci- piter sur l’assassin et le mettre en piĂšces. Les, seigneurs et Marcel durent protĂ©ger sa vie, pour le conserver Ă  la justice. L'ABBE SS K DE MONTMARTRE x Les habitants et les curieux, saisis de terreur, se jetaient dans les allĂ©es et dans les Ă©choppes. On emmena le meurtrier qui fut conduit Ă  l’hĂŽtel de Retz, situĂ© rue du Petit- Bourbon. Marcel ayant cherchĂ© des yeux ses amis, les aperçut auprĂšs de l’homme Ă  la cape, qu’on avait transportĂ© dans' une Ă©choppe. Michel lui lit signe de venir. — Voici votre pĂšre qui se meurt, dit d’une voix grave le pĂątre de Pailhat, en montrant frĂšre Gilles. — Mon pĂšre ! s’écria l’officier. Lui, mon pĂšre! En le reconnaissant, l’ancien ligueur d’Amhert eut * A encore la force de murmurer ces paroles — Mon fils! tu prieras ta mĂšre deme pardonner... Quant au ciel, puisse sa misĂ©ricorde descendre sur le complice des rĂ©gicides ma volontĂ© n’y Ă©tait pas, niais ils me domi- naient... le meurs, mon fils, heureux d’avoir reçu le coup qui t’était destinĂ©... Adieu ! A ces mots, il rendit le dernier soupir. On avait abattu les inanlelets du carrosse royal, et les seigneurs ordonnĂšrent au cocher de retourner au Louvre. AprĂšs avoir confiĂ© le corps de son pĂšre Ă  Michel et Ă  Gargantua, Marcel, le cƓur navrĂ©, se joignit au lugubre cortĂšge, qui s’ébranlait pour regagner la demeure des rois. Des deux morts, celui qui Ă©tait dans le carrosse n’avait-il pas Ă©tĂ© son .vĂ©ritable pĂšre?... Au moment oĂč il se mettait en marche derriĂšre le fu- nĂšbre vĂ©hicule, qui renfermait le meilleur des amis et des rois, Marcel leva par hasard la tĂȘte vers une des maisons en face du quincaillier. Une figure de femme, blĂȘme et contractĂ©e, s’y montrait au premier Ă©tage. Elle tenait un volet çntr’ouvert. Le regard de l’officier et celui de a femme se rencon- trĂšrent. i Cette derniĂšre referma aussitĂŽt le vĂŽlet, mais pas assez tĂŽt pour que Marcel ne pĂ»t la reconnaĂźtre. Digitized by Google 426 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Ah! la misĂ©rable! murmura-t-il. C’était Henriette d’Entragues. Ce fut lĂ  l’horrible Ă©vĂ©nement, prĂ©dit, disent les chroni- ques, par tant de signes, qui s’accomplit dans la journĂ©e du 44 mai 1610! Comme on le sait, Henri IV avait toujours cru Ă  ce chiffre nĂ©faste quatorze ! Mais malgrĂ© ses propres apprĂ©hensions, malgrĂ© l’avertissement donnĂ© la veille par la reine Mar- guerite , une sorte de fatalitĂ© l’avait poussĂ© Ă  se livrer lui-mĂȘme Ă  l’infĂąme guet-apens, prĂ©parĂ© par ses ennemis. Le grand Henri Ă©tait mort, et ses vastes projets mou- raient avec lui! La main d’un misĂ©rable faisait rĂ©trograder pour des siĂšcles les destins de la France et de l'Europe Champion et martyr de la libertĂ© de conscience, qu’il voulait fonder par sa rĂ©publique chrĂ©tienne , il fut, en mĂȘme temps, le plus français des rois de France. Quand le carrosse, avec le roi mort, eut pĂ©nĂ©trĂ© dans la cour du Louvre, Concini courut Ă  la chambre de la reine. A travers la porte entrebĂąillĂ©e, il se contenta de jeter ces mots — E amazzalo! U est tuĂ© ! D’Epernon, lui qui s’était Ă©criĂ© au moment oĂč Saint- Michel, l’un des gentilshommes, voulait immoler l’assassin Ă  cĂŽtĂ© du carrosse N'en faites rien, le roi n’a pas de mal; » d’Epernon ne tarda pas Ă  s’inquiĂ©ter. Il courut Ă  l’hĂŽtel de Retz, et fit transporter Ravaillac chez lui. Le meurtrier y resta trois jours. Le duc I’cndoctrĂźna-l-il et lui promit-il la vie sauve? On l’a supposĂ©. Le fait est que Ravaillac ne nomma au- cun complice tant que dura l’information. Le pĂšre Cotton voulut Ă©galement s’aboucher avec Ra- vaillac. li alla le voir dans la prison de la Conciergerie, oĂč on l’avait transfĂ©rĂ©. L’Estoilc rapporte qu’il lui dit ,de Digitized by Google L’AlĂźBESSE DE MONTMARTRE 427 prendre garde Ă  ses paroles, » et qu’il voulut lui faire croire qu’il Ă©tait huguenot! Quelque temps aprĂšs, une querelle Ă©tant survenue entre le mĂŽme pĂšre et M. de LomĂ©nie, celui-ci, en plein conseil, suivant l’Estoile encore, dit au jĂ©suite que c’était lui et ceux de sa SociĂ©tĂ© qui avaient tuĂ© le roi. » Il parut de nombreux Ă©crits qui accusĂšrent la marquise de Verneuil, le duc d’Epernon, les jĂ©suites, les Concini, d’avoir Ă©tĂ© les instigateurs du crime. C’était bien l’opinion du temps. Du haut de la chaire, le pĂšre Portugais, cordelier, et plusieurs curĂ©s de Paris, notamment ceux de Saint-Bar- thĂ©lemy et de Saint-Paul, taxĂšrent les jĂ©suites d’ĂȘtre fau- teurs et complices de l’assassinat. Le meurtre commis sur la personne du roi Henri IV ne de- vait ĂȘtre, Ă  ce qu’il paraĂźt, que le prĂ©lude de l’exĂ©cution - d’un plan plus vaste. Un gentilhomme, voyant les dames de la reine pleurer aprĂšs l’évĂ©nement, s’en moqua et leur dit Vous en verrez bien d’autres, et les avertit de garder leurs larmes pour une occasion qui se prĂ©senterait bientĂŽt. La veuve du capitaine Saint-Mathieu conseilla Ă  une Parisienne de quitter la capitale. — Pourquoi cela? » demanda-t-elle. — C’est parce qu’avant qu’il soit huit jours, il arrivera de grands malheurs dans celte ville. » Le bruit sinistre d’une nouvelle Saint-BarthĂ©lemy se rĂ©- pandit. Sully se renferma dans l’Arsenal et le mit en dĂ©fense. Les protestants alarmĂ©s se barricadĂšrent dans leurs maisons. Pendant une nuit ou entendit crier dans les rues Aux armes ! On voulait produire un mouvement, mais les crieurs furent battus et mis en fuite par la milice parisienne. L’exĂ©cution du projet sanguinaire fut manquĂ©e. Le Digitized by Google ‱428 L'ABBESSE DE MONTMARTRE peuple de Pans, dit L’Estoile, Ă©tait las et recru des trom- peries des grands. » Quoi qu’il en soit, la douleur et la consternation fuient extrĂȘmes, quand la nouvelle de la mort de Henri IV se rĂ©pandit dans les diffĂ©rents quartiers de la ville. — Le roi est mort! Ce mot sinistre vola de bouche en bouche. Les portes et les boutiques se fermĂšrent. On n’entendait de tous cĂŽtĂ©s que clameurs et gĂ©missements. On courait Ă©perdu par les rues, on embrassait ses amis, sans leur dire autre chose, sinon — Ah ! quel malheur ! Dos femmes Ă©chevelĂ©es hurlaient et se lamentaient. Les pĂšres disaient Ă  leurs enfants — Que deviendrez-vous, mes enfants, vous avez perdu votre pĂšre ? , Ainsi fut pleurĂ© Henri IV Le sent roi dont le peuple ait gardĂ© la mĂ©moire. Il mourut ĂągĂ© de cinquante-sept ans. Son corps fut ou- vert en prĂ©sence de vingt-six mĂ©decins et chirurgiens, qui lui trouvĂšrent tous les organes si sains, que dans le cours de la nature, suivant eux, il pouvait encore vivre trente ans. Le procĂšs de Kavaillae avait Ă©tĂ© instruit par le Par- lement. Nous l’avons dĂ©jĂ  dit, le fanatique ne nomma aucun complice pendant tout le cours de l’information. Il rĂ©sista aux tortures de la question prĂ©paratoire. ConfrontĂ© avec lui, le pĂšre Daubigny aftirma n’avoir jamais vu l’accusĂ©, qu’il sache. i> On condamna Ravaillac Ă  ĂȘtre Ă©cartelĂ© en place de GrĂšve, oĂč il devait ĂȘtre prĂ©alablement tenaillĂ© aux ma- melles, bras, cuisses, gras de jambe, la main droite tenant le couteau duquel a commis le'parricide arse et brĂ»lĂ©e de Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 429 feu de soufre, et sur les endroits oĂč sera tenaillĂ© , jetĂ© du plomb fondu, de l’huile bouillante, de la poix-rĂ©sine en flamme , de la cire et du soufre fondus ensemble. » Le jour de l’exĂ©cution, au moment de sortir de la Con- ciergerie , Ravaillac blasphĂ©mait encore le roi et glorifiait son crime. EspĂ©rait-il la vie sauve, ou comptait-il sur un tumulte pour le dĂ©livrer? Son Ă©tonnement fut grand quand il se vit accueilli par les huĂ©es du peuple, les menaces et les malĂ©dictions. DĂšs lors il baissa la tĂȘte. Au milieu des hurlements il arriva Ă  Notre-Dame , pour faire amende honorable. Il se jeta la face contre terre et, pour la premiĂšre fois, montra du repentir. Sur l’échafaud, on le coucha sur le dos et on lui attacha les chevaux aux pieds et aux mains. Pendant que sa main brĂ»lait, il eut le courage de lever la tĂȘte pour la regarder brĂ»ler. Puis on le tenailla. Ce fut alors qu’il commença Ă  crier. Le plomb fondu, J’huile bouillante, la cire et le soufre qu’on versa dans les plaies lui t causaient des douleurs atroces ; mais la foule n’en fit que rire. Les thĂ©ologiens, s’étant approchĂ©s, adjurĂšrent le patient de dire la vĂ©ritĂ©. Ravaillac dĂ©clara alors qu’il nommerait ses complices. Le greffier monta sur l’échafaud. Les aveux furent Ă©crits. Mais jamais on ne put lire cette piĂšce; on n’y distingua, dit-on, que le nom de M. d'Eper- non. Ce greffier avait une si mauvaise Ă©criture! L’auteur de ['Art de vĂ©rifier les Dates dit Ă  ce propos , d’aprĂšs Griffet On n’a ni l’original du procĂšs , qui a disparu des re- gistres du Parlement, si jamais il y a Ă©tĂ©, ni la clĂ© de son Digitized by Google 430 L’ABBESSE DE MONTMARTRE testament de mort, que le greffier Ă©crivit de maniĂšre qu’il est impossible de le dĂ©chiffrer. » On a prĂ©tendu d’ailleurs que l’incendie de la partie du Palais oĂč Ă©taient dĂ©posĂ©s les registres du Parlement conte- nant les dĂ©tails de la procĂ©dure, incendie qui eut lieu en 1618 , n’eut d’autre but que la destruction de ces docu- ments. Disons tout de suite que Sully, le vĂ©nĂ©rable Sully, Ă©loignĂ© de la cour, Ă©tait dĂ©jĂ  dĂ©pouillĂ© de ses hautes fonc- tions, et que le duc d’Epernon jouissait de la plus grande faveur auprĂšs de la reine Marie de MĂ©dicis, que, la menace Ă  la bouche et la main sur son Ă©pĂ©e, il avait fait dĂ©clarer rĂ©gente par le Parlement. Le pouvoir presque sans limites qu’exerçait le duc, con- jointement avec Concino Concini, bientĂŽt fait marquis d’ Ancre et marĂ©chal de France, peut expliquer bien des choses... Les aveux terminĂ©s, on donna l’ordre de faire tirer les chevaux aux quatre membres de Ravaillac. Mais les chevaux n’allant pas assez rudement au grĂ© du peuple, le peuple s’attela lui-rçĂȘme aux cordes. Quand les membres furent dĂ©nouĂ©s et rompus, et que Ravaillac agonisait, par pitiĂ© le bourreau voulut en finir et couper le corps en quatre quartiers. La foule alors envahit l’échafaud. Ce fut Ă  qui daguerait le patient et en emporterait un morceau. Le corps s’en alla en lambeaux, qu’on brĂ»la sur les places et dans les carrefours de Paris. DĂ©tournons les yeux de cet horrible spectacle, et reve- nons aux principaux personnages de notre rĂ©cit. AprĂšs avoir pleurĂ© son roi et son ami huit jours durant, dans ce mĂȘme cabinet oĂč il l’avait vu si souvent de bonne humeur et confiant dans l’avenir, et oĂč son corps inanimĂ© Ă©tait exposĂ© maintenant dans un cercueil de plomb, Marcel \ Die \l f ‱ r t Irj' Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 431 accompagna les restes mortels du meilleur des souverains Ă  Saint-Denis, oĂč ils furent inhumĂ©s. L’abbesse Marie de Beauvilliers assista Ă  la funĂšbre cĂ©rĂ©- monie, avec M. de Clignaneourt, qui s’y Ă©tait fait trans- porter malgrĂ© sa maladie, et le vieux chevalier du Bosc, dont l’ñme juste et droite s’était ralliĂ©e Ă  la politique libĂ©rale et tolĂ©rante de ce souverain, qui devançait son Ă©poque. Aucun des fidĂšles Gascons n'y manqua non plus, ni le dĂ©vouĂ© Grillon, ni le rigide d’AubignĂ©. Puis, le corps descendu dans les caveaux, on revint tris- tement Ă  Montmartre. Marcel ne retourna plus Ă  la cour. Quelques mois aprĂšs, un mariage Ă©tait cĂ©lĂ©brĂ© Ă  l’église abbaliale de Montmartre. C’était Marcel qui Ă©pousait Alice d’Azevedo, comtesse de FuenlĂšs et niĂšce du seigneur Ligier de Clignaneourt. Le gouverneur du Milanais Ă©tait accouru pour bĂ©nir les Ă©poux. M. de Clignaneourt, que Marcel -avait fini par adoucir, avait ouvert les bras Ă  la fille de sa sƓur Claire, et tendu la main Ă  l’Espagnol. Le chevalier du Bosc soupirail, mais il espĂ©rait revoir souvent celle qu’on lui permettait d’appeler toujours son enfant. Marie de Beauvilliers avait les yeux levĂ©s au ciel. Re- nouvelait-elle, en ce solennel moment, le sacrifice de son cƓur? Pendant de longues annĂ©es encore, la sainte abbesse administra son monastĂšre. Quand on parlait devant elle de Henri IV, elle disait — Ah! c’était un roi selon l’esprit du Seigneur!... Que Dieu pardonne Ă  ceux qui furent ses ennemis 1 Elle mourut Ă  l’ñge de quatre-vingt-trois ans, et avant d’expirer elle recommanda qu’on l’enterrĂąt dans une simple biĂšre, comme la derniĂšre des sƓurs, et sans aucun apparat. Digitized by Google . * larbesse de Montmartre Tout Paris se porta Ă  Montmartre, pour contempler les traits de la bonne abbesse dĂ©funte. Quant Ă  Jeanne, elle Ă©tait morte un an aprĂšs le mariage de son fils, presque en mĂȘme temps que le conseiller du Bosc. Elle s’était Ă©teinte doucement, en marmurant une des naĂŻves chansons de l’Auvergne. Gros-Michel et Gargantua firent sauter sur leurs genoux pendant bien des annĂ©es, les enfants de Marcel. Le reĂźtre alternait cette occupation avec celle de visiter frĂ©quemment scs amis les vignerons. Plusieurs fois encore il consentit Ă  jouer le rĂŽle de SilĂšne Ă  la lĂ©te des Vendan- geurs. La pipe Ă  la bouche, et fumant sa mcotiane , il cher chait des idĂ©es qui n’arrivaient que lourdement; mais il Ă©tait heureux. Castaignac venait souvent au manoir de Clignancouri, oĂč 6’était installĂ© Marcel. - C’était alors entre lui et le vieux capitaine des reĂźtres un concert de milladious et de ĂŒer Teufel, qui faisait la joie des petits bambins roses et blonds. Le Gascon, de plus en plus sec de corps, semblait mont, sur des Ă©chasses; ce qui ne l’empĂȘcha point de conserver ses il lusions romanesques jusqu'Ă  la fin, et le de si mort, dit-on, il voulait encore jouer un air de mandoline Ă  la Dame de ses pensĂ©es. Le brave Grillon mourut Ă  Avignon, en 1615, la mĂȘn ‱ annĂ©e que la reine Marguerite. Il avait le corps couvert de vingt-deux blessures, et les mĂ©decins l’ayant ouvert, on lui trouva le cƓur du doub’e de grosseur qu’il ne l’est chez les autres hommes. Le calviniste d’AuhignĂ© s’était retirĂ© Ă  GenĂšve. Il y com- posa plusieurs ouvrages d’histoire et de poĂ©sie, pleins de hardiesse et de verve satirique. Quant au jĂ©suite dont le nom ressemblait tant Ă  celui du poĂ«te protestant, l’histoire ne dit point ce qu’il devint. Et Henriette d’Entragues ? Digitized by Google L’ABBESSE lE MONTMARTRE *33 Elle maria au duc d’Epernon, suivant la promesse qu’elle lui avait faite, la fille qu’elle avait eue de Henri IV... La marquise vĂ©cut jusqu’en 1633. AgĂ©e de cinquante ans, elle mourut dans sa terre de Verneuil, l’ñme bourrelĂ©e de remords, dit-on, mais aussi rongĂ©e par le dĂ©pit de n’a- voir pu s’asseoir sur le trĂŽne de France. FIN DE l’aUBESSE DE MONTMARTRE. A Digitized by Google Digitized bĂż Google V TABLE DES MATIÈRES DEUXIÈRE PARTIE. P*gei I. La foire Saint-Germain 1 II. La petite histoire du capitaine Gargantua. ... 23 III. La tormexta du Mont-Cexis 45 IV. Le carnaval a Turin 63 V. Douce nuit, cruel rĂ©veil 84 VI. Le comte de FuentĂšs 103 VII. Entre vieilles connaissances 123 VIII. Fuite et poursuite, balles et boulets 115 IX. Arrestations 167 X. L’échafaud a la bastille 187 XI. Prise a son propre piĂšce 211 XII. Odieuse machination 226 > troisiĂšme partie. I. Le ron Henri 1 2 Al II. La tĂšte des vignerons 272 III. Encore la vindicative Henriette 272 Digitized by Google 436 TABLE DES MATIÈRES IV. Ac Grand Cuatelet 311 Y. La maison du Pont-Notre-Dame .‱ 331 VI. Les Kaiserlich et l’ardoisiĂšre . 348 VII. Le batelier et la promenade du bouc... 336 VIII. Le bourgmestre de magdebourg et le cateau aux OIGNONS ... 383 IX. Sombres prĂ©sages.^..,.., 401 . . X. Le quatorze mai V 413 FIN DE LA TABLE -V r-4. — lmp. Maurice Loi gnon; P. Dupont et Ci», rue du Bac-ll'A SRierts, lĂź É4 Digitized by Google I Digitized by Google 4 i
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Posted on Streaming CompletCauchemar en cuisine avec Philippe Etchebest Saison 0Épisode 8Cauchemar en cuisine avec Philippe Etchebest Saison 0 Épisode 8 Serie en Français VostfrCauchemar en cuisine avec Philippe Etchebest – Saison 0 Épisode 8Que sont-ils devenus ? Partie 8 – Bellegarde, MarseilleVue d’ensemble Le chef Ă©toilĂ© est de retour Ă  Bellegarde, dans le Gard, pour prendre des nouvelles d’HĂ©lĂšne et de son hĂŽtel. Lors de son passage, Philippe Etchebest avait proposĂ© de nombreux changements pour relancer l’affaire. Il avait encouragĂ© CĂ©dric, talentueux chef de cuisine, et Flora qui s’occupait seule du service en salle, des chambres et de l’accueil. Qu’en est-il de la situation de l’établissement aujourd’hui ? Le chef revient Ă©galement Ă  Marseille oĂč Lilly avait investi toutes ses Ă©conomies pour permettre Ă  son fils RĂ©my d’ouvrir son Ă©tablissement. Mais celui-ci, irresponsable, avait laissĂ© les factures s’accumuler. Titre Cauchemar en cuisine avec Philippe Etchebest – Saison 0 Épisode 8 Que sont-ils devenus ? Partie 8 – Bellegarde, MarseilleDate de diffusion 2016-09-21Des invitĂ©s de prestige Les rĂ©seaux M6Cauchemar en cuisine avec Philippe Etchebest Saison 0 Épisode 8 Serie en Français VostfrCauchemar en cuisine avec Philippe Etchebest Saison 0 Épisode 8 SĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©es en streaming complet vf. Regardez un SĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©es en ligne ou regardez les meilleures vidĂ©os HD 1080p gratuites sur votre ordinateur de bureau, ordinateur portable, bloc-notes, onglet, iPhone, iPad, Mac Pro et plusJeterImages d’épisode Cauchemar en cuisine avec Philippe Etchebest – Saison 0 Épisode 8Directeur du film et de l’équipe derriĂšre lui Cauchemar en cuisine avec Philippe Etchebest Saison 0 Épisode 8Émission de tĂ©lĂ©vision dans la mĂȘme BurgersBob Belcher tient un petit restaurant de burgers dans une ville fictive amĂ©ricaine, aidĂ© par sa femme, l’exubĂ©rante Linda, ainsi que ses trois enfants Tina, l’aĂźnĂ©e passionnĂ©e par les chevaux et les postĂ©rieurs, Gene, le garçon excentrique qui ne recule jamais devant un challenge, et enfin Louise, la petite derniĂšre au caractĂšre bien trempĂ© toujours en train de faire des KitchenHell’s Kitchen en français la cuisine de l’enfer ou cuisine infernale est une compĂ©tition amĂ©ricainede cuisine tĂ©lĂ©visĂ©e rĂ©elle basĂ©e sur la sĂ©rie britannique du mĂȘme nom diffusĂ©e sur Fox. Elle est prĂ©sentĂ©e par Gordon Ramsay. Deux Ă©quipes de chefs concourent pour un poste de chef dans un restaurant
. AustraliaL’émission culinaire australienne la plus Ă©coutĂ©e est de retour pour une 12e saison! Une fois de plus, les meilleurs chefs cuisiniers amateurs du pays des kangourous s’affrontent dans l’espoir de mettre la main sur le grand prix de 250 000 $.. NavigationNext Post →
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